Débloquer le potentiel de croissance du Cameroun

le 15 septembre 2017

Introduction

Bonjour. Je tiens tout d’abord à remercier Monsieur le Ministre Alamine Mey de son aimable présentation. Et je souhaite aussi exprimer ma gratitude pour l’hospitalité avec laquelle j’ai été reçu au Cameroun.

Il s’agit de ma première visite dans votre pays. Elle arrive à un moment où le Cameroun et l’ensemble de la région de la CEMAC font face à des problèmes économiques considérables. La chute des prix du pétrole et la situation difficile sur le plan de la sécurité ont de graves conséquences pour votre pays.

Je sais que vous êtes pleinement conscients de la gravité des problèmes. La réaction du Cameroun à la crise a été impressionnante. Les pays de la région se sont rassemblés au sommet de Yaoundé en décembre dernier à l’invitation du Président Biya. Cette réunion a débouché sur un effort concerté pour faire face à la crise. Les pays de la CEMAC se sont engagés à mettre en place des politiques solides au niveau national et régional, en opérant des réformes essentielles.

En juin, ces efforts ont conduit à l’approbation de nouveaux programmes appuyés par le FMI en faveur du Cameroun, du Gabon et du Tchad, et à une augmentation des ressources mises à la disposition de la République Centrafricaine dans le cadre du programme existant.

Je félicite votre gouvernement d’avoir mené la CEMAC vers une solution ordonnée et coordonnée de la crise. Et je félicite la population camerounaise de sa détermination à opérer les réformes nécessaires.

Mais il ne faut pas relâcher l’effort. Votre travail ne fait que commencer. Le Cameroun et la CEMAC font face à un grand nombre de problèmes persistants. Il faudra s’engager dans la durée à appliquer les mesures qui ont permis de mettre fin à la baisse des réserves de change de la BEAC. Cela signifie que le Cameroun et les autres pays membres de la CEMAC doivent maintenir l’ajustement budgétaire et les réformes économiques qui peuvent rétablir une croissance vigoureuse, soutenue et inclusive.

Je souhaiterais explorer ces questions avec vous aujourd’hui. Je vais commencer par un aperçu des perspectives de l’économie mondiale et de l’Afrique. Ensuite, je passerai en revue les événements qui ont conduit à la situation actuelle. Enfin, j’évoquerai le travail qui reste à accomplir au Cameroun, notamment les réformes qui demeurent nécessaires pour affermir la reprise et débloquer pleinement l’énorme potentiel de croissance de votre pays.

Perspectives mondiales et régionales

Commençons par les perspectives de l’économie mondiale. Le FMI a publié ses dernières prévisions en juillet dernier. Cette mise à jour prévoit une croissance de 3,5 % cette année et de 3,6 % en 2018, contre 3,2 % l’an dernier. La reprise de l’économie mondiale reste en bonne voie.

Nous tablons sur une croissance plus rapide dans la zone euro, au Japon et dans plusieurs pays émergents, la Chine en tête. Mais la projection pour les États-Unis est un peu plus basse que la précédente, car il est probable que la politique budgétaire américaine sera moins expansionniste que prévu plus tôt dans l’année.

Nous notons aussi que les prix du pétrole ont baissé cette année. Cela s’explique par la solidité des stocks aux États-Unis et une augmentation de l’offre mondiale. Ces conditions ne sont pas idéales pour les pays exportateurs de pétrole comme le Cameroun.

Les perspectives des prix du pétrole constituent un élément des perspectives difficiles de l’Afrique subsaharienne. La croissance a rebondi : après avoir atteint 1,3 % en 2016, elle devrait monter à 2,7 % cette année et à 3,5 % en 2018. Mais la région ne suit pas le rythme de la reprise mondiale.

Par ailleurs, les prévisions masquent la distinction persistante, en Afrique, entre les pays tributaires de leurs exportations de ressources naturelles et les autres pays dont l’économie se porte mieux.

La croissance par habitant est à peine positive dans l’ensemble de l’Afrique subsaharienne. Pour un tiers des pays de la région, elle reste négative.

C’est le défi que vous avez à relever : comment réaliser une croissance soutenue, et améliorer la vie de tous les Camerounais, après le grave ralentissement économique dû à la chute des prix du pétrole.

Cet effondrement a réduit de moitié les recettes publiques dans l’ensemble de la région de la CEMAC. Le déficit des transactions extérieures courantes des pays de la CEMAC s’est creusé en 2016, pour atteindre 9,3 % du PIB, contre 3,9 % en 2015. La dette publique est passée de 29 à 47 % du PIB.

Par ailleurs, les réserves de change de la BEAC ont diminué de 10 milliards de dollars. Elles ne représentaient que deux mois d’importations environ à la fin de 2016, soit beaucoup moins que le montant qui est généralement nécessaire pour une union monétaire ayant une parité fixe.

Les attaques du groupe Boko Haram dans le bassin du Lac Tchad et l’afflux de réfugiés en provenance des pays voisins ont rendu la situation économique encore plus difficile pour le Cameroun. Ces circonstances accentuent la pression sur les finances publiques.

L’économie camerounaise étant la plus diversifiée de la région de la CEMAC, elle s’est montrée plus résiliente. Mais du fait des grands projets dans les infrastructures et de l’augmentation des dépenses de sécurité, les réserves budgétaires et extérieures diminuent rapidement. L’an dernier, votre pays a fait face à un ralentissement de la croissance, à une aggravation des déséquilibres budgétaires et extérieurs, ainsi qu’à une augmentation rapide de la dette publique.

Réaction des pouvoirs publics

Le sommet de Yaoundé en décembre dernier a constitué un tournant. Les chefs d’État des pays de la CEMAC se sont réunis ici avec notre Directrice générale, Christine Lagarde. Ils se sont engagés à mettre en œuvre des politiques et des réformes solides au niveau national et régional.

Au niveau national, les dirigeants se sont engagés à veiller à ce que les finances publiques de chaque pays soient viables en dépit du bas niveau des recettes pétrolières. Ils ont aussi avalisé des réformes structurelles qui renforceront la gestion des finances publiques et amélioreront le climat des affaires.

Au niveau régional, ils ont adopté des mesures qui mettront fin à l’épuisement des réserves de la BEAC et préserveront le régime de change fixe. Il s’agit notamment de resserrer la politique monétaire et la gestion des liquidités, et de préserver la stabilité du secteur financier.

Comme vous le savez, cette parité fixe sert d’ancre à la politique économique de la région depuis plusieurs décennies. Elle a été bien utile, notamment en maintenant l’inflation à un bas niveau. Elle est fortement enracinée dans le tissu social et économique. Je sais que bon nombre d’entre vous se souviennent encore de la dévaluation de 1994, qui a entraîné une perte de pouvoir d’achat pour tous les Camerounais. Le manque de diversification économique a empêché de profiter d’une augmentation des exportations. C’est aussi pourquoi il est essentiel de préserver le régime de change.

Après le sommet de Yaoundé, les gouvernements ont réagi en continuant de réduire les déficits budgétaires et courants. Les réserves de la BEAC se sont stabilisées et ont commencé à augmenter de nouveau en juillet.

Lors du sommet, le FMI et d’autres partenaires au développement se sont engagés aussi à aider la région. En plus de nouveaux programmes appuyés par le FMI en faveur du Cameroun, du Gabon et du Tchad, et de l’aide supplémentaire prévue pour la République Centrafricaine, des entretiens avec la République du Congo et la Guinée équatoriale sont en cours.

Ces financements permettront de procéder à un ajustement plus progressif. En outre, d’autres partenaires au développement augmentent leur assistance.

Une stratégie de stabilité et de croissance

Ces progrès sont importants. Mais, comme je l’ai dit plus haut, il ne faut pas relâcher l’effort.

Mesdames et Messieurs, la route que le Cameroun et les pays de la CEMAC ont choisie lors du sommet de Yaoundé est la meilleure pour retrouver la stabilité et la croissance. Cette stratégie repose sur deux idées fondamentales : vos pays sont interdépendants et la crise ne s’en ira pas d’elle-même.

Les prix du pétrole resteront probablement bas pendant un certain temps. Il reste beaucoup plus de travail à accomplir.

Les réserves de la BEAC se sont stabilisées, mais elles demeurent faibles. Les retards observés dans la conclusion d’un accord sur un programme appuyé par le FMI avec la République du Congo et la Guinée équatoriale pourraient entraîner une nouvelle baisse des réserves.

La santé économique du Cameroun est relativement meilleure que celle de ses voisins, mais il n’en est pas moins essentiel de poursuivre les réformes. Le modèle de croissance d’avant la crise n’est pas soutenable. Par exemple, il reposait sur une accumulation rapide de la dette pour financer un programme ambitieux d’investissement public. Mais les capacités d’exécution sont limitées. Trop de projets ont été entrepris tous en même temps. En conséquence, il existe un arriéré considérable d’engagements non décaissés, à hauteur de 20 % du PIB.

Le programme appuyé par le FMI incorpore les objectifs de réforme du gouvernement. L’ajustement budgétaire en 2017 repose sur la loi de finances. Les compressions de dépenses mettent l’accent sur l’élimination du gaspillage ou des dépenses redondantes. Aucune baisse des salaires n’est prévue dans la fonction publique, et les dépenses augmentent en faveur de la santé, de l’éducation et d’autres priorités sociales.

Le programme n’exige pas non plus de diminution brutale des dépenses d’investissement. L’objectif est plutôt de donner la priorité à des projets dans les transports et l’énergie qui peuvent accélérer la croissance. Ces projets doivent être achevés sans plus de retard. Cependant, les projets moins stratégiques devraient être retardés ou réexaminés.

Quelles autres mesures le Cameroun doit-il prendre aujourd’hui pour éliminer les obstacles à la croissance ? Je propose de mettre l’accent sur trois points.

Réformes budgétaires

Premièrement, il est nécessaire d’opérer des réformes budgétaires, un domaine essentiel du programme appuyé par le FMI.

Il est crucial d’élargir l’assiette des recettes non pétrolières, parce que les réserves pétrolières du Cameroun sont en train de s’épuiser progressivement. Il s’agira de rationaliser les exemptions et de concentrer les incitations fiscales sur les secteurs prioritaires. Par ailleurs, il sera essentiel de continuer d’améliorer les administrations des impôts et des douanes.

Il est fondamental de mieux contrôler et d’assurer la transparence de l’exécution du budget afin de rendre les pratiques en matière de dépenses plus efficaces. Il est important d’améliorer le processus d’attribution des marchés publics pour réduire les goulets d’étranglement dans les projets d’infrastructures.

Un autre ensemble de réformes budgétaires concerne les entreprises publiques. Bon nombre de ces entreprises souffrent d’un endettement élevé et affichent des arriérés. En outre, les subventions aux entreprises publiques représentent environ 1 % du PIB. Une amélioration de l’information financière et un renforcement de la surveillance de la gestion de ces entreprises protégeront le budget de l’État contre les passifs conditionnels qui y sont liés.

Le programme appuyé par le FMI contribuera aux réformes budgétaires. Par exemple, en ce qui concerne la transparence du budget, le programme prévoit la publication de rapports trimestriels d’exécution du budget. Il soutient aussi des réformes qui amélioreront la préparation des budgets. Seuls des projets arrivés à maturité seront inclus dans le budget afin de garantir une mise en œuvre efficace.

Le FMI est déterminé aussi à fournir une assistance technique et une formation approfondies dans ce domaine. Dans les semaines à venir, les services du FMI offriront leur assistance dans le domaine de l’administration des recettes, de la modernisation des impôts et des douanes, de la gestion du budget et de la gestion des risques budgétaires.

Le secteur financier est le deuxième domaine où il est essentiel d’opérer des réformes pour rétablir la croissance. Il y a des mesures que votre gouvernement peut prendre pour consolider la stabilité, rendre le système financier plus accessible et améliorer l’inclusion financière.

Votre secteur bancaire s’est montré jusqu’à présent résilient face à la crise. Mais il existe des signes de tension. La liquidité diminue et les prêts improductifs sont en hausse. Cinq banques de petite taille et non importantes pour le système sont insolvables ; la plupart le sont depuis de nombreuses années.

Les autorités ont commencé à chercher à remédier à la situation des banques insolvables et à réduire les prêts improductifs. Le FMI accorde son aide dans ce domaine en collaborant tant avec le Cameroun qu’avec la COBAC. Il est prévu de prendre des mesures supplémentaires pour donner au secteur privé un meilleur accès aux services financiers. Cela contribuera à stimuler la croissance.

Améliorer le climat des affaires

Enfin, le troisième domaine de réforme concerne le climat des affaires. Un grand nombre d’enquêtes, y compris celle de la Banque mondiale sur la pratique des affaires, indiquent que la compétitivité du Cameroun reste faible.

Il est évident que si les règles du jeu sont claires et simples, les investisseurs seront présents quelles que soient les incitations fiscales. Donc, plutôt que de créer des régimes ou incitations spéciaux, il serait bien plus efficace de réduire les formalités administratives, de simplifier le système fiscal et de permettre au secteur privé de participer aux secteurs principaux de l’économie.

Rien n’est plus important pour améliorer le climat des affaires que de combattre la corruption. Selon un document récent du FMI, on considère de plus en plus à l’échelle mondiale que la corruption systémique peut compromettre la capacité de l’État à rendre la croissance plus durable et inclusive. La corruption est un cancer silencieux qui érode la compétitivité et la crédibilité des entreprises, quel que soit le niveau de développement d’un pays.

Le Cameroun et les pays de la CEMAC doivent s’attaquer vigoureusement à ce problème pour sortir de cette crise et poursuivre leur croissance. Le FMI et la Banque mondiale collaborent étroitement avec votre gouvernement pour trouver des solutions pratiques. Il s’agit notamment d’encourager les pays à adhérer à l’initiative sur la transparence des industries extractives, comme l’a fait le Cameroun en 2007. Cela permet d’améliorer la communication d’informations relatives aux recettes tirées du pétrole et d’autres produits de base.

Conclusion

En conclusion, le FMI est parfaitement conscient de la gravité des problèmes auxquels le Cameroun et la région de la CEMAC sont confrontés. La chute des prix du pétrole vous a placés face à un dilemme profond. Il est fort improbable que ces prix rebondiront pour atteindre les niveaux observés avant 2014.

Il convient de mettre en œuvre des réformes qui faciliteront la transformation continue de votre économie de manière à en faire profiter tous les Camerounais.

Le FMI est fermement déterminé à aider le Cameroun à cet égard, notamment grâce à l’aide financière prévue dans le programme qu’il appuie aujourd’hui dans le pays. Nous continuerons aussi à offrir des conseils et à contribuer à la mise en place d’une stratégie globale qui vise à renforcer la capacité de vos autorités à faire face à la crise actuelle et aux difficultés futures.

Je peux vous assurer que le FMI restera un partenaire fiable à l’appui de vos efforts de réforme, et, personnellement, je me réjouis de participer à ce processus. Je vous remercie de votre attention.

Département de la communication du FMI
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ATTACHÉ DE PRESSE: Lucie Mboto Fouda

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