Typical street scene in Santa Ana, El Salvador. (Photo: iStock)

(photo : Sultan Mahmud Mukut/SOPA Image/Newscom)

Bulletin du FMI : De nouvelles recettes peuvent remédier à la montée des inégalités en Afrique

le 21 octobre 2014

  • Le sous-continent, qui est une des régions à plus forte croissance du monde, souffre d’inégalités grandissantes
  • Le ratio recettes/PIB de l’Afrique subsaharienne est faible par rapport au reste du monde
  • Le FMI peut aider en proposant à l’Afrique des stratégies qui ont réussi ailleurs

Face à la montée des inégalités en Afrique subsaharienne, il faudra agir de façon pragmatique sur plusieurs fronts, afin de mobiliser de nouvelles sources de recettes tout en favorisant les investissements indispensables dans le capital humain; telle a été la conclusion qu’ont partagée les participants à un séminaire organisé à Washington.

Pépinière à Bogande (Burkina Faso) : les aides publiques à l’agriculture ont accru la sécurité alimentaire et dopé les revenus (photo : Gelebart/20Minutes/SIPA/Newscom))

Pépinière à Bogande (Burkina Faso) : les aides publiques à l’agriculture ont accru la sécurité alimentaire et dopé les revenus (photo : Gelebart/20Minutes/SIPA/Newscom))

POLITIQUE BUDGÉTAIRE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Le séminaire «Politique budgétaire et inégalités de revenu en Afrique subsaharienne» a permis d’explorer des domaines où la fiscalité et l’investissement public peuvent contribuer à améliorer les revenus pour tous. Le séminaire s’est tenu le 10 octobre à Washington, en marge de l’Assemblée annuelle du FMI et de la Banque mondiale de 2014.

La remarquable croissance que l’Afrique subsaharienne a connue au cours des vingt dernières années ne s’est pas traduite par une prospérité partagée. Le sous-continent continue à souffrir des inégalités de revenus, bien qu’il soit une des régions à plus forte croissance dans le monde.

Les inégalités de revenus sont au cœur des préoccupations des dirigeants depuis quelque temps et une dynamique se crée pour élaborer des stratégies innovantes afin d’y remédier. L’appel à une croissance inclusive a été un des temps forts de la conférence l’Essor africain (Africa Rising) qui a eu lieu au Mozambique en mai 2014. Il en a aussi été largement question dans l’édition d’avril 2014 des Perspectives économiques régionales. Un rapport des services du FMI publié quelques mois plus tôt expliquait en outre que la politique budgétaire est le principal outil par lequel les gouvernants peuvent agir sur la répartition du revenu.

Premier impératif : accroître les recettes

Dans un premier temps, il faut que l’État mobilise suffisamment de recettes. «Le ratio recettes/PIB de l’Afrique subsaharienne reste faible par rapport à celui d’autres régions du monde», a déclaré Antoinette Sayeh, Directrice du Département Afrique du FMI. «Faute de recettes suffisantes, il est impossible de créer la marge de manœuvre budgétaire qui permettra de financer les dépenses susceptibles de réduire l’inégalité», a-t-elle ajouté.

On peut y parvenir en instituant une fiscalité progressive, par exemple en remplaçant les taxes à la consommation par des impôts sur le revenu ou les biens fonciers. Il est aussi possible d’accroître les recettes en supprimant les avantages fiscaux généralisés tels que les subventions universelles des carburants, dont les riches profitent en général beaucoup plus que les pauvres. Le cas échéant, il faut les remplacer par d’autres dispositifs ciblés, tels que des transferts monétaires assujettis à des conditions, a déclaré Mme Sayeh.

Selon Martin Ravallion, professeur à l’université de Georgetown, qui a longuement étudié la pauvreté et les inégalités, il faudrait privilégier en Afrique les investissements publics judicieux propres à activer les grands leviers économiques qui contribuent à la fois à la croissance et à la lutte contre les inégalités. Il s’agit notamment des crédits à la santé et à l’éducation, mais aussi des efforts visant à rendre la justice accessible à tous les citoyens. «Il est important de bien définir les priorités pour l’Afrique subsaharienne», a-t-il rappelé.

Stratégie commune

D’après Lucien Marie Noël Bembamba, Ministre des Finances du Burkina Faso, pour lutter contre les inégalités, il faut une gouvernance inclusive. «Il faut d’abord que les gouvernements s’accordent sur une vision partagée, car une stratégie commune a beaucoup plus de chances de réussir», a-t-il déclaré. Il a évoqué la crise alimentaire de 2008, qui avait donné lieu à des émeutes dans plusieurs villes du pays.

Les pouvoirs publics avaient mis en place dans l’immédiat une série de dispositifs de protection sociale. D’abord, l’État s’est mis à acheter les denrées locales, pour les revendre à des prix réduits afin de répondre aux besoins urgents des plus démunis. Il s’en est suivi une baisse générale des prix des produits alimentaires. En outre, des transferts monétaires ciblés ont été mobilisés par le biais des collectivités locales pour limiter le gaspillage et les abus.

Par la suite, des consultations ont été organisées pour mettre au point un plan destiné à affermir la croissance et la résilience à long terme avec une perspective quinquennale, l’accent étant mis sur les secteurs dans lesquels le Burkina Faso dispose d’un avantage décisif. L’agriculture a été particulièrement porteuse. «Nous avons constaté que le développement agricole contribue à doper la croissance, assure la sécurité alimentaire, et permet de générer des revenus pour les populations pauvres», a expliqué M. Bembamba.

Interventions ciblées

«La répartition par les dépenses donne de bons résultats», a indiqué Henry Rotich, Secrétaire du Trésor du Kenya. Pour lutter contre les inégalités, le gouvernement a combiné des mesures visant à accroître les recettes et des interventions ciblées. Outre l’augmentation des dépenses de santé et d’éducation, a-t-il expliqué, le gouvernement a amendé le code des marchés publics afin d’en réserver un pourcentage aux entreprises dirigées par des femmes et pour promouvoir l’emploi des jeunes.

En tirant parti de la vague d’innovation technologique dans le pays, les décideurs ont pu atteindre plus facilement les segments de la population mal desservis. De ce fait, le nombre des exclus du système bancaire formel a diminué. «L’innovation a changé la vie des Kenyans», a expliqué M. Rotich.

Que peut-faire le FMI?

«Notre objectif est de faire en sorte que la vague d’expansion économique de l’Afrique améliore effectivement le niveau de vie des ménages et des collectivités de l’ensemble du continent », a déclaré Antoinette Sayeh. «Le FMI peut y contribuer en veillant à ce que les modèles qui ont fait la preuve de leur efficacité dans d’autres parties du monde puissent être appliqués en Afrique».