Couturière dans une usine de textile à Tanger, au Maroc. Selon le FMI, les politiques en faveur d’une plus large participation des femmes au monde du travail peuvent stimuler l’économie (photo: Thomas Koehler/Photothek via Getty Images)

Maroc : réduire le fossé entre les sexes peut doper la croissance

le 1 mars 2017

Les politiques  en faveur d’une plus forte intégration des femmes dans la vie économique pourraient contribuer à accroître le revenu global et à améliorer considérablement les perspectives de croissance du Maroc, selon une étude du FMI. 

Jamila est une fillette de 12 ans qui vit dans une région rurale du Maroc, pays où près de 78 % des filles de 12 à 14 ans ne sont plus scolarisées dans les campagnes. Tandis que la plupart des fillettes de son âge ne vont plus à l’école, Jamila continue d’y aller car elle rêve de devenir médecin, et si elle poursuit bien sa scolarité, elle devrait parvenir à atteindre cet objectif.    

Toutefois, elle va devoir surmonter de gros obstacles : une économie en perte de vitesse depuis cinq ans, des possibilités d’emploi limitées (22 % de taux de chômage des jeunes), et une plus faible proportion de femmes que d’hommes dans la population active (25 % de taux d’activité des femmes, contre plus de 66 % chez les hommes). 

Les autorités marocaines ont commencé à mettre en œuvre des politiques en faveur d’une  meilleure intégration des femmes dans la vie économique, mais il reste encore beaucoup à faire pour aider les fillettes comme Jamila à réaliser leurs rêves.  

Les femmes et l’économie 

Dans le cadre de notre évaluation de l’économie marocaine, nous avons observé la relation entre les inégalités hommes/femmes et la croissance. Nous avons constaté que les politiques en faveur d’une meilleure intégration des femmes dans l’économie pouvaient considérablement stimuler la croissance du pays. Si les femmes, par exemple, étaient aussi nombreuses à travailler que les hommes aujourd’hui au Maroc, le revenu par habitant pourrait être près de 50 % supérieur à ce qu’il est actuellement. 

En outre, la croissance démographique au Maroc s’essouffle, et les projections des Nations-Unies tablent sur une augmentation, d’ici 2040, du rapport de dépendance économique (rapport inactifs/actifs). Il est donc fort possible que le nombre de personnes inactives augmente au cours des prochaines décennies. Pour compenser cette évolution négative, il conviendrait de poursuivre la mise en œuvre de politiques qui éliminent les disparités hommes/femmes, en améliorant notamment l’accès des filles à l’éducation, en développant les transports publics (pour faciliter et sécuriser les trajets des femmes vers leur lieu de travail), et en dispensant des programmes d’alphabétisation et de formation professionnelle dans les zones rurales.      

Des droits renforcés pour les femmes 

 Les autorités marocaines ont déjà pris les mesures suivantes :   

  • Révision en 2004 du code de la famille, pour élargir les droits des femmes dans le cadre du mariage, de la tutelle, de la garde des enfants, et de l’accès au divorce ;
  • Promulgation en 2011 d’une garantie constitutionnelle de l’égalité hommes/femmes ;
  • Instauration en 2004 d’un congé de maternité de 14 semaines avec maintien total du salaire ;
Lancement en 2002 de la première et de la plus forte initiative de budgétisation en fonction du genre dans la région Moyen-Orient et Asie centrale. La budgétisation différenciée en fonction du genre repose sur des politiques budgétaires et des administrations des finances publiques aux niveaux national, provincial, ou local, qui se consacrent à remédier aux inégalités hommes/femmes et à favoriser la promotion de la femme.

Des réformes plus poussées s’imposent

Notre analyse montre que, malgré ces améliorations, des mesures plus décisives et mieux ciblées s’imposent pour augmenter le taux d’activité et d’emploi des femmes et pour combler le fossé éducatif entre garçons et filles au Maroc.   

Principaux constats de notre étude : 

  • L’investissement dans des structures de garde d’enfants permettrait aux femmes d’avoir plus de temps pour suivre davantage de cours et de formations et pour rejoindre le marché du travail.   
  • Les abattements ou crédits d’impôts ne sont actuellement accessibles qu’aux hommes, qui en tant que contribuables, peuvent demander un abattement fiscal pour personne à charge, à la fois pour leur épouse et leurs enfants. Une femme contribuable ne peut pas prétendre à de tels avantages fiscaux, à moins de prouver son statut de tutrice légale.     
  • Les programmes de transfert conditionnel à des fins éducatives peuvent favoriser un meilleur accès des filles à l’éducation secondaire. Ils pourraient aussi accompagner des programmes d’alphabétisation des femmes dans les zones rurales et de formation professionnelle en faveur de l’ensemble des femmes ; et promouvoir l’entreprenariat féminin, comme le recommande la stratégie nationale pour l’emploi, récemment adoptée.     
Si toutes ces mesures sont mises en œuvre, il ne fait aucun doute que pour Jamila, les obstacles qui se dressent sur la voie de sa participation à la vie économique seraient considérablement diminués, et ses possibilités de contribuer à rendre la société marocaine plus prospère et plus inclusive seraient décuplées.