Mécanisme de restructuration de
la dette souveraine (MRDS)
Questions et réponses
Dernière mise à jour: le
28/07/2017
A. Nature du problème
A.1 Quels problèmes le projet de MRDS cherche-t-il
à résoudre?
Il arrive qu'un pays se trouve confronté, sous l'effet combiné
de la malchance et de politiques malavisées, à une charge
de la dette intenable. Une dette souveraine est considérée
comme intenable lorsque, quel que soit le scénario réaliste
de politiques et de circonstances qui puisse être envisagé,
le ratio de la dette au PIB (ou de la dette aux exportations dans certains
cas) augmente indéfiniment. Dans de telles conditions, la dette
du pays concerné devra être restructurée d'une manière
ou d'une autre — c'est-à-dire que la valeur actuelle nette
de la dette devra être réduite par rapport à sa
valeur nominale.
Mais le processus de restructuration est coûteux et douloureux,
et les autorités retardent généralement le début
des négociations avec leurs créanciers. Le pays débiteur
recourt souvent à des politiques désespérées
qui aggravent la situation et rendent encore plus difficile l'ajustement
qui devra finalement être opéré. En conséquence,
les coûts économiques et sociaux pour la population sont
parfois énormes. Ces retards sont préjudiciables aussi
aux créanciers, puisque la valeur de leurs créances serait
mieux préservée si les perturbations économiques
dans le pays débiteur étaient moins graves.
En outre, l'incertitude entourant le dénouement de la situation
dans un pays a souvent des répercussions sur la valeur de marché
de la dette et des actifs d`autres pays à marché émergent
ou en développement.
Une telle situation risque de placer le FMI, et la communauté
internationale de manière plus générale, face à
une alternative peu encourageante : ne pas accorder d'aide financière
publique et laisser le pays s'enfoncer dans la crise, ou chercher à
l'aider en concluant avec lui un programme appuyé par le FMI,
alors que les chances de succès d'un programme ont peut-être
été fortement réduites par l'ajournement de la
résolution du problème de la dette.
Les retards dans les restructurations résultent dans une large
mesure de la plus grande complexité des marchés financiers
internationaux et de la diversité croissante des créanciers.
Des difficultés peuvent survenir dans plusieurs domaines, dont :
Action collective : un ou quelques créanciers minoritaires,
qui souhaitent s'assurer des conditions plus favorables, peuvent
opposer leur veto à une formule de restructuration acceptable
pour la majorité des créanciers.
Coordination des créanciers : les pouvoirs publics
des pays à marché émergent émettent
aujourd'hui des titres à l'intention d'un groupe diffus de
créanciers aux intérêts économiques différents,
dans des juridictions différentes et sous la forme d'instruments
divers. Il est difficile de réunir tous les créanciers
et d'aboutir à une solution acceptable pour tous.
Le projet de MRDS comblerait une lacune dans le système financier
international en fournissant un cadre de référence qui
aiderait à résoudre ces problèmes.
A.2 Quels sont les objectifs du MRDS?
L'objectif principal est de faire en sorte que les pays et leurs créanciers
soient mieux à même de restructurer des dettes souveraines
intenables de façon ordonnée et en temps opportun. Le
MRDS fournirait le fondement juridique pour les créanciers en
particulier.
Un processus de restructuration de la dette moins désordonné
et moins long profiterait à toutes les parties concernées.
Les citoyens des pays dont la dette est restructurée en tireraient
profit parce que la période de perturbations économiques
serait raccourcie. Et les créanciers y gagneraient puisque la
valeur de leurs actifs serait préservée.
Le MRDS renforcerait aussi l'efficience et la stabilité du
système financier mondial. En créant un cadre de restructuration
plus prévisible en cas de dette intenable, le risque global des
prêts aux pays à marché émergent serait réduit.
Cela devrait abaisser les coûts d'accès aux marchés
pour les pays à marché émergent qui appliquent
une politique économique saine. Par ailleurs, un cadre de restructuration
plus prévisible devrait aussi stabiliser les flux de capitaux,
puisque l'incertitude entourant les modalités d'une restructuration
de la dette serait réduite.
A.3 Comment le MRDS contribuerait-il à prévenir
et à résoudre les crises?
Le MRDS compléterait les précieuses réformes
qui ont déjà été opérées en
réaction aux crises financières des années 90 dans
les pays à marché émergent.
Le MRDS contribuerait à la prévention des crises.
Comme le MRDS définirait avec plus de clarté les conditions
de la restructuration et le processus qui serait suivi, les marchés
privés accorderaient moins de prêts aux pays dont le ratio
de la dette au PIB est déjà élevé. En renforçant
l'idée que le secteur officiel n'est pas prêt à
renflouer les créanciers imprudents, le MRDS devrait aider à
prévenir les crises en décourageant les prêts et
les emprunts excessifs.
En outre, le MRDS mettrait de l'ordre dans la résolution
des crises et en réduirait le coût. Premièrement,
il encourage les pays à s'attaquer promptement à leurs
problèmes, avant de se retrouver en défaut de paiement.
Une restructuration ordonnée et opérée en temps
opportun préserve la valeur des actifs de toutes les parties
intéressées, contrairement à une défaillance
désordonnée où la valeur des créances sur
le marché secondaire s'effondre généralement. Deuxièmement,
lorsque la restructuration serait nécessaire, la dette concernée
serait moins élevée. Cependant, il est à souligner
que les propositions ne feraient pas de la restructuration un choix
facile, car les perturbations économiques allant de pair même
avec un processus ordonné peuvent être considérables.
Par ailleurs, il n'est pas question de réduire les incitations
à assurer le service de la dette lorsque cela reste possible.
A.4 Le MRDS est-il une solution au problème
des créanciers irréductibles? Si oui, que pensez-vous de
l'idée selon laquelle ce problème n'a pas entravé
notablement les restructurations de la dette souveraine jusqu'à
présent?
Un des objectifs du MRDS est de permettre plus facilement à
un débiteur qui conclut un accord avec une majorité qualifiée
de créanciers d'éviter le problème des créanciers
irréductibles. Mais le MRDS vise aussi à catalyser la
création d'un processus de restructuration qui aidera à
résoudre une série d'autres problèmes.
Le risque d'être confronté à des créanciers
dissidents est le plus élevé avant une défaillance,
lorsque les créanciers estiment peut-être avoir de bonnes
chances de continuer d'être payés conformément au
contrat initial. Chaque créancier ayant son propre comportement
rationnel, il est parfois difficile d'aboutir à un accord qui
serait dans l'intérêt de l'ensemble des créanciers.
Le risque est probablement moindre après une défaillance,
car les créanciers — en particulier ceux qui n'ont pas
envie d'aller en justice — ont moins d'options. Cependant, il
est à noter que des problèmes de créanciers dissidents
se sont posés récemment au Pérou et au Congo, et
que certains créanciers ont engagé des poursuites contre
l'Argentine. De manière plus générale, il est vrai
que peu de cas ont été observés jusqu'à
présent et que les créanciers irréductibles n'ont
pas réussi à faire dérailler les restructurations,
bien que dans certains cas il ait été coûteux de
se défaire de ces créanciers. Mais les coûts économiques
des retards dans la conclusion d'un accord avec les créanciers
ont été substantiels tant pour les débiteurs que
pour les créanciers.
Il se peut que le succès des actions en justice de certains
créanciers en encourage d'autres à leur emboîter
le pas, et donc que le problème des créanciers dissidents
devienne plus fréquent à l'avenir. En outre, le risque
que ces créanciers fassent valoir leurs droits sur les futurs
paiements au titre de la dette restructurée et qu'ils reçoivent
un meilleur traitement que les créanciers coopératifs
fausse les incitations et peut faire dérailler les efforts de
coopération. Ceci risque d'être particulièrement
important lorsqu'il est demandé aux créanciers d'accepter
une réduction substantielle de la dette et de son service.
Idéalement, le MRDS encouragera un pays dont la dette est intenable
et ses créanciers à restructurer avant que la défaillance
ne devienne la seule solution.
B. Caractéristiques du MRDS
B.1 Quelles sont les principales caractéristiques
du MRDS?
Une majorité qualifiée de créanciers pourrait
accepter par vote de nouvelles conditions dans le cadre d'un accord
de restructuration. Les créanciers minoritaires ne pourraient
bloquer de tels accords, ni faire appliquer les conditions des contrats
d'émission originaux — c'est-à-dire qu'ils seraient
tenus de respecter la décision de la majorité qualifiée.
Le MRDS inclurait un mécanisme qui dissuaderait les créanciers
d'engager des poursuites judiciaires perturbatrices pendant les
négociations sur la restructuration de la dette. Mais il n'y
aurait pas de suspension automatique de l'exercice des droits des créanciers.
Les créanciers seraient assurés que le débiteur
négocierait en toute bonne foi et qu'il prendrait des
mesures — fort probablement conçues dans le cadre d'une
demande d'appui financier du FMI — propres à protéger
la valeur des créances et à limiter les perturbations
économiques.
Le MRDS établirait des obligations de transparence qui,
entre autres, permettraient aux créanciers d'être informés
du traitement des autres créanciers pendant le processus de restructuration.
Les créanciers pourraient convenir d'accorder un statut privilégié
aux nouveaux apports privés et de les exclure de la restructuration,
afin de faciliter l'activité économique par l'octroi continu
de crédits commerciaux et autres.
Une instance de règlement des différends serait
établie pour régler les litiges qui surviendraient pendant
le processus de vote ou lors de la vérification des créances.
B.2 Les créances du Club de Paris (créanciers
bilatéraux officiels) seront-elles incluses dans le MRDS?
Dans les cas où les créanciers membres du Club de Paris
détiennent des créances substantielles, celles-ci devront
probablement être incluses dans une restructuration générale.
La question est de savoir si elles doivent être incluses dans
le MRDS ou si la restructuration doit être opérée
en parallèle, sur la base des méthodes de restructuration
existantes du Club de Paris. On constate une certaine préférence
pour l'exclusion du cadre formel du MRDS, mais nous continuerons à
étudier la question avec le Club de Paris et les créanciers
privés.
B.3 Le MRDS englobera-t-il la dette souveraine intérieure
(c'est-à-dire la dette souveraine régie par le droit national
et relevant exclusivement des tribunaux nationaux)?
Non. Dans certaines circonstances, il sera peut-être nécessaire
de restructurer la dette souveraine intérieure si la charge globale
doit être ramenée à un niveau viable. Les investisseurs
non résidents risquent de n'accorder une réduction substantielle
de la dette que s'ils savent que les créanciers intérieurs
assument leur part. Mais la décision devra être prise au
cas par cas, en tenant soigneusement compte de la nature spécifique
de ces créances, ainsi que des effets possibles sur la valeur
des actifs du système bancaire intérieur et sur le marché
intérieur des capitaux. De toute manière, la dette intérieure
ne serait pas restructurée dans le cadre du MRDS, puisque les
États disposent généralement d'instruments de restructuration
de la dette intérieure qui ne sont pas disponibles dans le cas
de la dette extérieure.
B.4 Pourquoi les créances du FMI ne doivent-elles
pas être incluses dans le MRDS? Pourquoi le FMI devrait-il bénéficier
d'un statut de créancier privilégié?
Le FMI n'est pas une entreprise commerciale en quête de prêts
rentables. En fait, il accorde souvent des prêts lorsque d'autres
créanciers se montrent réticents, et à des taux
d'intérêt inférieurs à ceux que pratiquerait
le secteur privé. Le FMI aide ainsi les pays à catalyser
des concours privés, ainsi qu'à éviter un ajustement
désordonné et des politiques qui seraient préjudiciables
à eux-mêmes, à leurs créanciers privés
et à d'autres pays. Si, dans une restructuration, l'on accordait
aux créances du FMI le même traitement qu'aux créances
commerciales, cela compromettrait gravement la capacité du FMI
de jouer ce rôle essentiel à l'avenir.
B.5 Qu'est-ce que le mécanisme des clauses
d'action collective (CAC)? En quoi ce mécanisme diffère-t-il
du MRDS?
Les clauses d'action collective s'appliquent à une émission
obligataire donnée. Elles permettent à une majorité
qualifiée de détenteurs de convenir d'une restructuration
qui engagerait tous les détenteurs de cette émission.
En évitant le problème des créanciers irréductibles,
ces clauses facilitent toute restructuration qui s'avérerait
nécessaire. L'utilisation de ces clauses constituerait une amélioration
par rapport au système actuel et le FMI est déterminé
à promouvoir leur usage parmi les pays membres. Mais, à
l'heure actuelle, la plupart des contrats d'émission obligataire
n'incluent pas de clauses de ce type.
Dans une restructuration générale, chaque émission
obligataire devrait faire l'objet d'une décision distincte. Les
créanciers n'acceptant pas une offre de restructuration auraient
le droit de défendre leurs intérêts dans les tribunaux
du pays ou de l'État dont le droit aurait été retenu
dans le contrat.
Le projet de MRDS va plus loin que les clauses d'action collective
et pourrait en être un bon complément. Le MRDS est une
formule plus complète que les clauses d'action collective parce
que :
Le MRDS concernerait l'ensemble du stock existant de la dette,
y compris les instruments qui ne prévoient pas explicitement
une action collective. Même si les clauses d'action collective
étaient plus largement utilisées dans les nouveaux
contrats d'émission, les instruments existants ne prévoyant
pas ce type de clauses continueraient d'y échapper.
Dans le cadre du MRDS, un vote unique permettrait de restructurer
de multiples titres de dette en agrégeant les voix des créanciers
détenant les titres de dette concernés. En d'autres
termes, le MRDS permet au débiteur et à ses créanciers
d'agir comme si toute cette dette était régie par
une seule clause d'action collective.
Le MRDS inclurait un processus impartial de règlement des
différends pour protéger les créanciers contre
la fraude. Les difficultés rencontrées pour offrir
une telle protection dans le cadre des clauses d'action collective
sont un obstacle majeur à l'établissement d'une approche
contractuelle de l'agrégation.
Le MRDS permettrait à une majorité qualifiée
de créanciers d'approuver de nouveaux crédits qui
pourraient aider à limiter les perturbations économiques
pendant le processus de restructuration. Les clauses d'action collective
n'offrent pas cette possibilité.
Le MRDS entrerait en vigueur en même temps pour tous les
pays. Par contre, les clauses d'action collective pourraient poser
un «problème de pionnier», c'est-à-dire
que les pays à marché émergent pourraient être
réticents à inclure de telles clauses dans leurs contrats
d'émission par crainte que les investisseurs interprètent
cette mesure comme un signe d'une plus grande probabilité
de restructuration, et exigent donc une prime de risque plus élevée.
B.6 Quel parallèle peut-on faire avec le droit
national sur les faillites?
Le projet de MRDS s'inspire des clauses d'action collective existantes
et des principes des droits nationaux des entreprises en difficulté,
d'où certaines similarités; il y a toutefois de grandes
différences avec les législations nationales sur les faillites.
En permettant aux créanciers de décider collectivement
d'une restructuration, le MRDS, à l'instar du droit des entreprises
en difficulté, entend aider le débiteur à remettre
de l'ordre dans ses finances et ses activités pour qu'il soit
ainsi en mesure de recommencer à rembourser ses dettes. Mais
le MRDS laisse aux créanciers et au débiteur le soin de
prendre des décisions cruciales — et évite de créer
l'équivalent d'un tribunal de commerce habilité à
accorder au débiteur une protection juridique. Concrètement,
le MRDS ne prévoit pas de suspension automatique de l'exercice
des droits des créanciers.
Bien entendu, nous devons manier avec prudence les parallèles
entre les lois nationales sur les faillites et le traitement à
réserver à la dette souveraine. Pour celle-ci, l'ultime
sanction de la liquidation n'existe pas, l'action des pouvoirs publics
n'est pas surveillée par un tribunal et les créanciers
ne peuvent pas imposer un administrateur. Nous ne proposons pas, pour
les pays, l'équivalent du droit des entreprises en difficulté,
mais simplement un mécanisme qui facilite les négociations
sur la restructuration de la dette entre un débiteur et ses créanciers.
Notons que le droit américain (chapitre 11 du code des faillites)
et l'adoption par plusieurs pays européens de cadres juridiques
de restructuration attestent d'une prise de conscience des avantages
qu'il y a à agir rapidement pour protéger la valeur économique
et les intérêts des parties prenantes — y compris
actionnaires, créanciers et salariés. Or, tant les pays
que leurs créanciers gagneraient à agir rapidement pour
viabiliser la dette. Les défaillances du marché qui retardent
ce processus inutilement se traduisent par des coûts excessivement
élevés pour les débiteurs et leurs créanciers.
C. Le rôle du FMI
C.1 Quel serait le rôle du FMI dans le MRDS?
Il ne s'agit pas de donner de nouvelles prérogatives aux organes
existants du FMI. Les décisions seront prises par le débiteur
et une majorité qualifiée de créanciers ou par
une instance arbitrale indépendante. Le FMI ne tient pas à
s'ériger en juge ou en arbitre des négociations de restructuration
entre le débiteur et ses créanciers.
Dans le même temps, le FMI a un rôle crucial à
jouer pour permettre à la communauté internationale de
se forger une opinion sur la viabilité de la dette d'un pays
et le bien fondé de sa politique économique. Mais le FMI
joue d'ores et déjà ce rôle, même en l'absence
d'un MRDS proprement dit. Lorsque le pays concerné met en œuvre
un programme appuyé par le FMI, il devrait y avoir une certaine
concordance entre l'appréciation portée par le FMI sur
la viabilité de son programme économique et le niveau
réalisable d'excédent budgétaire primaire d'une
part, et de l'autre, l'ampleur de la restructuration convenue par les
créanciers et les débiteurs. En définitive, il
faut qu'au total la restructuration arrêtée, les concours
financiers du FMI et d'autres sources catalysées par le programme
mis en œuvre avec son appui et les efforts d'ajustement du pays
lui-même permettent de rendre la situation financière du
pays viable.
En gros, le rôle du FMI ne changerait pas, c'est-à-dire
qu'il exprimerait la volonté de soutenir la politique économique
d'un pays et d'apporter un concours financier à ceux qui appliquent
des mesures appropriées, dans le cadre d'un programme qui bénéficie
de son appui.
C.2 La mise en place du MRDS entraînerait-elle
une réduction ou une plus grande sélectivité des
appuis financiers fournis par le FMI?
En soutenant cette formule, la communauté internationale réaffirmerait
le principe suivant lequel les concours financiers du FMI sont destinés
aux pays confrontés à des difficultés (passagères)
de liquidité et non aux pays accablés d'une dette non
viable. La proposition devrait donc avoir pour effet d'orienter les
appuis financiers du FMI vers les cas qui le méritent et dans
lesquels les ressources du FMI peuvent résoudre les problèmes
sous-jacents.
D. Doutes et critiques
D.1 Comment répondez-vous à ceux qui
pensent que le MRDS n'aurait pas été d'un grand secours
durant les crises de la dernière décennie?
Eu égard à la grande diversité des crises financières
des dix dernières années, aucun instrument unique,
MRDS ou autre, n'aurait été la panacée. Cette diversité
justifie la multiplication et non la réduction des mécanismes
qui doivent entrer dans la panoplie des outils de prévention
et de résolution des crises. Le MRDS aurait été
utile dans le cas des crises où la restructuration de la dette
souveraine était partie intégrante de la solution.
Il s'agit d'aborder avant tout l'utilité du MRDS pour l'avenir,
plutôt que de manière rétrospective. Les pays qui
ont accès aux marchés de capitaux privés étant
de plus en plus nombreux — objectif que poursuit la communauté
internationale — un cadre de résolution ordonnée
des situations d'endettement non viables (dans les rares cas où
cela se produit) serait utile.
Le MRDS constitue un volet à part entière des réformes
visant à prévenir et à mieux résoudre les
crises et ne devrait donc pas être analysé isolément.
Les autres volets sont, entre autres : une meilleure évaluation
de la viabilité de la dette; le renforcement des moyens de résolution
des difficultés du système bancaire; le réaménagement
des modalités de prêt et d'accès aux ressources
du FMI afin de préciser l'ampleur de son appui financier; et
la rationalisation de la conditionnalité.
En bref, nous n'envisageons pas un MRDS isolé, qui serait la
panacée, de même que nous ne l'envisageons pas en vase
clos, en faisant abstraction des autres réformes qui s'imposent.
D.2 Le MRDS ne semble-t-il pas vouloir réparer
un système «qui fonctionne». La Russie, l'Équateur,
le Pakistan et l'Ukraine ont réussi à restructurer leurs
dettes. N'est-ce pas la preuve que les structures existantes fonctionnent?
Cela reviendrait à se demander s'il n'est pas préférable
de continuer à tenter de surmonter les crises avec les moyens
du bord. Les récentes défaillances au titre de la dette
souveraine ont été très coûteuses pour les
pays débiteurs et leurs créanciers. D'aucuns peuvent penser
que toute défaillance doit nécessairement être
désordonnée, c'est-à-dire que les coûts dont
elle s'accompagne sont inévitables pour insuffler une certaine
discipline aux débiteurs. Nous estimons quant à nous que
les coûts actuels sont exorbitants et excessivement perturbateurs
pour la communauté internationale tout entière (voir A.1).
Il n'est donc pas concevable de rester passif.
En outre, les cas évoqués ci-dessus avaient certaines
particularités. À titre d'exemple, l'Équateur a
eu largement recours aux «accords de sortie» et rien ne prouve
que cette formule puisse être reproduite à l'avenir, en
particulier si les créanciers modifient les contrats obligataires
pour rendre ce type d'accords plus difficile. Dans le cas du Pakistan,
les titres étaient détenus en majorité par des
grandes institutions du Moyen Orient, ce qui limitait le nombre de créanciers.
La majeure partie des obligations émises par l'Ukraine étaient
assorties de clauses d'action collective. Qui plus est, le nombre de
titres émis par les trois pays (Équateur, Pakistan, Ukraine)
était limité.
D.3 Le MRDS ne risque-t-il pas de supplanter le droit
légitime des créanciers à exiger le remboursement
de leurs créances?
La dernière mouture du projet de MRDS ne prévoit aucune
suspension automatique du droit des créanciers à exiger
le remboursement de leurs créances.
En revanche, le MRDS vise à redistribuer les pouvoirs des créanciers
pris individuellement à une majorité qualifiée
d'entre eux (ce qui est aussi, faut-il le noter, la finalité
des clauses d'action collectives).
Le projet de MRDS est assorti de plusieurs gardes fous, notamment
pour éviter les abus; il prévoit la transparence du processus
de vote et veille à protéger les créances par degré
d'antériorité.
Les problèmes de coordination et d'action collective au sein
de groupes disparates de créanciers découlent de défaillances
du marché qui entraînent de lourdes pertes; y remédier
augmenterait en fait la valeur des créances.
D.4 Les pays débiteurs ne risquent-ils pas
de recourir trop souvent au MRDS?
Même avec le MRDS, la restructuration de la dette restera une
solution coûteuse. Le risque de bouleversements économiques,
de troubles politiques et d'atteinte à leur réputation
sur les marchés internationaux de capitaux rendra toujours des
pays très réticents a engager des pourparlers avec leurs
créanciers dans la perspective d'une restructuration, et
a fortiori dans celle d'une cessation de paiement, à moins
que les circonstances ne les y obligent. La restructuration de la dette
restera une procédure douloureuse du point de vue économique,
formule que les créanciers resteront à juste titre peu
enclins à appliquer.
En tout état de cause, le recours au MRDS serait réservé
aux pays dont la dette n'est pas viable et pour lesquels la restructuration
est donc la seule issue. On peut difficilement soutenir que le fait
de défendre, dans ces cas, des plans de désendettement
ordonnés porte atteinte à la culture du crédit
et favorise l'aléa moral.
D.5 Que dire, face à la crainte que le MRDS
affaiblisse les flux de capitaux vers les marchés émergents
et renchérisse le coût des emprunts?
Que c'est tout le contraire. L'existence, dans un pays, d'une législation
des faillites accroît l'efficience du marché de la dette.
Aux États-Unis comme dans plusieurs pays, la dette des entreprises
est soumise de longue date à une procédure collective,
ce qui n'a pas empêché le marché des obligations
d'entreprises de se développer. Le même principe devrait
valoir pour les marchés de capitaux internationaux. Si le MRDS
permet de réduire les incertitudes qui entourent une restructuration
et d'inciter effectivement les débiteurs à se rapprocher
de leurs créanciers pendant qu'ils disposent encore de ressources
et que la crise n'a pas encore atteint le point de non retour, la valeur
de recouvrement tirée de la restructuration devrait s'accroître
et le coût du capital diminuer. Cela devrait aussi permettre
de rendre l'ensemble de la catégorie d'actifs plus attrayante.
D.6 Quelle preuve empirique peut-on donner de l'impact
probable du MRDS sur les flux de capitaux à destination des marchés
émergents et sur le coût des emprunts?
Il ressort de données anecdotiques et de travaux plus systématiques
que l'impact des clauses d'action collectives sur le coût des
emprunts peut servir à évaluer ce qu'il adviendrait dans
l'hypothèse de la mise en place du MRDS. Lorsque les clauses
d'action collective ont été évoquées pour
la première fois dans le rapport du G-10 publié en 1996,
l'idée a suscité une vive réaction de rejet, au
motif que cela entraînerait une hausse du coût des emprunts.
L'argument a perdu de sa valeur lorsqu'il a été signalé
que ce type de clauses existait dans les obligations britanniques. De
même, nombre d'agences d'information financière ne se servent
jamais de la présence ou de l'absence de clauses d'action collective
pour expliquer le prix des nouvelles émissions obligataires.
Les recherches économétriques menées de façon
plus scientifique, y compris l'étude présentée
à la conférence annuelle du Département des études
du FMI tenue en novembre 2002, ne signalent aucune incidence systématique
de ces clauses sur le coût des emprunts pour l'ensemble de cette
catégorie d`actifs.
D.7 Comment les responsables des pays émergents
réagissent-ils au projet de MRDS?
Le CMFI, organe directeur du FMI qui regroupe des représentants
des pays émergents comme des pays industrialisés, a marqué
son appui à cette démarche et demandé qu'une proposition
complète lui soit soumise lors des réunions qui se tiendront
au printemps 2003.
D.8 Quelle a été la réaction
des groupes de créanciers à ce projet?
Certains ont exprimé la crainte que les pays débiteurs
ne recourent «trop souvent» au MRDS. Mais en définitive,
aucun débiteur ne pourra se prévaloir du dispositif du
MRDS sans le consentement d'une majorité qualifiée de
créanciers (voir D.4 ci-dessus).
Des questions ont aussi été posées sur les changements
qui interviendraient dans le rôle du FMI à la mise en place
du MRDS, et sur plusieurs aspects techniques et juridiques de son élaboration.
Ces questions font l'objet d'un examen qui se poursuit avec les créanciers,
tant sous l'angle financier que juridique.
D'autres créanciers reconnaissent que la démarche qui
vise à élaborer un MRDS peut être bénéfique
et conviennent qu'il pourrait susciter des négociations plus
structurées et mieux organisées avec les débiteurs.
D.9 Le MRDS porte-t-il sur l'endettement des pays
à faible revenu?
Non, le problème de la dette des pays à faible revenu
est traité dans le cadre de l'initiative en faveur des pays pauvres
très endettés (PPTE). Le MRDS concerne la dette souveraine
envers des créanciers privés et se rapporte donc plus
aux économies de marché émergentes qui ont emprunté
sur les marchés internationaux de capitaux. Ceci dit, quelques
pays admis à bénéficier de l'initiative PPTE ont
aussi une lourde dette envers des créanciers privés; le
MRDS pourrait également les concerner.
D.10 Pourquoi les pays ne seraient-ils pas autorisés
à recourir au MRDS pour disqualifier la dette «odieuse»
(par exemple celle qui découle de l'achat d'armement, celle accumulée
par des régimes antérieurs autocratiques ou corrompus, etc.)?
L'un des principes clés qui sous-tendent le MRDS est de n'intervenir
dans les rapports contractuels que lorsque cela est nécessaire
pour résoudre les problèmes d'action collectives essentiels.
Mais disqualifier la dette «odieuse» supposerait une remise
en cause totale de la validité des créances et du caractère
sacré des engagements contractuels, ce qui pourrait avoir de
fâcheuses conséquences pour le fonctionnement des marchés
de capitaux. Cela créerait un nouveau facteur de risque, par
delà la nature intrinsèque des conditions de prêt
et de remboursement. Cela nuirait aussi à l'efficience des marchés
secondaires et aurait un effet néfaste sur l'aptitude des emprunteurs
des pays émergents à réaliser des émissions
sur le marché primaire.
D.11 Pourquoi un pays surendetté s'efforcerait-il
d'éviter de défaillir? Pourquoi ne se bornerait-il pas à
répudier la dette et à recourir ainsi à son épargne
pour accroître les dépenses de santé, d'éducation
et d'infrastructure?
Les coûts des perturbations économiques qui accompagnent
généralement une cessation de paiements sont énormes
et seraient pour la plupart amplifiés si la dette était
purement et simplement répudiée, en d'autres termes, si
aucun effort n'était fait pour restructurer les obligations qui
en découlent. Ces coûts peuvent être sans commune
mesure avec les gains à court terme.
Les difficultés de balance des paiements qui suivent une cessation
de paiement sont systématiquement aggravées. Une cessation
de paiement — et à plus forte raison une dénonciation
de la dette — fait douter de la capacité d'un gouvernement
à respecter les droits de propriété. Les avoirs
des banques locales seront-ils confisqués? Les droits des porteurs
d'actions ou des investisseurs propriétaires d'entreprises seront-ils
bafoués? Tout ceci entraîne la fuite de capitaux et une
inversion massive des entrées.
Le contraste entre la situation de l'Argentine en 2002 et celle du
Brésil en 1999 est un bon exemple de l'énorme différence
de coût, entre la cessation des paiements et une «simple»
crise monétaire.
Le Brésil a subi une crise monétaire en 1999. Les
flux afférents à la dette se sont effondrés mais
ils ont été compensés par la poussée de
l'investissement direct étranger qui a suivi la dévaluation
de la monnaie, compte tenu du niveau extrêmement bas des prix.
L'Argentine a subi une crise monétaire suivie d'une cessation
de paiement en 2002. Les flux afférents à la dette et
les flux d'IDE se sont effondrés; les sorties nettes de capitaux
ont été plus élevées que dans le cas du
Brésil. Malgré la dévaluation et les véritables
aubaines, les investisseurs craignaient de ne pouvoir rapatrier leurs
plus-values, de faire l'objet de confiscations ou pire encore.
En règle générale, le système financier
intérieur est ravagé par la cessation de paiement, les
banques détenant le plus souvent d'importantes créances
sur l'État. Le crédit, voire l'intermédiation,
en souffrent considérablement et la production s'effondre. Même
lorsque le gouvernement parvient à opérer une cessation
sélective sur ses prêts extérieurs, l'inversion
des flux de capitaux qui suit soumet le système financier à
de fortes tensions.
Le commerce extérieur se contracte souvent après une
défaillance au titre des obligations de la dette souveraine.
Cela résulte parfois d'un tarissement du crédit commercial,
les créanciers voulant ainsi sanctionner le pays ou le dissuader
de récidiver à l'avenir. Ce dernier effet est particulièrement
important dans les cas de dénonciation de dette. Andrew Rose
(université de Californie, Berkeley) a constaté que la
baisse des échanges qui frappe les pays en cessation de paiement
représente l'équivalent du volume d'échanges d'une
année, étalé sur 15 ans.
Le pays peut avoir des difficultés à accéder
aux marchés et le coût de ses emprunts peut se maintenir
longtemps à un niveau élevé. Historiquement, les
pays qui se sont déclarés en cessation de paiement sur
leur dette extérieure ont perdu l'accès aux marchés
de capitaux jusqu'à ce qu'ils soient parvenus à s'entendre
avec leurs créanciers. Mais même dans ce cas, les taux
d'intérêt qui leur étaient imposés sur les
nouveaux prêts étaient généralement élevés,
en tout cas jusqu'à ce qu'ils aient (ré)établi
de bons antécédents. Des études empiriques montrent
que les pays qui ont réduit la valeur de leur dette à
la fin des années 80 dans le cadre du plan Brady sont encore
confrontés à des coûts d'emprunts élevés
aujourd'hui.
Les dépenses de santé, d'éducation et d'infrastructure
sont extrêmement importantes. À long terme, les pays qui
gardent la confiance des investisseurs et un bon accès au marché international du crédit sont mieux à même de bien couvrir leurs dépenses sociales et d'infrastructure que ceux qui sont à l'écart de la communauté financière internationale.
DÉPARTEMENT DE LA COMMUNICATION DU FMI
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