«De nouvelles chances à saisir et de nouveaux risques : les perspectives de l'Afrique subsaharienne et du Mozambique», David Lipton, Premier Directeur général adjoint, Fonds monétaire international

le 6 mai 2013

David Lipton, Premier Directeur général adjoint
Fonds monétaire international
Universidade Politécnica, Maputo
6 mai 2013

Texte préparé pour l’intervention

Bonjour. C'est avec grand plaisir que je me trouve aujourd'hui parmi vous à l’Universidade Politécnica. Je tiens à remercier sa Doyenne, Mme Isabel da Costa, de ses aimables paroles de présentation. Je suis heureux d'avoir l'occasion de vous rencontrer — vous, les dirigeants de demain qui déciderez de la destinée du Mozambique.

Je me félicite d'avoir l'occasion de constater par moi-même les progrès considérables que le Mozambique a accomplis ces dernières années. Votre pays est l'un des nombreux pays d'Afrique subsaharienne qui se porte bien alors que le pessimisme règne autour de l'économie mondiale. Tandis qu'une incertitude menaçante persiste dans de nombreux pays avancés, l'Afrique commence à exploiter son potentiel économique, avec une croissance vigoureuse et une amélioration du niveau de vie de sa population.

Je vais évoquer avec vous aujourd'hui trois grands thèmes : premièrement, les perspectives de l'économie mondiale ; deuxièmement, la position de l'Afrique subsaharienne dans l'environnement actuel, et troisièmement, les enjeux et les chances à saisir pour le Mozambique. Ce que j'aimerais faire passer aujourd’hui, c'est l’idée que des possibilités immenses existent. L'Afrique est en train de changer et le monde le remarque. Le Mozambique est un exemple majeur de tout ce qui peut changer en une seule génération. Il reste beaucoup à faire, et nous parlerons de cela aussi. Mais le potentiel de l'Afrique et du Mozambique est énorme. Il est primordial de saisir cette occasion.

Prévisions pour la croissance mondiale

Je vais commencer par l'économie mondiale. Selon le dernier rapport du FMI, publié il y a quelques semaines, l'économie mondiale se redresse lentement. Nous prévoyons une reprise progressive cette année, avec une croissance de 3,3 %, suivie d'une croissance voisine de 4 % en 2014. Mais cela ne suffit pas. La croissance de l'emploi est anémique, et le chômage demeure à un niveau alarmant dans certains pays avancés.

Nous observons des disparités considérables entre les pays et les régions. La reprise est à trois vitesses : certains pays se portent bien, en particulier les pays émergents et les pays en développement ; d'autres, tels que les États-Unis, se redressent ; et enfin, un groupe important, principalement la zone euro et le Japon, a du chemin à parcourir. Cela doit changer pour que l'économie mondiale tourne à plein régime.

L'Europe doit retrouver son rôle de moteur de la croissance mondiale, en particulier pour les pays en développement. Il est probable que la récession se poursuivra en Europe cette année, la zone euro ne retrouvant une croissance modeste d'environ 1 % qu'en 2014. Les problèmes les plus importants se trouvent dans le sud de l'Europe, où plusieurs pays sont confrontés à une récession profonde. La croissance est faible aussi dans des pays du cœur de la zone, comme l'Allemagne et la France. Le système bancaire européen n'est pas en mesure de fournir suffisamment de crédit, et l'investissement des entreprises est en baisse. Le chômage est monté en flèche, pour dépasser 25 % dans certains pays en crise. Il y a beaucoup à faire au niveau des pays et de l'Union européenne pour remédier à ces problèmes.

La situation est un peu meilleure aux États-Unis, où la croissance devrait rebondir pour atteindre environ 2 % cette année et 3 % en 2014. Les réductions des dépenses publiques pourraient ralentir la reprise, ce qui ne faciliterait pas la reprise mondiale à court terme. Cependant, l'économie américaine et l'économie mondiale profitent de la persistance de taux d'intérêt faibles.

Les pays émergents et les pays en développement ont dynamisé l'économie mondiale, en fournissant les trois quarts de la croissance depuis le début de la crise financière en 2008, selon des estimations. Nous prévoyons une accélération de la croissance dans ces pays, de 5,1 % en 2012 à 5,3 % cette année. Ces pays ont profité des faibles taux d'intérêt mondiaux, des cours élevés des produits de base et de la vigueur de leur demande intérieure.

L'Asie est au centre de ce vaste mouvement, en particulier la Chine et l'Inde. Les produits de base sont exportés vers l'Asie ; les investissements et les biens partent dans l'autre sens. Cependant, certains pays émergents, par exemple le Brésil et l'Afrique du Sud, enregistrent une croissance plus lente, et même l'Inde et la Chine ne connaissent plus l'expansion vertigineuse d'il y a quelques années.

Un continent qui monte en puissance

L'Afrique a énormément profité de cette tendance. En 2008/2009, nombreux étaient ceux qui craignaient que le continent africain soit durement frappé par la crise financière mondiale. Il y a eu un impact, mais la plupart des pays d'Afrique subsaharienne ont résisté de manière remarquable, notamment les pays à faible revenu. La croissance a été vigoureuse en 2012, à 5,1 %, et devrait s'accélérer modérément dans les années qui viennent. Nous tablons sur une croissance de 5,4 % en 2013 et de 5,7 % l'an prochain. Les pays à faible revenu devraient afficher une croissance encore plus rapide, grâce à l'augmentation de la demande intérieure.

La demande de produits de base africains a contribué à cette croissance, d'autant que de nouvelles ressources ont été découvertes et exploitées. Toutefois, la résilience et la croissance de l'Afrique subsaharienne ne tiennent pas simplement à une hausse des exportations de produits de base. En fait, certains des pays où la croissance a été la plus rapide n'exportent pas de ressources naturelles.

Ces résultats économiques témoignent des nombreux changements politiques, sociaux et économiques qui sont intervenus au cours de la dernière génération. Une nouvelle volonté de stabilité politique est particulièrement importante : l'Afrique a dépassé le stade des conflits idéologiques de la guerre froide et s'est renforcée en cherchant des solutions régionales aux conflits des années 80 et 90. Par ailleurs, beaucoup de pays ont accordé un rôle plus important aux forces du marché dans leur économie, tout en consolidant leur stabilité économique. Grâce à une meilleure éducation, les populations jeunes profitent de plus en plus des nouvelles possibilités économiques qui leur sont offertes.

Les technologies de l'information (ordinateurs et téléphones) comblent de plus en plus la distance géographique entre l'Afrique et l'économie mondiale. Au sein des pays, ces mêmes technologies apportent rapidement des services qui n'étaient pas disponibles il y a quelques années seulement, par exemple la banque mobile. Aujourd'hui, l'éducation en ligne peut aider des jeunes comme vous à éliminer les obstacles à la connaissance qui ont contribué à l'éloignement de l'Afrique.

Des institutions solides et une gouvernance meilleure

Surtout, une nouvelle génération de dirigeants africains comprend comment s'atteler à la tâche qui attend leur pays. Ils mettent en place des politiques économiques efficaces qui s'appuient sur des institutions plus solides et une gouvernance meilleure. Ils créent un environnement propice à l'activité.

Des politiques monétaires prudentes ont réduit l'inflation et ont permis d'accumuler des réserves de change. Les régimes juridiques et les codes des impôts encouragent l'investissement. De bonnes politiques budgétaires, conjuguées à de vastes allégements des dettes, ont eu pour résultat une baisse des déficits budgétaires et des dettes publiques faibles. Ainsi ont été constituées les marges de manœuvre qui ont permis à de nombreux pays d'Afrique subsaharienne de protéger leur économie contre les chocs extérieurs et intérieurs. Lorsque la crise de 2008 a éclaté, ils ont pu réagir. De nombreux pays ont pu maintenir, ou même augmenter, leurs dépenses sociales en dépit de la baisse de leurs recettes, fournissant ainsi un filet de sécurité opportun aux populations les plus vulnérables à un ralentissement de l'activité.

Le développement du secteur financier a joué un rôle important aussi. Sur tout le continent, les services financiers, notamment des groupes bancaires panafricains, se sont développés rapidement. Dans la plupart des pays, le secteur financier reste robuste. L'Afrique attire aussi de nouvelles sources de financement. Ces derniers mois, plusieurs pays ont émis des obligations souveraines assorties de conditions favorables. Cela s'explique en partie par les faibles taux d'intérêt mondiaux, mais aussi par les possibilités d'investissement que l'Afrique offre et par la confiance croissante des investisseurs dans les perspectives de la région à long terme . Toutefois, le secteur financier reste peu développé dans de nombreux pays à faible revenu. L'accès au secteur financier, notamment pour les petites et moyennes entreprises et dans les zones rurales, reste limité. La banque mobile progresse, mais il reste beaucoup à faire.

Il ne peut y avoir d'autosatisfaction en ce qui concerne la réussite actuelle de l'Afrique. Les taux de pauvreté demeurent élevés, même dans les pays où ils ont baissé, comme ici au Mozambique. L'Afrique subsaharienne est la région qui a accompli le moins de progrès en ce qui concerne les objectifs du Millénaire pour le développement et elle reste à la traîne pour des indicateurs tels que l'enseignement primaire et la mortalité maternelle. Il sera primordial d'améliorer sensiblement les indicateurs sociaux dans les années à venir. Bon nombre de pays africains restent aussi exposés à la volatilité des marchés, en particulier des cours des produits de base, et les flux de capitaux sont notoirement instables. Tandis que l'intégration dans l'économie mondiale se poursuit, avec tous ses avantages, les risques augmentent aussi.

Étant donné ces problèmes, le FMI recommande que les pays d'Afrique subsaharienne commencent à reconstituer leurs réserves pour se protéger contre d'éventuels chocs. Ils peuvent ainsi dépenser judicieusement et réformer des politiques mal ciblées, remplacer les coûteuses subventions énergétiques par des mesures qui protègent les pauvres et améliorer la mobilisation des recettes en élargissant l'assiette de l'impôt.

La région doit aussi accroître sa présence dans l'économie mondiale. Les liens de l'Afrique avec les pays émergents constituent une nouvelle dynamique importante. Il faut continuer de développer ces liens, qui devraient aussi englober de nombreux pays à revenu intermédiaire qui font aujourd'hui sentir leur présence, y compris plusieurs pays africains. Si ces pays peuvent continuer de se développer et de se diversifier, ils peuvent s'aider mutuellement sur la route du succès, ce qui créerait une convergence du développement qui peut rehausser leur niveau de vie. Les pays africains doivent continuer de réclamer un meilleur accès aux marchés des pays avancés, mais ils doivent aussi renforcer leurs liens avec les autres pays en développement sur le plan du commerce et de l'investissement.

Mozambique : 20 ans de succès

Passons maintenant au Mozambique. Votre pays est indéniablement l'un des pays africains qui obtient les meilleurs résultats et l'une des économies dont la croissance est la plus rapide au monde. La croissance a atteint 7,4 % en 2012 et sera probablement de 7 % encore cette année. Comme beaucoup de pays en développement, le Mozambique a réussi à compenser la faiblesse de la demande de la zone euro en se rapprochant des pays émergents.

Ces résultats sont d'autant plus remarquables qu'ils ont été obtenus après les graves inondations que vous avez connues cette année. L'impact humain a été catastrophique, mais le pire a été évité sur le plan économique. Bien que les prix de l'alimentation aient augmenté, l'inflation devrait rester proche de la fourchette cible de 5-6 % cette année, selon les indications initiales.

La réussite du Mozambique montre clairement qu'une bonne politique économique donne des résultats. Plaçons-nous dans la perspective des changements intervenus depuis la fin de la guerre civile en 1992 :

  • Le PIB par habitant a plus que quintuplé ;
  • Les principaux indicateurs sociaux se sont améliorés considérablement : le taux de scolarisation primaire est aujourd'hui de 90 %, contre 56 % seulement en 1995 ;
  • La mortalité infantile est tombée de 183 à 103 pour 1.000.

Ces résultats sont impressionnants, mais il reste beaucoup à faire. Voici d'autres faits :

  • Avec un PIB par habitant de 650 dollars en 2012, le Mozambique reste l'un des pays les plus pauvres du monde. Beaucoup d'indicateurs sociaux, par exemple l'accès à des sources d'eau propre, restent en deçà des moyennes pour l'Afrique subsaharienne.
  • Plus de la moitié de la population vit encore au-dessous du seuil de pauvreté national et environ deux tiers vivent encore de l'agriculture de subsistance. Le taux de mortalité infantile demeure trop élevé.
  • Comme les inondations l'ont démontré, le Mozambique est exposé aussi à des chocs climatiques. Avec la troisième plus longue côte d'Afrique et de nombreuses plaines d'inondation, le risque de catastrophe naturelle est toujours présent.

Le problème des ressources

Les obstacles sont importants, mais ils peuvent être surmontés. Les ressources naturelles largement inexploitées du Mozambique présentent une énorme chance à saisir, en particulier les nouveaux gisements de gaz offshore. Bien entendu, l'abondance de ressources peut être un bienfait tout relatif — cycles de surchauffe, mauvaise gestion des investissements et même corruption massive dans certains pays.

Il est possible d'éviter la malédiction des ressources et de tirer parti de cette richesse. Il semble crucial d'établir rapidement des mécanismes et des institutions appropriés pour transformer les ressources naturelles en actifs productifs. Les investissements considérables qui sont nécessaires pour développer les ressources doivent être gérés avec soin et de manière transparente pour que les nouvelles dettes soient utilisées à des fins productives et restent viables. Il est important aussi d'établir des statistiques de qualité et de mettre en place des capacités analytiques solides pour bien orienter les décisions dans un environnement de plus en plus complexe. Cela exige une gouvernance de qualité. Ce qui compte, c'est la transparence dans tous les aspects du secteur des ressources — réglementation, imposition et dépense.

Le FMI collabore étroitement avec de nombreux pays africains sur ces questions. Je suis heureux que nous ayons déjà fourni une assistance technique au Mozambique pour améliorer la gestion budgétaire du secteur des mines et des hydrocarbures. Cela peut contribuer à optimiser les recettes tirées des ressources sans décourager l'investissement privé. Nous aidons aussi les autorités à renforcer la gestion des finances publiques.

Les ressources naturelles du Mozambique peuvent dynamiser la croissance économique. Mais la croissance seule n'est pas suffisante. Il s'agit de sortir la population de la pauvreté, de créer des emplois et d'améliorer le niveau de vie. Ce n'est pas une tâche facile. Mais des enseignements peuvent être tirés de l'expérience de pays qui ont réussi à réduire la pauvreté et les inégalités; j'en ai déjà mentionné quelques-uns aujourd'hui :

  • Il est essentiel de s'attaquer au déficit des infrastructures (électricité, eau, transports) afin de favoriser l'émergence de nouvelles activités économiques en dehors du secteur des ressources naturelles et de réduire le coût des activités.
  • Il est crucial d'investir dans l'éducation et la formation afin que les jeunes puissent saisir les chances qui leur sont offertes.
  • Les entrepreneurs doivent avoir accès au crédit pour financer leurs activités. Il faut donc continuer de développer le secteur financier.
  • Il convient de renforcer la protection sociale afin de répondre aux besoins essentiels des populations les plus vulnérables. Le Mozambique a déjà accompli des progrès, notamment avec des travaux sur les socles de protection sociale avec l'Organisation internationale du travail, le FMI et d'autres organismes des Nations Unies. Ces travaux devront être poursuivis.

Le rôle du FMI

Le FMI entend s'employer sans réserve à aider les pays africains à continuer de renforcer leur économie et à réaliser tout leur potentiel. Nous offrons des conseils de politique économique, de l'assistance technique et de la formation, et, si nécessaire, une aide financière. Dans le domaine de l'assistance technique, nous avons quatre centres régionaux d'assistance technique en Afrique subsaharienne, notamment un nouveau centre à Maurice qui dessert le Mozambique, et nous y ajouterons un institut de formation plus tard dans l'année. Un cinquième centre régional d'assistance technique ouvrira bientôt ses portes au Ghana.

En outre, le FMI a modifié sa politique de prêt de manière à offrir des mécanismes de financement qui sont mieux adaptés aux besoins de ses pays membres. Au cours des dernières années, nous avons mis en place de nouveaux instruments de prêt en faveur des pays à faible revenu et nous avons relevé le montant du financement qui est mis à leur disposition. Nous avons aussi prolongé jusqu'à la fin de l'année prochaine le taux d'intérêt nul dont nos prêts concessionnels sont assortis pour les pays qui ont besoin d'aide financière.

Conclusion

En résumé, le Mozambique, comme bien d'autres pays africains, reste confronté à des obstacles redoutables. Mais il a accompli des progrès considérables sur lesquels il peut s'appuyer. L'Afrique n'est plus où elle se trouvait il y a 20 ans : c'est au Mozambique que c'est le plus vrai. Maintenant que les fondations du succès à long terme ont été établies, il est temps de saisir les nouvelles occasions qui se présentent au sein du pays et dans l'économie mondiale. Le FMI est prêt à apporter son aide, mais c'est le Mozambique, et le reste de l'Afrique, qui fournira l'énergie et la créativité qui sont nécessaires pour assurer la prospérité et améliorer le niveau de vie.

DÉPARTEMENT DE LA COMMUNICATION DU FMI

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