Typical street scene in Santa Ana, El Salvador. (Photo: iStock)

(photo : Sultan Mahmud Mukut/SOPA Image/Newscom)

Bulletin du FMI : La croissance reste vigoureuse en Afrique subsaharienne, malgré de forts vents contraires

le 28 avril 2015

  • La croissance reste vigoureuse mais dans le bas de la fourchette de ces dernières années
  • La chute des cours crée d’énormes difficultés pour les pays exportateurs de pétrole
  • La priorité absolue est de parvenir à une croissance forte, soutenue et solidaire

La croissance de l’Afrique subsaharienne devrait rester vigoureuse mais elle devrait ralentir à cause de la chute des cours du pétrole et des produits de base.

Construction d’un pont sur l’autoroute Trans-Afrique au Kenya : il est indispensable de combler le manque d’infrastructures pour parvenir à une croissance forte, soutenue et solidaire (photo: Michael Wirtz/Newscom)

Construction d’un pont sur l’autoroute Trans-Afrique au Kenya : il est indispensable de combler le manque d’infrastructures pour parvenir à une croissance forte, soutenue et solidaire (photo: Michael Wirtz/Newscom)

PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES RÉGIONALES

D’après les projections du dernier rapport du FMI sur les Perspectives économiques régionales de l’Afrique subsaharienne, l’économie de la région devrait, cette année encore, afficher de solides résultats, avec un taux de croissance de 4 ½ % en 2015. Ce taux se situe en bas de la fourchette de ces dernières années, mais l’Afrique subsaharienne restera néanmoins l’une des régions les plus dynamiques au monde.

Le ralentissement de la croissance est dû aux effets négatifs de la chute des cours du pétrole et des autres produits de base (graphique 1), mais ces effets sont très hétérogènes à l’échelle de la région (graphique 2).

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D’une part, les pays importateurs de pétrole continueront de connaître une croissance vigoureuse, notamment les pays à faible revenu, grâce à l’investissement dans les activités minières et les infrastructures et au dynamisme de la consommation privée. Hormis l’Afrique du Sud — où la croissance économique devrait rester atone à cause de problèmes persistants dans le secteur de l’électricité — ainsi que la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone — où l’épidémie de fièvre Ébola continue d’avoir de lourdes conséquences économiques et sociales — la croissance des pays importateurs de pétrole devrait quand même atteindre près de 6 % en 2015 et 6½ % en 2016.

D’autre part, les huit pays exportateurs de pétrole de la région, qui sont durement touchés et n’ont guère d’épargne disponible, devraient procéder à un ajustement budgétaire prononcé qui pèsera sur la croissance économique. On s’attend maintenant pour ces pays à une croissance de 4 ½ % en 2015, en retrait d’environ 2½ points de pourcentage par rapport aux prévisions d’il y a six mois.

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Les déficits budgétaires devraient rester élevés ou se creuser dans plusieurs pays. Dans les pays exportateurs de pétrole, les efforts d’ajustement des finances publiques ne compenseront qu’en partie les effets de la chute des cours du pétrole, tandis que dans certains autres pays les déficits budgétaires devraient rester proches de leur niveau élevé de 2014. Dans les pays touchés par la crise Ébola, la détérioration de la situation budgétaire fait suite aux efforts qui ont été déployés pour lutter contre l’épidémie.

Aléas négatifs

Dans ce contexte, divers aléas négatifs pèsent sur les perspectives de la région. Les pays fortement tributaires des financements extérieurs pour combler leurs importants déficits sont vulnérables à une forte hausse des coûts de financement, que pourrait provoquer, par exemple, la normalisation de la politique monétaire aux États-Unis.

La faiblesse persistante de l’activité en Europe et au Japon ainsi qu’un ralentissement brutal de la croissance en Chine pourraient aussi faire baisser la demande de produits subsahariens, ce qui freinerait encore la croissance économique et aggraverait les déséquilibres budgétaires de la région. Parallèlement, si l’appréciation du dollar se poursuit, les importations deviendront plus chères, l’investissement et la croissance accuseront un repli et les pressions inflationnistes s’accentueront.

La région est aussi exposée à des risques qui lui sont propres. Les menaces liées à l’insécurité sont récemment passées sur le devant de la scène dans plusieurs pays. Si ces risques devaient s’amplifier, ils pèseraient lourdement sur les finances publiques, freineraient la croissance et décourageraient les investisseurs nationaux et étrangers. En outre, les élections prévues dans plusieurs pays en 2015 pourraient compliquer la mise en œuvre de mesures délicates du point de vue politique; enfin, même s’il semble que l’épidémie de fièvre Ébola soit en voie d’être maîtrisée, la situation demeure précaire.

Ajustement budgétaire et diversification économique

À court terme, confrontés à un choc de grande ampleur et ne disposant que d’un volume limité de réserves extérieures et d’épargne budgétaire, les pays exportateurs de pétrole n’auront d’autre choix que de procéder à un ajustement budgétaire. Là où cela est possible, il importera de laisser de la souplesse au taux de change pour préserver les réserves extérieures limitées. En outre, le niveau bas des cours du pétrole offre une occasion unique de mettre en œuvre dans toute la région les réformes des subventions énergétiques, difficiles à faire accepter sur le plan politique en temps normal.

Le choc actuel rappelle avec force qu’il est nécessaire de diversifier plus rapidement les économies. À cette fin, il reste essentiel de s’attaquer au déficit d’infrastructures pour permettre à de nouveaux secteurs à plus forte productivité de se développer et pour parvenir à une croissance soutenue, vigoureuse et solidaire. Cela dit, en accroissant leurs dépenses d’investissement, les pays ne doivent pas perdre de vue la nécessité de préserver la viabilité de la dette.

Tirer parti du dividende démographique

Le rapport sur les Perspectives économiques régionales comprend aussi deux chapitres analytiques qui examinent comment la région pourrait tirer parti des évolutions démographiques en cours et comment elle pourrait s’intégrer davantage au commerce international.

Le premier chapitre considère les conséquences de l’augmentation rapide de la population subsaharienne, qui devrait, d’après les projections, atteindre 2 milliards de personnes à l’horizon 2050 et 3,7 milliards de personnes en 2100. La région deviendra ainsi la principale source d’augmentation nette de la main-d’œuvre à l’échelle mondiale au cours des vingt prochaines années. L’expérience de l’Asie de l’Est et de l’Amérique latine, qui ont connu des transitions similaires dans le passé, indique que ces évolutions pourraient rapporter un précieux «dividende démographique».

Cependant, l’ampleur de ce dividende dépendra largement de la rapidité de la baisse des taux de fécondité et de la solidité des mesures d’accompagnement. Il apparaît que le dividende sera d’autant plus élevé que l’action des pouvoirs publics sera concentrée sur un ensemble de mesures complémentaires, visant notamment à encourager le développement du secteur privé en dehors de l’agriculture, combler les déficits d’infrastructures et de capital humain, remédier aux rigidités du marché du travail et favoriser le développement des liens commerciaux.

Le surcroît d’épargne intérieure résultant de la transition démographique, mobilisé de façon appropriée, pourrait aussi stimuler l’investissement et la croissance économique. Grâce à la mise en œuvre de ces politiques, le PIB par habitant de l’Afrique subsaharienne pourrait augmenter de 50 % d’ici à 2050.

Une meilleure intégration dans les chaînes de valeur mondiales

Le second chapitre analytique examine le degré d’intégration de l’Afrique subsaharienne dans l’économie mondiale, en s’intéressant tout particulièrement au commerce international et à la participation aux chaînes de valeur mondiales. Il en ressort que l’Afrique subsaharienne s’est nettement ouverte au commerce depuis les années 1990, en nouant de nouveaux partenariats avec la Chine et d’autres pays émergents et en développant les échanges commerciaux à l’intérieur de la région. Cependant, si le commerce a été un puissant moteur de croissance économique, la productivité a moins progressé que dans les autres régions.

Il existe encore un énorme potentiel pour approfondir l’intégration commerciale aux niveaux régional et mondial. Même si l’on tient compte de facteurs tels que les bas niveaux de revenu, la taille plus petite des économies et les distances, les échanges commerciaux en provenance d’Afrique subsaharienne sont nettement moins développés que dans le reste du monde.

De même, la région a encore beaucoup à faire pour mieux s’intégrer dans les chaînes de valeur mondiales — un processus qui est associé dans d’autres régions à une accélération de la croissance au fil des ans. Dans les pays dont l’intégration aux chaînes de valeur a le plus progressé, ce sont l’industrie manufacturière, l’agriculture et l’agro-industrie, le tourisme et les transports qui ont été les principaux vecteurs d’intégration.

Les auteurs soulignent que, pour exploiter ce potentiel et mettre à profit les avantages comparatifs de la région, il est nécessaire de combler le déficit d’infrastructures, de réduire les obstacles tarifaires et non tarifaires, d’améliorer le climat des affaires ainsi que l’accès au crédit, et de rehausser la qualité de l’éducation.