Luxembourg -- Consultation de 2006 au titre de l'article IV, Conclusions du FMI

le 30 janvier 2006

La déclaration de fin de mission résume les constats préliminaires effectués par les représentants du FMI à l'issue de certaines missions (visites officielles, dans la plupart des cas dans les pays membres). Ces missions s'inscrivent dans le cadre des consultations périodiques (en général annuelles)au titre de l'Article IV des Statuts du FMI, ou sont organisées lorsqu'un pays demande à utiliser les ressources du FMI (à lui emprunter des fonds), ou encore dans le contexte des discussions sur les programmes suivis par le services du FMI, ou d'autres exercices de suivi de la situation économique.

30 janvier 2006



1. Grâce au dynamisme de son secteur financier et à la situation globalement positive de son secteur public, le Luxembourg est bien placé pour relever les défis à venir, notamment la mise en œuvre des politiques budgétaire et sociale face à un possible ralentissement de la croissance dû à l'arrivée à maturité du secteur financier. La mission estime que la dernière version du programme de stabilité constitue un pas décisif dans la bonne direction, mais il se peut que l'objectif d'une correction du déficit de ½ % du PIB ne soit pas atteint en 2006 si des mesures supplémentaires ne sont pas prises. De façon générale, la mission recommande de concentrer les ajustements budgétaires en début de période et d'adopter un cadre budgétaire qui traduise les impératifs de viabilité à long terme — notamment ceux qui découlent du vieillissement de la population — en cibles cohérentes dans le budget des administrations publiques. Sur cette base, le gouvernement devra faire en sorte que le budget des administrations publiques dégage un excédent d'au moins 1 % du PIB à moyen terme. L'ajustement requis devrait passer par l'adoption de mesures en matière de dépenses, que viendraient compléter des réformes sociales visant à accroître la souplesse du marché du travail pour prévenir une aggravation du chômage structurel. Ces mesures seraient bénéfiques au pays, car elles préserveraient son dynamisme et favoriseraient une croissance durable à long terme.

Les perspectives à court terme

2. La reprise économique est déjà bien avancée et la croissance devrait rester soutenue en 2006. Il semble que l'activité monte en puissance dans la zone euro et que le secteur financier luxembourgeois continuera d'enregistrer de bons résultats. Pour autant, l'expansion de ce secteur pourrait se ralentir quelque peu, après la forte progression de l'année dernière. Nous prévoyons donc que la croissance du PIB réel atteindra 4,0 % en 2006, soit un rythme proche des 4¼ % que nous avons estimés pour 2005. Cependant, la demande intérieure reste faible et, compte tenu de la hausse de l'offre de main d'œuvre dans les pays voisins, nous pensons que le taux de chômage continuera d'augmenter pour atteindre 5,3 % d'ici la fin 2006. En supposant que les prix énergétiques restent relativement stables, l'inflation (mesurée par l'indice national IPCN) devrait atteindre en moyenne 2,3 % en 2006.

Le secteur financier et les perspectives à moyen terme

3. Les perspectives à moyen terme restent favorables, mais la croissance semble en passe de se ralentir. Le rythme d'expansion du secteur financier devrait continuer de dépasser le taux de progression du PIB, et le processus de spécialisation se poursuit. Toutefois, le passage réussi des activités bancaires traditionnelles (à marges élevées) aux services de gestion d'actifs (à marges plus faibles) est déjà bien avancé. Les perspectives d'expansion restent certes considérables dans ce secteur, mais, en matière de gestion d'actifs, le Luxembourg occupe déjà la deuxième place au niveau mondial et son rythme de croissance se ralentira sans doute à moyen terme dans ce secteur. Compte tenu de ce qui précède, la mission recommande au Luxembourg d'intensifier les efforts qu'il déploie pour diversifier son économie.

4. Dans le même temps, le secteur financier reste bien placé pour tirer parti des débouchés grâce à sa souplesse, à son aptitude à attirer une main d'œuvre qualifiée et au souci du pouvoir législatif luxembourgeois de rester au diapason des entreprises. La réduction des coûts et la réorientation des stratégies commerciales opérées après l'éclatement de la bulle boursière en 2000 ont accru la compétitivité de la place financière luxembourgeoise. Ces mesures ont rendu le secteur financier encore plus à même d'attirer une main-d'œuvre qualifiée en puisant dans un vivier d'actifs profond et diversifié. Fidèle à sa tradition, le Parlement continue de prendre des mesures — telles que les textes de loi récemment adoptés sur les fonds de placement en actions et les fonds de pensions privés — qui visent à préserver la souplesse du système luxembourgeois et à attirer les entreprises étrangères. À ce stade, toutefois, il est trop tôt pour en mesurer les effets.

5. Contrairement à une crainte très répandue, la directive de l'Union européenne sur l'épargne (qui a instauré, en juillet 2005, le prélèvement à la source sur les investissements financiers étrangers) semble avoir eu peu d'effets sur les activités bancaires privées. Qui plus est, elle semble avoir uniformisé les règles du jeu entre les centres financiers, ce qui a renforcé la réputation de la place financière luxembourgeoise.

6. Le secteur financier continue de bien résister aux chocs, grâce à ses niveaux de capitalisation prudents et à un système de surveillance en amélioration constante. D'après les estimations préliminaires des autorités, la solvabilité du secteur bancaire s'est maintenue à des niveaux confortables l'année dernière (septembre 2005), même si le niveau des prises de risques à quelque peu augmenté. Les tests de résistance réalisés par les autorités montrent que le secteur des banques et des assurances est bien armé face aux risques de marché, notamment au risque de taux d'intérêt. Les exercices de simulation d'une évolution potentiellement défavorable du marché immobilier, effectués par les autorités, laissent à penser que de tels développements n'auraient qu'un impact négligeable sur la solvabilité du secteur bancaire. En 2005, les effectifs des organismes de surveillance des banques et des assurances ont été une nouvelle fois ajustés en fonction de l'expansion du secteur financier.

Renforcement de la viabilité budgétaire

7. La qualité de la politique financière du Luxembourg a fortement aidé le Luxembourg à attirer et à retenir une grande quantité de main-d'œuvre et de capitaux étrangers : préserver cet acquis doit rester une des priorités du pays. Il importe donc que le solde budgétaire du secteur des administrations publiques redevienne excédentaire à hauteur d'au moins 1 % du PIB à moyen terme, afin, entre autres, de préserver la viabilité financière du régime de retraite. La dernière version du programme de stabilité est un pas dans la bonne direction, mais ne lève pas toutes les hypothèques pesant sur la viabilité des finances publiques.

8. S'agissant du budget de 2006, l'objectif visant à réduire de ½ % du PIB le déficit des administrations publiques pour le ramener à 1,8 % du PIB est satisfaisant. Toutefois, la compression des dépenses et la réduction du déficit pourraient se révéler inférieures aux attentes. En tout état de cause, il convient de tirer parti de la conjoncture favorable créée par la croissance économique pour concentrer les ajustements budgétaires en début de période.

9. À moyen terme, la position confortable des actifs nets du secteur public permet au Luxembourg d'adopter une approche globale graduelle consistant à réduire le déficit budgétaire d'au moins ½ % du PIB par an. Il conviendrait d'inscrire cette approche dans un cadre de politique à même de traduire les impératifs de viabilité à long terme — découlant notamment du vieillissement de la population — en cibles à moyen terme dans le budget du secteur des administrations publiques. Il convient de définir clairement les priorités budgétaires pour éviter des dépassements de dépenses.

10. L'ajustement doit porter avant tout sur les dépenses, qui ont fâcheusement augmenté durant les dernières années. D'une manière générale, il faudra éviter de relever l'impôt sur le revenu, car il est important de préserver des taux d'imposition compétitifs — notamment les taux applicables aux revenus directs — pour continuer d'attirer la main-d'œuvre et les capitaux étrangers. De ce point de vue, les conseils de politique économique prodigués par la mission ne sont pas en désaccord avec le dernier programme de stabilité. Toutefois, les mesures d'ajustement sur lesquelles repose la compression des dépenses envisagée par le gouvernement n'ont pas encore été décidées. La mission comprend bien que le processus politique est engagé dans ce domaine, mais elle souhaite mettre en garde le Luxembourg contre l'idée qu'il pourrait combler son déficit courant grâce à la croissance.

11. Il convient de mettre en place une stratégie d'ajustement à compter de la loi de finances de 2007 :

• Il est possible de comprimer les dépenses sociales sans mettre en péril la protection sociale — la marge de manœuvre est grande — en sanctionnant plus sévèrement les abus et en subordonnant davantage les prestations sociales au niveau de ressources des bénéficiaires. Le renforcement des contrôles sur les prestations d'invalidité a déjà donné des résultats positifs et la mission note avec approbation que les critères d'éligibilité concernant les prestations de congés de maladie ont été récemment rendus plus stricts. Il conviendrait aussi de durcir les critères d'éligibilité et la répression des abus dans le cas d'autres prestations sociales (telles que le revenu minimum garanti et les indemnités de chômage), notamment en ce qui concerne les jeunes.

• Surtout, il faudrait que les prestations sociales soient davantage liées aux besoins sociaux. À ce sujet, nous recommandons de subordonner plus étroitement les prestations au niveau de ressources et de réexaminer les critères d'éligibilité concernant les allocations familiales et les allocations d'éducation. Par ailleurs, il convient d'envisager aussi de dissocier certaines dépenses sociales de l'évolution des salaires.

• Sans négliger le fait que les infrastructures luxembourgeoises souffrent de goulets d'étranglement, il conviendrait de réexaminer le vaste programme d'investissements publics du pays à la lumière de critères de rentabilité. En outre, le recours aux partenariats public-privé et les financements hors budget qui en résultent devraient être entrepris uniquement selon des critères d'efficacité et présenter un degré adéquat de partage de risques, de surveillance et de transparence.

• Enfin, il convient de réexaminer le système de subventions du Luxembourg, notamment dans le domaine des transports publics.

12. Le Luxembourg peut accroître la crédibilité de cette politique en l'inscrivant officiellement dans un cadre budgétaire à moyen terme. Ce cadre permettrait au gouvernement d'appliquer les plafonds de dépenses (consistant à limiter la progression des dépenses à un rythme inférieur au taux de croissance du PIB) adoptés dans le cadre de l'accord de coalition. À tout le moins, il faudrait améliorer la communication des statistiques de finances publiques, notamment en analysant et en diffusant dans de bons délais des données trimestrielles de grande qualité sur le PIB et le secteur des administrations publiques.

Le renforcement du système de sécurité sociale

13. Pour pouvoir continuer d'attirer et de conserver un vaste vivier de main-d'œuvre étrangère, le Luxembourg doit préserver la viabilité de son régime public de retraite. La mission salue l'étude actuarielle réalisée récemment à la demande des autorités et en partage la principale conclusion, à savoir que le pays se dirige, au rythme actuel, vers un déficit de financement substantiel, qui menace les retraites des personnes actuellement âgées de 40 ans ou moins. Il faudrait réformer le régime de retraite pour réduire ce déficit et gommer les inégalités entre générations. La réalisation de cet objectif pourrait passer par l'introduction d'un «facteur de solidarité» visant à ajuster le taux de remplacement du système en fonction de la base de cotisation et à redéfinir l'âge légal de la retraite en fonction de l'espérance de vie. L'adoption des propositions sur le relèvement de l'âge de la retraite formulées récemment serait aussi un pas déterminant dans cette direction.

14. Une fois que la réforme du régime de retraite aura été mise en œuvre, il faudra combler le déficit de financement restant en réduisant d'autres dépenses publiques. Certes, il est théoriquement possible de relever les taux des cotisations patronales et salariales, mais la mission déconseille une telle mesure, car il importe que le Luxembourg maintienne ses coûts de main-d'œuvre non salariaux et son avantage fiscal à des niveaux concurrentiels au plan international. Il suffirait de réduire les dépenses de façon permanente d'environ 1 à 2 % du PIB par an — ce qui financerait un transfert équivalent au profit du régime de retraite — pour assurer la viabilité du régime (suivant l'évolution de la situation économique). Avant d'appliquer un tel programme, il conviendrait de rehausser les modestes rendements des actifs du régime de retraite, conformément à l'amendement de 2004 à la loi régissant celui-ci. Selon des estimations préliminaires, une hausse de 100 points de base des rendements annuels de la caisse de retraite réduirait les transferts nécessaires d'environ ½ % du PIB par an.

15. Il importe d'intensifier la réforme du système de santé, dont les dépenses ont récemment augmenté, ce qui a entraîné un relèvement des prélèvements salariaux. Les réformes doivent avoir pour objectifs de réduire les coûts hospitaliers, de maîtriser les dépenses pharmaceutiques et de ralentir la hausse rapide des honoraires médicaux. Les mesures suivantes peuvent être envisagées : i) adoption d'incitations financières pour encourager l'utilisation de médicaments génériques; ii) relèvement de la participation aux coûts des services médicaux; et iii) rationalisation de la liste des services médicaux admissibles, conjuguée à une amélioration de l'efficacité des services existants.

Amélioration de la compétitivité et assouplissement du marché du travail

16. Il est crucial de préserver la compétitivité du secteur extérieur. L'indexation des salaires, toutefois, crée des pressions inflationnistes, notamment du fait de l'indexation généralisée des prix des services qui en résulte. Le mécanisme d'indexation doit être réajusté en vue d'atténuer la perte de compétitivité découlant, toutes choses étant égales, de l'accroissement des différentiels de salaire par rapport à la concurrence étrangère.

17. La perspective d'une aggravation du chômage structurel pose un problème redoutable en raison de la segmentation croissante du marché du travail régional du Luxembourg. Le segment à faible productivité se caractérise par une offre excédentaire persistante de main-d'œuvre, une situation qui tranche fortement avec celle qui prévaut dans le segment à haute productivité. Dans la «grande région», le nombre de chômeurs est environ trois fois plus élevé que la main-d'œuvre résidente du Luxembourg. En outre, l'offre de main-d'œuvre augmente dans les régions avoisinantes sous l'effet de la réforme des programmes de protection sociale, tandis que les salaires y restent inférieurs à ceux du Luxembourg, ce qui exacerbe encore les pressions exercées sur le marché du travail luxembourgeois.

18. Le Luxembourg ne peut guère se permettre de ne pas réagir aux déséquilibres du marché du travail. Il doit réajuster ses politiques et aligner plus étroitement les salaires d'intégration sur ceux des régions avoisinantes, afin d'éviter que la concurrence salariale ne place ses demandeurs d'emploi dans une situation de chômage permanent. Pour cela, le Luxembourg devra revoir ses principales prestations sociales, notamment les indemnités de chômage et le revenu minimum garanti. Dans un premier temps, les prestations majeures pourraient être dissociées de l'évolution des salaires. La pénurie apparente de personnel qualifié doit être traitée simultanément grâce à une formation permanente, financée principalement par les contributions patronales et salariales. Pour autant, ces mesures ne suffiront peut-être pas à réduire le chômage de façon notable : en fin de compte, il faudra peut-être revoir le niveau des avantages sociaux.

19. En dépit de récents progrès, le taux de participation de la population active reste faible en comparaison des niveaux internationaux. En particulier, la faible participation des travailleurs âgés aggrave les tensions budgétaires. Les programmes de préretraite mis en place pour faciliter les restructurations d'entreprises sont utilisés de façon excessive et doivent être réformés. Les incitations financières introduites en 2002 dans le système de prestations de retraite sont trop faibles pour inciter la main-d'œuvre à prolonger sa participation et peuvent être renforcées. Enfin, la participation de la main-d'œuvre féminine augmente, mais la pénurie de crèches à des prix abordables reste un obstacle.

L'élargissement du marché des services

20. Le marché des services a un rôle déterminant à jouer dans les efforts déployés par le Luxembourg pour diversifier son économie et promouvoir une croissance soutenable à long terme. La mission salue l'appui apporté par le gouvernement à la création d'un marché intérieur des services au sein de l'Union européenne dans le cadre de la stratégie de Lisbonne («Plan national pour l'innovation et de plein emploi», novembre 2005). Toutefois, la mission encourage l'adoption du principe du pays d'origine mentionné dans le projet de directive de l'Union européenne sur les services.

Autres questions

21. Nous nous réjouissons des progrès réalisés en vue de l'adoption de la norme spéciale de diffusion des données du FMI.

22. L'engagement du Luxembourg à fournir une aide officielle au développement est digne d'éloges.

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Nous souhaitons remercier l'ensemble de nos interlocuteurs pour l'accueil chaleureux qu'ils nous ont réservé, ainsi que pour les entretiens enrichissants qu'ils nous ont accordés.




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