Typical street scene in Santa Ana, El Salvador. (Photo: iStock)

(photo : Sultan Mahmud Mukut/SOPA Image/Newscom)

Bulletin du FMI : Le prêt du FMI a pour but d’aider la Tunisie à stimuler la croissance et à protéger les pauvres

le 17 juin 2013

  • Le prêt est destiné à préserver la stabilité macroéconomique, à accélérer l’expansion et à protéger les catégories sociales vulnérables
  • L’acceptation du programme par les milieux politiques et la société sera la clé de son succès
  • Le développement du secteur privé est indispensable à la durabilité de la croissance et à la création d’emplois

Le 7 juin, le Conseil d’administration du FMI a approuvé un prêt de 1,75 milliard de dollars en faveur de la Tunisie pour appuyer le programme économique des autorités, qui vise à renforcer les marges de manœuvre budgétaire et extérieure et à promouvoir une croissance plus forte et plus solidaire, notamment en remédiant aux carences du système bancaire et en améliorant le climat des affaires.

Photo: Terry Harris/Stock Connection USA /Newscom

Magasin de tapis en Tunisie. Le programme économique vise à promouvoir le développement du secteur privé et une croissance solidaire (photo : Terry Harris/Stock Connection USA /Newscom)

Programme en faveur de la Tunisie

Dans un entretien avec le Bulletin du FMI, le Chef de la mission du FMI pour la Tunisie, M. Amine Mati, explique les raisons du prêt et les principaux éléments du programme de réforme économique du gouvernement.

Bulletin du FMI: Pourquoi la Tunisie a-t-elle besoin de l’aide financière du FMI?

M. Mati: Après une grave récession en 2011, la croissance du PIB réel a repris au rythme de 3,6 % environ en 2012. Outre les effets de base, cette évolution s’explique principalement par le redressement du tourisme, les entrées d’investissements directs étrangers et les envois de fonds des travailleurs émigrés.

Cependant, le chômage reste élevé tandis que les déséquilibres extérieur et budgétaire augmentent. Le déficit courant s’est aggravé en raison de la baisse des exportations, due au ralentissement en Europe, et de la hausse des importations. L’augmentation de la masse salariale et des subventions, en réponse à la montée des revendications sociales, s’est répercutée sur les dépenses publiques, contribuant à alourdir le déficit budgétaire en 2012. L’enchérissement de l’alimentation et de l’énergie — surtout imputable à la montée des cours internationaux — a fait passer l’inflation globale à plus de 6 %, creusant davantage les déficits budgétaire et courant. En outre, le système bancaire reste extrêmement fragile malgré les mesures prises récemment pour améliorer la supervision et la réglementation. Tous ces éléments pèsent fortement sur l’économie dans un environnement international encore incertain.

Pour atténuer ces tensions et dynamiser l’économie, les autorités ont conçu un programme visant à rétablir une marge d’action budgétaire, à reconstituer les réserves de change, à rendre le secteur bancaire moins vulnérable et à encourager une croissance plus solidaire. Le soutien financier du FMI les aidera à atteindre ces objectifs en redonnant confiance aux investisseurs et en reconstituant des réserves de précaution, ce qui permettra à l’économie de mieux résister à des évolutions défavorables.

Bulletin du FMI: En quoi consiste un accord de confirmation et pourquoi convient-il actuellement à la Tunisie?

M. Mati: L’accord de confirmation (AC) est l’instrument de prêt le plus utilisé par le FMI à l’intention des pays membres à revenu intermédiaire qui, comme la Tunisie, ont des besoins de balance des paiements — c’est-à-dire dont les sorties de devises sont supérieures aux entrées. Les taux d’intérêt des prêts au titre des AC sont généralement inférieurs à ce qu’un pays paierait pour se financer sur les marchés de capitaux privés. Celui du prêt accordé à la Tunisie est de 1,08 % (plus une commission de 2 % sur la partie de l’emprunt qui dépasse 300 % de la quote-part, ce qui majore le montant à rembourser pendant les six derniers mois du programme).

Bulletin du FMI: Quelles sont les principales composantes du programme de politique économique de la Tunisie?

M. Mati: La première série de mesures vise la stabilisation macroéconomique au moyen d’un dosage approprié des politiques budgétaire, monétaire et de change. Le rétablissement d’une marge d’action budgétaire s’accompagnera d’une amélioration de la composition des dépenses publiques donnant la priorité aux programmes sociaux et d’investissement qui concourent à la croissance et au recul de la pauvreté. Une politique monétaire prudente visera à contenir l’inflation tout en sauvegardant la stabilité du système bancaire. Un assouplissement du taux de change permettra d’améliorer la compétitivité externe de la Tunisie et de reconstituer les réserves de change.

Le gouvernement a déjà lancé de nombreuses réformes. Par exemple, il a pris en mars dernier des mesures très courageuses de relèvement des tarifs de l’énergie et de l’électricité pour diminuer les subventions non ciblées. En réduisant des dépenses publiques dont bénéficient largement les catégories favorisées de la population, elles contribueront grandement à retrouver la latitude budgétaire nécessaire pour accroître les crédits favorables à la croissance et aux couches défavorisées.

La deuxième série de réformes prévue par les autorités créera les conditions d’une croissance plus solidaire, avec une atténuation des disparités régionales et des inégalités sociales. Il s’agit notamment de remédier aux vulnérabilités du système bancaire, condition essentielle à la distribution du crédit et à la reprise économique. Des progrès ont été accomplis, mais les autorités ont également l’intention de renforcer la supervision et redresser les trois banques publiques du pays. À cet égard, un audit a été lancé afin de trouver le modèle économique convenant à ces établissements et d’évaluer leurs éventuels besoins de recapitalisation.

Le programme vise aussi à favoriser le développement du secteur privé par une réforme de l’impôt sur les sociétés, un nouveau code des investissements et un allégement de la bureaucratie. Ces mesures sont de nature à améliorer le climat des affaires et à pérenniser la croissance.

La troisième série de mesures vise à protéger les catégories sociales les plus vulnérables et à promouvoir l’équité en s’orientant vers un système de protection sociale mieux ciblé. Dans d’autres domaines, comme les réformes de la sécurité sociale et du marché du travail, il reste beaucoup à faire pour arriver à un consensus et les autorités n’ont pas encore fixé leurs priorités.

Bulletin du FMI: Le taux de chômage des jeunes s’élève à 30 % en Tunisie. Que doit faire le pays pour stimuler la création d’emplois?

M. Mati: Le chômage des jeunes reste en effet très élevé, en particulier parmi les diplômés de l’enseignement supérieur. Il faudra du temps pour faire baisser le taux de chômage, et cela nécessitera une accélération de la croissance entraînée par le secteur privé.

Le programme économique des autorités prévoit des réformes propices au développement du secteur privé, notamment l’amélioration du code des investissements et du climat des affaires. Le gouvernement a aussi lancé plusieurs programmes de formation qui pourraient réduire l’inadéquation des qualifications sur le marché du travail et diminuer ainsi le chômage des diplômés de l’enseignement supérieur.

Bulletin du FMI: Vous avez déclaré que le programme est conçu et internalisé par les autorités. Or, selon certains, il serait assorti de conditions secrètes ou non divulguées. Est-ce-exact? Le FMI a-t-il conditionné l’approbation du prêt à la suppression des subventions à l’énergie?

M. Mati: Je vous affirme catégoriquement qu’il n’y a pas de conditions secrètes ou non divulguées — tous les engagements de politique publique figurent dans la lettre d’intention publiée. Le programme économique que nous soutenons par l’accord de confirmation est celui des autorités et non celui du FMI. Le gouvernement tunisien l’a mis au point au cours des deux dernières années. Il comprenait des objectifs et des mesures que nous avons jugé appropriés et que nous pouvons appuyer. Nos entretiens avec les autorités ont principalement porté sur l’échelonnement plutôt que sur la nature des réformes économiques.

La mission du FMI et le gouvernement tunisien ont convenu de la nécessité de mettre fin aux subventions à l’énergie. Nous constatons dans le monde entier que ces aides non ciblées sont très onéreuses et régressives, car elles profitent surtout aux riches et réduisent les ressources qui pourraient être affectées à des dépenses favorables à la croissance et aux couches défavorisées. La hausse de 7 % des prix de l’énergie en mars dernier a été proposée par le gouvernement dans le budget de 2013 et approuvée par l’Assemblée nationale constituante fin 2012.

Le gouvernement est en train d’élaborer une stratégie garantissant que les relèvements futurs de ces prix soient compensés par des mesures de protection des catégories sociales les plus vulnérables. La mission du FMI est tout à fait d’accord avec les autorités tunisiennes sur la nécessité de remplacer à terme le système actuel de subventions non ciblées à l’énergie par un dispositif de protection sociale ciblée.

Bulletin du FMI: D’aucuns reprochent aux FMI de ne travailler qu’avec les gouvernements. L’adhésion d’autres parties prenantes n’est-elle pas nécessaire à une application harmonieuse et durable du programme de réforme appuyé par le prêt du FMI?

M. Mati: Le FMI négocie avec le gouvernement parce qu’il représente le pays dans les instances internationales. Mais nous sommes tout à fait conscients qu’une large adhésion des différentes parties prenantes de la société est indispensable à la réussite du programme.

Pour élaborer celui-ci, la mission du FMI a rencontré une série d’acteurs, dont des représentants des médias, de la société civile, des partis politiques, du parlement, des syndicats et des universités. Cela nous a permis de mieux connaître leurs opinions et leurs préoccupations, d’expliquer les conseils du FMI et d’évoquer les arbitrages de politique économique.

La multiplicité des contacts a beaucoup enrichi le contenu de nos échanges avec les autorités. Ce type de dialogue améliore la transparence, l’internalisation et la responsabilisation en ce qui concerne les choix de politique économique. Nous espérons poursuivre ces relations fructueuses pendant la mise en œuvre du programme.