Devenir un champion : le défi du développement en Ouganda

le 27 janvier 2017

Bonjour.

Nsanyuse okubalaba. Je suis heureuse de me trouver parmi vous aujourd’hui.

Je tiens à remercier le gouvernement ougandais de l’organisation de cet événement et le Ministre Kasaija de son aimable présentation.

Ce rassemblement offre une occasion de féliciter l’Ouganda de ses résultats économiques impressionnants et d’évoquer ces perspectives d’avenir.

Je ne commence généralement pas mes discours par des statistiques, mais aujourd’hui je ferai une exception. C’est parce que les chiffres sont très parlants : le PIB par habitant de l’Ouganda a triplé sur la dernière génération. Et le pays a ramené la pauvreté extrême à un tiers de la population.

Cela fait de l’Ouganda l’un des pays qui a dépassé l’objectif du Millénaire pour le développement des Nations Unies qui consistait à réduire de moitié la pauvreté avant 2015.

C’est une réussite exemplaire pour l’Afrique.

Et pourtant, en écoutant les gens ici à Kampala, je note de l’inquiétude. J’entends dire que les progrès ne sont plus suffisamment rapides et que des millions d’Ougandais continuent de vivre dans la pauvreté. La croissance est à la traîne, en partie à cause d’un contexte mondial que l’Ouganda ne maîtrise pas.

Mais ce n’est pas seulement une question de demande mondiale. L’Ouganda est confronté à des problèmes qui sont communs à bon nombre de pays en développement.

Ce contraste de succès et d’incertitude me rappelle « Queen of Katwe», un film sur l’Ouganda qui, l’an dernier, a tant captivé les audiences internationales. Vous vous rappellerez que, dans le film, la jeune championne d’échecs, Phiona, pose deux questions :

Premièrement, elle demande : «est-ce qu’on peut faire de grandes choses quand on vient d’un endroit si petit?»

Je pense que l’Ouganda a déjà répondu d’un «oui!» retentissant à cette question.

La deuxième question de Phiona se rapporte à l’avenir : «comment est-ce que je peux devenir la championne?»

C’est le défi face auquel vous vous trouvez. Les politiques que l’Ouganda choisit aujourd’hui déterminent si vous vous donnez les moyens d’éliminer la pauvreté et d’offrir des opportunités à tous les Ougandais.

Aujourd’hui, j’aimerais examiner avec vous comment l’Ouganda peut relever le défi du développement et devenir un champion. À cet effet, je vais évoquer le contexte économique mondial et régional, dans lequel l’Ouganda peut établir et pérenniser une dynamique de développement avec l’aide du FMI, son partenaire de longue date.

1. Le contexte économique mondial et régional

Commençons par une vue d’ensemble. L’Afrique subsaharienne est de plus en plus intégrée dans l’économie mondiale. La région a surmonté la crise financière mondiale de 2008 dans une large mesure parce qu’elle avait mené des politiques économiques raisonnables qui ont réduit la dette et permis d’accumuler des réserves abondantes. La région a profité aussi du rebond rapide de la demande de ressources naturelles en provenance de Chine et d’autres pays émergents.

Cependant, ces dernières années, le vent a tourné. La demande des pays émergents ralentit notablement, et beaucoup de pays avancés continuent d’éprouver des difficultés. Les prix des produits de base ont chuté fortement. L’accès au financement sur les marchés s’est resserré.

Si des signes récents laissent entrevoir une éventuelle accélération de la croissance mondiale, des risques importants subsistent. En particulier, le mouvement protectionniste prend de l’ampleur. Les restrictions aux échanges commerciaux ne sont jamais utiles, mais elles seraient encore plus nocives aujourd’hui, étant donné que le commerce mondial ralentit depuis 2012.

La croissance en Afrique saharienne a été la plus faible de ces 20 dernières années en 2016, aux environs de 1,5 %, et ne devrait atteindre que 2,7 % en 2017. Les pays exportateurs de produits de base ont enregistré un ralentissement particulièrement prononcé.

Dans beaucoup de pays africains, la riposte a été retardée et incomplète. Il en résulte de l’incertitude. L’investissement privé est en baisse, et les nouvelles sources de croissance se font ainsi plus rares.

Mais, jusqu’à présent, c’est l’histoire de deux Afrique. L’Afrique de l’Est est l’une des régions les plus prometteuses du continent. Cela s’explique en partie par deux facteurs : les cadres d’action ont été plus efficaces, et les économies plus diversifiées de la région sont moins tributaires des produits de base, dont les prix sont volatils. Il en ressort une croissance plus vigoureuse. Mais, ici aussi, des difficultés subsistent.

L’Ouganda se situe en plein milieu de ce groupe de pays d’Afrique de l’Est : la croissance avoisine 5 % par an, un taux qui est plus élevé que dans beaucoup de pays, mais qui ne suffit pas pour stimuler le développement rapide tant nécessaire. Grâce à une hausse de l’investissement dans les infrastructures et au développement du secteur pétrolier, la croissance pourrait s’accélérer et atteindre 6 ou 6½ % dans les années qui viennent. La question est de savoir comment l’Ouganda peut saisir les opportunités pour pérenniser une croissance vigoureuse.

2. Comment l’Ouganda peut établir et pérenniser
une dynamique de développement

J’aimerais mettre en évidence plusieurs domaines importants où la politique économique peut changer les choses.

a. Investissement dans les infrastructures

Le premier, c’est l’investissement dans les infrastructures.

Bien entendu, vous ne connaissez tous que trop bien le problème des infrastructures en Ouganda, en particulier dans les secteurs de l’électricité et du transport. J’ai pu le constater moi-même rien qu’en me rendant de l’aéroport d’Entebbe à Kampala.

Le sous-développement des infrastructures constitue un frein permanent à la croissance. Il empêche les entreprises de se connecter aux marchés locaux, régionaux et mondiaux, et limite leur volonté d’investir. À terme, les goulets d’étranglement dans les infrastructures ralentiront la transformation structurelle et l’industrialisation auxquelles l’Ouganda aspire.

La stratégie d’accroissement de l’investissement dans les infrastructures a été bien conçue par le gouvernement. Elle a pour objectif d’accélérer la croissance tout en maintenant la dette à un niveau viable.

Mais pour atteindre ces objectifs, l’investissement doit être efficient. Il s’agit de disposer d’institutions solides pour contenir les erreurs de gestion et optimaliser les ressources. Il y a du chemin à parcourir. La Banque mondiale estime que, si l’investissement était mieux géré en Ouganda, la croissance annuelle pourrait être supérieure de 2,5 points.

La bonne nouvelle, c’est que le gouvernement prend des mesures allant dans ce sens. Des réformes visant à renforcer la gestion de l’investissement sont mises en place. L’accent est maintenant mis sur l’efficience.

L’augmentation des ressources disponibles pour l’investissement constitue un autre problème. Il serait irréaliste de recourir uniquement à l’emprunt pour financer les infrastructures, car la dette deviendrait trop élevée. Il convient donc de collecter davantage de recettes fiscales.

Dans ce domaine aussi, des progrès ont été accomplis, puisque les recettes fiscales ont augmenté au cours des dernières années. Néanmoins, l’Ouganda n’a encore atteint que la moitié de l’objectif fixé par la Communauté de l’Afrique de l’Est, à savoir porter les recettes fiscales à 25 % du PIB.

Que pourrait-on faire de plus? Une mesure concrète consisterait à renforcer l’administration de la TVA et à éliminer certaines exemptions de la TVA et de l’impôt sur les sociétés. Le FMI estime que cela pourrait accroître les recettes de 3 % du PIB ou plus.

b. Gouvernance et institutions

Ces questions de l’investissement et de la fiscalité mettent en avant un thème commun : la qualité de la gouvernance et des institutions en Ouganda. Comme nous le savons tous, une bonne gouvernance et des institutions solides sont des éléments essentiels de la croissance économique.

Les progrès accomplis dans ce domaine sont au cœur du succès économique de l’Afrique sur les vingt dernières années. Le bilan de l’Ouganda est solide aussi. Mais il ne faut pas relâcher l’effort, surtout à un moment où le secteur pétrolier se développe.

Pour que le pétrole contribue à l’avenir du pays, il est essentiel d’éviter la malédiction dont ont souffert bien d’autres pays exportateurs de pétrole. Un solide dispositif de transparence et de responsabilisation contribuera grandement à ce que les nouveaux champs pétrolifères servent l’intérêt national et profitent à tous les Ougandais.

Vous disposez déjà de plans bien conçus pour affecter toutes les recettes pétrolières à un Fonds pétrolier, et à partir de là, au soutien budgétaire et à une Réserve pétrolière pour l’investissement. Le FMI est prêt à continuer de vous aider dans ce domaine, en vue de la mise en exploitation de ces nouveaux champs.

c. Intégration économique régionale

L’intégration économique régionale est un autre élément de la politique économique qui peut avoir des effets positifs sur l’économie ougandaise. Les possibilités de commerce et d’investissement abondent au sein de la Communauté de l’Afrique de l’Est et son marché de plus de 150 millions de consommateurs.

En novembre dernier, le FMI a coorganisé une conférence à Arusha pour faire le bilan des progrès de la Communauté de l’Afrique de l’Est et examiner ce qui peut être fait pour réaliser totalement le potentiel d’un bloc uni.

Le Territoire douanier unique a été mis en place, et le Marché commun progresse. Mais les infrastructures continuent d’entraver les progrès, et il reste du travail à effectuer sur le plan des douanes, des impôts et de l’investissement. Si ces questions peuvent être résolues, la Communauté de l’Afrique de l’Est peut devenir une véritable source de dynamisme économique.

En outre, il y a une autre «communauté» qui voit le jour en Afrique : il s’agit de la communauté des banques transfrontières. Certaines sont des banques panafricaines. D’autres sont des institutions régionales, comme en Afrique de l’Est.

Ces banques africaines occupent l’espace abandonné par d’autres banques internationales qui se sont retirées de la région après la crise financière mondiale. Des pays tels que l’Ouganda se voient ainsi offrir de nouvelles opportunités. Mais, sur le plan de la réglementation et du contrôle des banques, cela présente aussi de nouveaux problèmes qui exigent une coopération sans précédent.

Jusqu’à présent, j’ai mis l’accent sur les infrastructures, les institutions et l’intégration régionale. Que reste-t-il?

d. Croissance solidaire

Venons-en à ce qui est peut-être l’enjeu le plus important, à savoir une croissance solidaire, dont les bienfaits sont partagés par le plus grand nombre. J’ai commencé cette allocution en parlant des progrès de l’Ouganda dans la réduction de la pauvreté. Si cette tendance peut se poursuivre, les effets bénéfiques seront manifestes.

Ce ne sera pas facile. Je sais qu’il y aura toujours des pressions concurrentes sur les ressources. Les gouvernements doivent constamment mettre en balance diverses priorités. Pour l’Ouganda, alors même que l’investissement est accru, il est essentiel de consacrer des ressources aux dépenses sociales.

Les travaux de recherche du FMI montrent que les sociétés plus solidaires connaissent généralement une croissance plus rapide et plus durable. Si les inégalités en Afrique subsaharienne pouvaient être réduites aux niveaux observés en Asie du Sud-Est, la croissance pourrait être systématiquement plus élevée. Une nouvelle étude que nous publions aujourd’hui porte sur la relation entre les inégalités et les réformes dans des domaines importants tels que la politique budgétaire, la politique du secteur financier et l’agriculture.

La réduction des inégalités exige plusieurs choses : offrir de bons emplois aux jeunes, accorder une grande importance à l’éducation et aux soins de santé, et aider les populations pauvres, y compris au moyen d’un dispositif de sécurité sociale.

Le film Queen of Katwe a montré comment cela fonctionne en illustrant l’importance du mentorat dans la vie d’une jeune fille. Nous devons donc nous poser les questions suivantes : combien de jeunes Ougandais pourraient briller s’ils en recevaient l’occasion? Combien de jeunes femmes excelleraient si les conditions étaient égales pour tous? En fait, je dirais que lorsqu’on parle d’égalité, il s’agit tout autant de l’égalité entre les hommes et les femmes que de l’égalité des revenus!

L’inclusion financière est essentielle aussi pour réduire les inégalités. L’Ouganda a accompli des progrès considérables dans ce domaine, notamment grâce au développement de la banque mobile. Mais il reste à la traîne d’autres pays d’Afrique de l’Est pour ce qui est du nombre d’adultes possédant un compte en banque. Par ailleurs, les femmes ougandaises ont bien moins accès aux services bancaires que les hommes.

Il y a tant d’autres choses à faire pour partager les fruits de la croissance avec un plus grand nombre.

3. Comment le FMI peut collaborer avec l’Ouganda

Dans tous ces domaines importants, le FMI est prêt à apporter son aide. Nous entretenons une relation de travail très solide avec l’Ouganda, et j’aimerais que notre partenariat se renforce encore à l’avenir.

À l’heure actuelle, notre coopération repose essentiellement sur notre instrument de soutien à la politique économique, qui offre un cadre de référence pour bon nombre des questions que j’ai évoquées plus haut.

L’assistance technique et la formation constituent un autre volet crucial de l’aide apportée par le FMI : c’est ce que nous appelons le renforcement des capacités. En Ouganda, nous appuyons les efforts déployés par le gouvernement pour améliorer l’administration de l’impôt, la gestion des finances publiques et la stabilité du secteur financier, entre autres. Nous essayons d’aider le pays autant que possible. Nous sommes à votre service.

4. Conclusion

En conclusion, il est évident que la tâche à accomplir est considérable pour l’Ouganda : l’investissement dans les infrastructures, l’amélioration de la gouvernance, l’intégration régionale et les programmes sociaux qui peuvent réduire les inégalités.

Si vous vous attaquez à cette tâche ardue, vous pouvez stimuler une croissance plus vigoureuse qui crée de bons emplois pour votre jeunesse. Vous pouvez jeter les bases d’un succès durable.

Pendant mon séjour ici, j’ai été impressionnée par l’énergie et l’esprit d’entreprise de l’Ouganda. Je sens que Kampala est un terrain fertile pour les jeunes pousses et les innovateurs. Dans un environnement approprié, avec notamment des infrastructures de qualité et une main-d’œuvre qualifiée, ces entreprises peuvent créer une étincelle qui pourrait se propager dans toute l’économie ougandaise.

C’est de là que vient l’espoir.

Nous nous réjouissons de poursuivre notre partenariat avec vous de manière à ce que l’Ouganda puisse maintenir cet espoir et devenir un champion!

Mwebale nyo! Asante sana ! Merci !

Département de la communication du FMI
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