Canada : Consultations de 2010 au titre de l'article IV, Conclusions de la mission du FMI

le 28 octobre 2010

La déclaration de fin de mission résume les constats préliminaires effectués par les représentants du FMI à l'issue de certaines missions (visites officielles, dans la plupart des cas dans les pays membres). Ces missions s'inscrivent dans le cadre des consultations périodiques (en général annuelles) au titre de l'Article IV des Statuts du FMI, ou sont organisées lorsqu'un pays demande à utiliser les ressources du FMI (à lui emprunter des fonds), ou encore dans le contexte des discussions sur les programmes suivis par le services du FMI, ou d'autres exercices de suivi de la situation économique.

le 27 octobre 2010

Cette déclaration présente l’évaluation préliminaire de la mission de consultation 2010 au titre de l’article IV pour le Canada. Le Canada est sorti rapidement de la récession mondiale grâce à une riposte vigoureuse des pouvoirs publics et à la résilience du système financier. Cependant, le rythme de la reprise a quelque peu fléchi ces derniers mois et les risques extérieurs à court terme se sont accentués. À notre avis, l'une des grandes priorités des autorités doit être de continuer à soutenir la reprise tout en affrontant les défis à long terme. Les risques internes et externes leur imposent de rester vigilantes et de se tenir prêtes à réagir si les risques extrêmes venaient à se matérialiser.

Contexte et perspectives

1. Le Canada est sorti rapidement de la crise. La production s'est redressée avec vigueur à la fin de 2009 et au début de 2010, grâce à l'application en temps opportun de mesures extraordinaires de relance budgétaire et monétaire. En particulier, la Banque du Canada a ramené les taux directeurs à un niveau pratiquement égal à zéro tandis que les gouvernements prenaient des mesures de relance de grande envergure, ciblées et temporaires. L'emploi a continué à se redresser, retrouvant ses niveaux d'avant la crise, et le taux de chômage a diminué mais il est resté élevé. L'inflation globale s'est atténuée sur fond de lourdeur de la conjoncture tandis que les anticipations à moyen terme restaient ancrées sur la cible de la Banque du Canada. Les conditions financières se sont améliorées, les conditions d’octroi des prêts continuant à se normaliser. En fait, les mesures de relance se sont révélées d’autant plus efficaces pour soutenir la demande que le système financier du Canada maintenait la stabilité, témoignant de la solidité du cadre de supervision et de réglementation et du caractère volontariste des mesures prises pour éviter des tensions sur le plan financier. Plus généralement, les bons résultats du Canada s'expliquent par la gestion macroéconomique qui repose sur un cadre crédible et éprouvé de longue date, notamment le régime de ciblage de l'inflation de la Banque du Canada et la prudence de la planification budgétaire.

2. Cependant, les données récentes révèlent que le rythme de l'expansion a fléchi depuis quelques mois. La reprise a ralenti au deuxième trimestre de 2010, sur fond de repli de la demande mondiale et de renforcement du dollar canadien à la suite de la hausse des prix des produits de base. Les dépenses des ménages ont aussi augmenté moins vite, lorsque les effets des mesures de relance ont commencé à s'estomper, et le marché immobilier est devenu plus calme. En outre, les risques qui pèsent sur les perspectives économiques du pays se sont accentués, notamment à cause de la situation de plus en plus précaire des bilans des ménages canadiens et de la grande fragilité du marché immobilier aux États-Unis.

3. Dans ces conditions, la mission considère que le Canada est confronté à trois grands défis :

• Gérer la réorientation dans un sens plus neutre de la politique macroéconomique;

• Consolider la stabilisation budgétaire; et

• Tenir compte des leçons de la crise pour la supervision et la réglementation financières.

Gérer le retrait des mesures de relance

4. Lors du retrait des mesures extraordinaires de relance macroéconomique, il conviendra de tenir compte à la fois des risques qui pèsent sur les perspectives économiques du Canada et de la position relativement avancée du pays dans le cycle économique. La décision récente de la Banque du Canada de marquer une pause dans son cycle de resserrement monétaire tient dûment compte de cette double nécessité, étant donné en particulier la modération de la croissance intérieure et mondiale. Dans cette conjoncture, le maintien de la relance monétaire au niveau actuel est approprié et aidera aussi à compenser l'effet de freinage engendré par le retrait progressif des mesures de relance budgétaire.

5. La politique budgétaire devra aussi être équilibrée; aussi est-il prévu, à juste titre, de lui donner une orientation moins expansionniste et de mettre davantage l’accent sur le rééquilibrage des finances publiques. L'ajustement à court terme prévu par le Canada est important et découle à la fois de la fin des importantes mesures de relance et d’une volonté louable de remettre la politique budgétaire sur une trajectoire viable. En effet, compte tenu des risques qui pèsent sur les perspectives économiques du pays, le Canada a assoupli son approche du rééquilibrage budgétaire à court terme en freinant la hausse des primes de l’assurance-emploi. Le gouvernement a aussi fait savoir qu’il ferait preuve de souplesse en ce qui concerne les délais de réalisation des projets d’infrastructure en cours dans le cadre du plan d’action économique. Ces mesures sont opportunes. Les autorités monétaires et budgétaires devraient être prêtes à intervenir si les risques baissiers venaient à se matérialiser.

Stabilisation budgétaire

6. La stratégie budgétaire du gouvernement est judicieusement conçue de façon à parvenir à l'équilibre à moyen terme. Le projet d'éliminer le déficit d'ici à l'exercice 2015-16 placerait le ratio endettement net/PIB sur une trajectoire descendante par rapport à des niveaux actuels déjà faibles, ce qui permettrait au Canada de rester le pays du G-7 dont la situation budgétaire est la plus solide. En outre, le cadre présenté dans la mise à jour des projections économiques et budgétaires s'appuie, compte tenu des incertitudes qui entourent les perspectives économiques, sur un ajustement assez prudent des hypothèses de croissance à court terme. Le plan d'action contient notamment des objectifs assez ambitieux devant permettre de contenir les dépenses de programmes de manière à ce que, en proportion du PIB, elles redescendent au faible niveau record d’avant la récession mondiale; ainsi, les dépenses de programmes seraient essentiellement gelées en termes réels. Dans le cas où cet ajustement se révélerait difficile à réaliser, d'autres actions devraient être envisagées, telles que des mesures visant à restreindre l’accroissement des transferts aux provinces ou à accroître les recettes.

7. La stratégie budgétaire comprend des mesures de bon aloi et propices à la croissance pour soutenir le potentiel économique à long terme du Canada. La poursuite des dépenses publiques d'infrastructure permettra de renforcer la charpente de l'économie canadienne tandis que les mesures prises actuellement pour abaisser encore le taux effectif marginal d'imposition de la formation de capital encourageront l'investissement privé. À cet égard, l'intention du Canada de supprimer tous les droits de douane qui subsistent sur les intrants manufacturiers ainsi que sur les machines et équipements est remarquable et témoigne de clairvoyance au moment où s’accentuent les risques de protectionnisme dans le monde. Des réformes structurelles complémentaires pourraient être engagées, notamment pour réduire encore les obstacles à la mobilité interprovinciale de la main-d’œuvre ainsi que des efforts accrus pour réformer les marchés de produits et libéraliser l'IDE.

8. Dans une perspective à plus long terme, la modération de la croissance des dépenses de santé sera une composante essentielle de la stabilité budgétaire. Comme de nombreux pays avancés, le Canada est confronté à un double défi à long terme : le vieillissement de la population et l'inflation des soins de santé. Si rien n'est fait pour l'arrêter, la croissance des dépenses de santé pourrait exercer une pression croissante et intenable sur le budget des gouvernements du Canada. Il serait bon, pour sensibiliser davantage le public et alimenter le débat sur les solutions possibles, d’améliorer la transparence et l’information sur ces défis et sur leurs conséquences à long terme. Il pourrait être envisagé de mettre en place des arrangements pour que les provinces partagent leur expérience en ce qui concerne la gestion des coûts et la réalisation de gains d’efficience, ainsi que le renouvellement des transferts fédéraux aux provinces et aux territoires pour financer les soins de santé lorsque les arrangements en vigueur expireront en 2013-14.

Stabilité financière — les leçons de la crise

9. Les arrangements sur lesquels repose la stabilité financière du Canada continuent de produire de bons résultats. Contrairement à ce qui s'est passé dans plusieurs pays comparables, le système financier du Canada a conservé sa capacité d'intermédiation durant la crise et évité les tensions systémiques qui sévissaient ailleurs. Si les indicateurs de tension financière tels que le niveau des arriérés et des prêts improductifs ont augmenté, ils restent modestes et la capitalisation est solide par comparaison avec les autres pays. Ces bons résultats s’expliquent par une approche saine de la stabilité financière, reposant sur une coopération solide entre les différents organismes concernés, des normes prudentielles élevées, une supervision rigoureuse et une attitude volontariste des autorités face à la crise. Pour la période à venir, les autorités sont à juste titre attentives aux risques potentiels que représentent l'endettement élevé des ménages canadiens et les engagements des établissements financiers à l'égard de l'économie des États-Unis; il est donc judicieux de continuer à effectuer des tests de résistance en envisageant la réalisation de scénarios moins favorables. Les autorités ont aussi réagi de façon appropriée aux risques qui se profilaient sur le marché immobilier en durcissant les normes d’octroi des prêts hypothécaires en 2008 et au début de cette année.

10. Le Canada est en bonne position pour actualiser son cadre d'action conformément aux initiatives internationales qui se mettent en place. Le passage aux règles dites de Bâle III, qui prévoient un durcissement des normes de fonds propres et de liquidité, devrait s'opérer sans à-coups, compte tenu du niveau déjà élevé des obligations faites aux banques et de la solidité de leurs bilans. D’ailleurs, les facteurs qui sous-tendent la résilience du Canada face aux tensions financières apparues pendant la crise — notamment un marché hypothécaire bien réglementé, le recours limité au financement de gros, la supervision regroupée des activités des banques commerciales et d'investissement, un ratio de levier prudent et une coopération étroite entre les organismes chargés de veiller à la stabilité financière — ont alimenté de façon importante le débat international sur la réforme de la réglementation financière. Pour la période à venir, le Canada entend à juste titre mettre l'accent sur le renforcement de l'infrastructure des marchés des produits dérivés de gré à gré, l'amélioration des mécanismes de règlement au moyen de capital conditionnel et le calibrage des instruments macroprudentiels, tels que les volants de capitaux anticycliques.

11. L'initiative visant à mettre en place une autorité nationale de réglementation des valeurs mobilières est un autre élément essentiel de cette structure. À cet égard, il y a lieu de se féliciter des progrès constants accomplis dans la réalisation de cet objectif. La création d'une autorité nationale de réglementation des valeurs mobilières permettra à la fois de combler les éventuelles lacunes dans la supervision et la réglementation de marchés qui sont essentiellement nationaux et de faire entrer la réglementation des valeurs mobilières dans le cadre des initiatives de coordination nationale visant à promouvoir la stabilité financière.

La mission remercie les autorités canadiennes de leur hospitalité ainsi que de l'esprit d'ouverture et de franchise qui a marqué les entretiens pendant la mission et qui nous a été précieux pour mieux comprendre la situation du Canada et les défis auxquels sont confrontées les autorités. Nous prendrons connaissance avec intérêt de vos observations sur nos conclusions préliminaires.

DÉPARTEMENT DE LA COMMUNICATION DU FMI

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