Communiqué du Groupe Intergouvernemental des Vingt-Quatre pour les Questions Monétaires Internationales et le Développement, le 14 novembre 2001

le 14 novembre 2001



Groupe Intergouvernemental des Vingt-Quatre pour les Questions Monétaires Internationales et le Développement
Communiqué
14 novembre 2001

Les ministres du Groupe intergouvernemental des Vingt-Quatre pour les questions monétaires internationales et le développement ont tenu leur soixante-sixième réunion à Paris (France) le 14 novembre 2001, sous la présidence de M. Jubril Martins-Kuye, Ministre d'État aux Finances du Nigéria, assisté de M. Alain Bifani (Liban), Premier Vice-Président, et de Mme Sheelagh de Osuna (Trinité-et-Tobago), Second Vice-Président.

La réunion des ministres a été précédée, les 13 et 14 novembre 2001, de la soixante-huitième réunion des suppléants du Groupe des Vingt-Quatre, qui était présidée par M. Ernest C. Ebi (Nigéria).

I. Relever les défis de la croissance et du développement
grâce à la coopération et à la solidarité internationales

1. Les Ministres condamnent les attaques terroristes du 11 septembre, et expriment leur profond regret pour la perte tragique de vies humaines innocentes. Ces terribles événements ont porté un coup sévère à l'économie mondiale, qui était déjà en perte de vitesse, et ont eu des effets particulièrement dévastateurs sur les pays en développement. Les Ministres soulignent que, dans les circonstances exceptionnelles auxquelles la communauté internationale est confrontée, il est d'autant plus nécessaire d'assurer la paix et d'intensifier la coopération et la solidarité pour surmonter les difficultés majeures qu'affrontent tous les pays.

2. Les événements récents ont fait ressortir la rapidité et l'intensité avec lesquelles des chocs négatifs affectent tous les pays, avec de profondes répercussions sur la stabilité des systèmes financier et commercial internationaux. Dans un monde de plus en plus interdépendant, il est urgent que la communauté internationale réduise l'incertitude et la volatilité, et amortisse les effets de ces chocs négatifs sur les pays affectés en les aidant à retrouver la voie de la croissance et du développement économiques.

3. Les Ministres réaffirment leur détermination à œuvrer en vue d'améliorer le sort des citoyens de tous les pays, et en particulier des plus pauvres, en menant des politiques propres à favoriser la stabilité macroéconomique et financière, à stimuler une croissance plus rapide et à faire reculer la pauvreté, tout en respectant la souveraineté des pays. À cet égard, les Ministres accueillent avec satisfaction les engagements pris par le Directeur général du FMI dans sa déclaration du 5 octobre et les propos rassurants du Président de la Banque mondiale décrivant les mesures concrètes que les institutions de Bretton Woods sont prêtes à prendre pour venir en aide aux pays en développement.

II. Perspectives économiques mondiales

4. Les Ministres expriment leur profonde préoccupation face à la dégradation des perspectives économiques mondiales et au synchronisme du ralentissement constaté aux États-Unis, au Japon et en Europe. La croissance s'est nettement ralentie aux États-Unis et en Europe, tandis que le Japon est retombé dans la récession. On s'attend à une expansion des échanges commerciaux mondiaux de 1,5 % seulement en 2001, contre 12,4 % en 2000. Le rythme de croissance des exportations des pays en développement chutera, d'après les projections, de 19 % en 2000 à 3 % seulement en 2001. Les cours des produits de base ont continué de baisser, les projections faisant état d'un recul d'au moins 5 % des cours des produits non pétroliers, cependant que le prix du pétrole est aussi en chute libre.

5. Les Ministres soulignent que les pays en développement sont, à maints égards, les plus durement touchés par le grave ralentissement de l'économie mondiale. La baisse de la demande des produits qu'ils exportent, la chute des cours des produits de base, la baisse des recettes du tourisme, la restriction de leurs débouchés commerciaux, l'aversion croissante des marchés financiers pour le risque et la diminution des investissements directs étrangers vont sensiblement réduire la croissance. Pour la plupart des pays en développement, les attaques terroristes du 11 septembre ont entraîné une augmentation considérable des coûts de transaction, principalement des frais d'assurance et de transport, et les revenus du tourisme ont lourdement chuté, de même que les recettes d'exportation. Les flux nets de capitaux privés vers les marchés émergents sont en passe de devenir négatifs pour la première fois en dix ans. Le volume de financement assuré par les marchés de capitaux a considérablement diminué au premier semestre 2001 et les marges ont très sensiblement augmenté. En outre, le fait que de nombreux compartiments des marchés de capitaux vont rester fermés aux pays émergents et le ralentissement des investissements directs étrangers pourraient entraîner une contraction des dépenses d'investissement et miner la viabilité de la dette et la stabilité macroéconomique, affaiblissant encore les perspectives de croissance.

6. Les Ministres expriment leur préoccupation face à la conjonction de ces forces négatives, qui pourrait avoir de graves retombées sur le niveau de vie, la stabilité financière et le succès des efforts de réforme dans le monde en développement. Les programmes de réduction de la pauvreté vont en souffrir, le chômage pourrait augmenter et la progression du revenu par habitant stopper ou s'inverser. Par contrecoup, les dispositifs de protection sociale des pays en développement, déjà faibles, pourraient être encore plus éprouvés par le coût humain du ralentissement économique.

7. Les Ministres expriment des craintes particulières quant aux effets de ces événements sur les pays à faible revenu. Les vigoureux efforts de réformes portaient leurs fruits, particulièrement en Afrique, et les pays admissibles à l'initiative en faveur des PPTE commençaient à bénéficier d'un certain allégement de leur dette. Les récents événements pourraient toutefois enrayer ce processus. En particulier, on s'attend à ce que la progression des niveaux de vie en Afrique fasse place à une régression, de sorte qu'il sera plus difficile de contenir le coût humain déjà élevé de la pandémie du sida, face auquel un soutien spécial de la communauté internationale est indispensable. Dans ce contexte, les Ministres soulignent la nécessité de mobiliser plus de ressources — en particulier sous la forme de l'aide publique au développement, du report, au cas par cas, des intérêts sur la dette rééchelonnée sous les auspices du Club de Paris et de la concrétisation des engagements de contribution au Fonds fiduciaire PPTE — et davantage d'assistance technique pour aider les pays à relever les nouveaux défis et à poursuivre leurs efforts d'ajustement et de réforme. Il convient de prendre en considération la question de la viabilité de la dette des pays à revenu intermédiaire très endettés et des pays à faible revenu qui ne font pas partie du groupe des PPTE.

8. Dans ces circonstances, les Ministres réaffirment leur détermination à continuer de mener, dans leurs propres pays, des politiques macroéconomiques saines compatibles avec une croissance soutenue et durable. Cependant, en raison du fléchissement de la demande mondiale et de l'impossibilité d'accéder aux marchés financiers, la stratégie conventionnelle de contraction de la demande intérieure et de dépréciation de la monnaie nationale risque de ne pas aider les pays en développement à faire face aux problèmes posés par la détérioration de la conjoncture extérieure. En outre, le ralentissement de l'économie mondiale s'aggraverait sensiblement si tous les pays en développement suivaient cette stratégie. Il est essentiel à cet égard que les économies avancées prennent d'urgence de nouvelles mesures pour doper la croissance mondiale. L'assouplissement de la politique monétaire déjà décidé est le bienvenu; il pourrait être conforté par de nouvelles initiatives dans ce sens, et des mesures de relance budgétaire bien conçues devraient intervenir rapidement. Pour raviver la confiance et améliorer les perspectives économiques mondiales, il faut une large libéralisation des échanges afin d'assurer aux produits des pays en développement un meilleur accès aux marchés. D'autres réformes structurelles — en particulier sur les marchés du travail et des produits — doivent être poursuivies avec une énergie redoublée.

9. Les Ministres soulignent qu'il est urgent d'améliorer sensiblement les débouchés commerciaux des pays en développement et leurs capacités dans les négociations commerciales en cours. Il est impératif à cet égard que les économies avancées suppriment leurs subventions, limitent strictement leurs restrictions à l'importation — des produits agricoles et textiles en particulier — et aplanissent les autres obstacles non tarifaires qui restreignent sérieusement les débouchés commerciaux des pays en développement. Une bien plus grande souplesse est nécessaire en ce qui concerne les droits de la propriété intellectuelle liés au commerce — notamment pour ce qui touche à des questions pressantes de santé publique.

III. Lutte contre le blanchiment de capitaux
et le financement du terrorisme

10. Les Ministres réaffirment leur appui aux efforts déployés au plan international pour combattre le blanchiment de capitaux et le dévoiement du système financier international. Ils soulignent aussi que le rôle du FMI dans la lutte contre le blanchiment d'argent et la répression du financement du terrorisme doit être conforme à son mandat et à ses domaines de compétence essentiels. Les Ministres soulignent que le FMI n'est pas chargé de faire appliquer la loi. Le dévoiement du système financier international par l'exercice d'activités illégales ruine les chances de développement et compromet l'intégrité des secteurs financiers. Il est important dans ce contexte d'élaborer une stratégie concertée au plan international, qui doit comprendre non seulement les centres financiers offshore, mais aussi les grandes places financières des pays développés d'où proviennent ou par lesquelles transitent la plupart des flux de capitaux. Les Ministres notent avec satisfaction les résolutions récemment adoptées par les Nations Unies pour lutter contre le terrorisme et les actions actuellement menées pour renforcer les recommandations du GAFI et soulignent qu'une coopération plus étroite entre les organismes internationaux est nécessaire. Il est important qu'un plus grand nombre de pays en développement soient mieux représentés du GAFI et des autres organismes compétents. Il importe tout autant que le suivi de l'application des normes internationalement admises se fasse de façon uniforme, concertée et volontaire, et tienne compte des capacités et du stade de développement du marché financier des pays membres. Les Ministres soulignent qu'il importe de fournir aux pays en développement davantage d'assistance technique pour renforcer leurs systèmes financiers et les aider à corriger les carences des cadres de réglementation mis en place pour combattre le blanchiment d'argent et les abus financiers.

IV. Financement du développement

11. Les Ministres considèrent que le processus de préparation de la Conférence internationale sur le financement du développement (CIFD) sous l'égide des Nations Unies offre une occasion unique de focaliser la volonté politique internationale afin de mobiliser des moyens substantiels et d'intensifier l'action concertée pour combattre la pauvreté, réaliser les Objectifs de développement du millénaire et faire progresser le développement de tous les pays. Ils font observer que la CIFD doit être envisagée non pas comme le lieu où entreprendre de remodeler l'architecture financière internationale, mais comme un forum où débattre et convenir de certaines questions de principe nationales, internationales et systémiques, et comme le point de départ d'une meilleure coopération internationale pour le développement associant tous les pays et toutes les institutions multilatérales dans les décennies à venir. Les Ministres soulignent que les efforts déployés par chaque pays pour créer chez lui un climat propice à l'investissement ne peuvent porter leurs fruits dans une économie mondialisée que si l'environnement international favorise et suscite des flux significatifs et stables de ressources internationales en faveur des pays en développement. Compte tenu de la situation actuelle, les Ministres appellent instamment à la conclusion rapide d'un accord sur l'augmentation de l'aide publique au développement portant celle-ci de son niveau actuel de 0,22 % du PNB à l'objectif de 0,7 % du PNB fixé par les Nations Unies.

V. Propositions d'action pour le FMI et la Banque mondiale

12. Les Ministres préconisent les actions suivantes :

  • Le FMI doit continuer de suivre de près l'évolution de la situation économique mondiale. Le FMI et la Banque mondiale veiller à être capables à tout moment de fournir dans les meilleurs délais un financement approprié, y compris des garanties de la Banque mondiale, aux pays membres qui sont affectés par les récents chocs externes et qui se sont engagés à conduire des politiques macroéconomiques et structurelles saines.

  • Le FMI doit veiller à ce que les liquidités mondiales soient suffisantes et convenablement réparties, y compris en envisageant dans un avenir proche de procéder à une allocation générale de DTS. Le quatrième amendement aux statuts du FMI, relatif à l'allocation spéciale de DTS à caractère exceptionnel, doit être ratifié immédiatement par les pays qui ne l'ont pas encore fait.

  • Au vu des défis lancés par la mondialisation et du fait que le FMI est une institution universelle ayant la coopération pour trait distinctif, les formules de calcul des quotes-parts devraient tenir compte du poids économique relatif des pays membres, de l'éventualité qu'ils aient besoin de faire appel aux ressources du FMI, de leur vulnérabilité aux changements d'opinion des marchés, de leurs possibilités d'accès à des flux de capitaux privés et de leur capacité contributive. À cet égard, la formule de calcul utilisée pour les futures augmentations générales des quotes-parts devrait permettre d'améliorer la représentation des pays en développement, et en particulier des pays d'Afrique subsaharienne, par rapport au total des voix attribuées aussi bien que du point de vue de la structure des quotes-parts.

  • Il convient de négocier une augmentation générale du capital de la Banque mondiale afin que celle-ci soit mieux à même de répondre à la demande de financement attendue de la part des pays en développement.

  • Le FMI et la Banque mondiale doivent fournir dans de meilleurs délais un allégement de dette plus généreux au titre de l'initiative en faveur des PPTE. Les deux institutions doivent suivre en permanence les analyses de viabilité de la dette de ces pays. Elles doivent faire preuve de la plus grande souplesse dans ce cadre et la communauté internationale doit pour sa part veiller à ce que des ressources d'aide adéquates soient disponibles en complément de l'allégement de la dette.

  • Le financement intégral de la FRPC intérimaire doit être assuré immédiatement et il convient d'envisager de mobiliser des ressources complémentaires dans le contexte des opérations de la FRPC intérimaire pour pouvoir apporter davantage de soutien aux pays à faible revenu dans les circonstances actuelles.

  • La 13e reconstitution des ressources de l'IDA doit être menée à bien de toute urgence et il convient de débloquer les crédits en début de période étant donné les problèmes de développement exceptionnels auxquels se heurtent les pays admissibles aux concours de l'IDA.

  • L'aide multilatérale au développement doit être accrue et mieux coordonnée avec l'aide des donateurs bilatéraux et des autres bailleurs pour réduire les coûts de transaction et donner une plus grande cohérence aux efforts de développement.

  • Le FMI et la Banque mondiale doivent fournir une assistance technique supplémentaire aux pays en développement pour qu'ils renforcent leurs capacités institutionnelles.

  • La Banque mondiale, de même que les banques régionales de développement et les organismes bilatéraux de crédit à l'exportation, doivent étudier les moyens de faciliter le financement commercial pour les exportations des pays en développement. À cet égard, il convient de mettre rapidement en œuvre l'initiative de la Banque mondiale concernant le Groupe de travail international sur la gestion des risques liés aux produits de base dans les pays en développement, afin de pouvoir faire face aux retombées négatives de la volatilité des prix sur ces pays.

VI. Date et lieu de la prochaine réunion

13. Les ministres du Groupe des Vingt-Quatre tiendront leur prochaine réunion à Washington le 20 avril 2002.