Finir le travail : Repenser le secteur financier pour la stabilité et la croissance Dialogue annuel des leaders organisé par le Süddeutsche Zeitung Allocution de Christine Lagarde Directrice générale du Fonds monétaire international

le 8 juin 2012

Dialogue annuel des leaders organisé par le Süddeutsche Zeitung
Allocution de Christine Lagarde Directrice générale du Fonds monétaire international
New York, Vendredi 8 juin 2012

Texte préparé pour l’intervention

Bonsoir. C’est pour moi un réel plaisir d’être parmi vous. Je voudrais tout d’abord remercier les organisateurs de cette rencontre, le Süddeutsche Zeitung, l’Atlantic Council et Roland Berger Cnosultancy Je tiens aussi à remercier très sincèrement Wolfgang Krach et Martin Wittig pour les propos élogieux qu’ils viennent d’avoir à mon endroit, ainsi que Fred Kempe, l’animateur de notre forum ce soir, ainsi que

Cette réunion devait se tenir plus tôt dans l’année comme Wolfgang l’a souligné en faisant allusion au thème qui avait été initialement choisi pour mon intervention. Nos hôtes ont bien voulu accepter de modifier les dispositions prises afin que nous puissions nous retrouver ici ce soir. Je veux encore une fois les en remercier.

Le moment où nous tenons cette rencontre est peut-être fortuit mais il est particulièrement opportun. Aujourd’hui, l’idée-maîtresse du Dialogue des leaders — la nécessité de renforcer la concertation et la coopération transatlantique de politique générale — est plus que jamais à l’ordre du jour.

Un peu plus de cinq après le début de la crise, notre objectif ultime qui est de rétablir la stabilité et de renouer avec la croissance, ainsi que notre volonté politiques sont de nouveau mis à l’épreuve. Il n’empêche que plus nous surmontons des épreuves, plus clairement se dessinent devant nous le chemin restant à parcourir. Pour reprendre les mots de Martin Luther King Jr., «C’est dans l’obscurité qu’apparaissent les étoiles».

Chacun dans sa position peut voir une constellation d’étoiles différente. Mais quel que soit l’angle sous lequel nous nous plaçons, la constellation financière doit être là pour éclairer le firmament. Pour sortir de l’obscurité de la crise, il nous faut renouer les fils de l’intermédiation financière. Pour ouvrir la voie à des lendemains meilleurs, nous devons faire en sorte que le secteur financier soutienne l’économie réelle.

Permettez-moi donc d’aborder, avec vous, trois thèmes qui me paraissent essentiels :

  • Premièrement, où en sommes-nous et où en est l’économie mondiale?
  • Deuxièmement, il nous faut rompre les cycles dévastateurs qui nous freinent;
  • Troisièmement, le rôle central du secteur financier dans le rétablissement de la stabilité et l’enracinement de la croissance.

I. Évolution de l’économie mondiale

Permettez-moi de commencer par un bref aperçu général de l’évolution économique dans le monde. Les nouvelles ne sont hélas pas très bonnes. L’économie mondiale cherche toujours à se relever de la crise, dans un environnement extrêmement difficile. Des mesures volontaristes, notamment de la BCE et des partenaires clés en Europe, ont permis un certain répit en début d’année, en évitant une crise bancaire plus grave.

Ces progrès sont maintenant mis à rude épreuve. Les progrès accomplis sont très fragiles et dépendent de la poursuite des mesures engagées. Plus inquiétant encore, des signes de recul apparaissent, qui rappellent les tensions de la fin de l’année dernière.

De récents événement le soulignent bien. L’incertitude et la situation de tension à l’approche des élections en Grèce. L’Espagne et d’autres pays en Europe connaissent un regain de pression des marchés. Et ici aux États-Unis, les derniers chiffres de la croissance et de l’emploi ont été décevants.

Il n’y a pas de doute que les risques qui entourent l’économie mondiale s’exacerbent.

La crise de la zone euro reste la menace la plus immédiate et la plus grave, et le risque de dégradation des conditions n’est pas à exclure.

Ici aux États-Unis, le bord du « précipice budgétaire » se rapproche dangereusement, avec l’expiration des réductions d’impôt et le déclenchement automatique des réductions de dépenses qui devraient démarrer l’année prochaine selon les textes en vigueur. Appuyer brutalement et trop fermement sur les freins budgétaires risque de compromettre la reprise.

Dans le même temps, l’absence de progrès dans la mise en place de plans ambitieux et crédibles à moyen terme en vue d’abaisser le ratio dette publique/PIB aux États-Unis et au Japon pourrait porter préjudice à la confiance.

Outre ces préoccupations, je citerais deux autres dangers en recrudescence : le risque d’une nouvelle flambée des prix du pétrole le risque d’éclatement de la bulle du crédit dans certains pays émergents.

Les risques sont encore plus inquiétants alors que partout à travers le monde, je constate une montée des tensions sociales — passant du chômage élevé, de la montée des inégalités et du sentiment d’injustice qui se dégage de la répartition de l’ajustement.

Pourquoi ce regain de tensions ? Le manque de clarté et de confiance quant à l’orientation et à l’efficacité des politiques est un facteur important. Oui, les ripostes à la crise ont été jusqu’à présent volontaristes, généralement réactives et rarement anticipatives, plus partielles que globales.

L’histoire nous enseigne que dans les moments de grande incertitude, les décideurs doivent, par leurs actions, montrer la voie aux marchés et non laisser les peurs du marché guider les politiques à mener. Nous devons en tirer les leçons dès à présent.

II. Rompre avec les cycles qui perpétuent la crise

Ceci m’amène au deuxième thème que j’ai évoqué — la nécessité de mettre fin aux cycles dangereux qui nous plonge dans une crise perpétuelle.

L’un des cycles est économique. L’exacerbation mutuelle des dettes souveraines de qualité médiocre, des banques en situation précaires et d’une croissance atone a pour effet de propager la dégradation d’un domaine à l’autre.

Ce soir, j’ai aussi un autre cycle à l’esprit : celui de l’économie politique. Il s’agit d’un cycle combien familier depuis le début de la crise, tel un film que nous n’avons que trop vu.

Il se présente un peu comme ceci. Les tensions s’exacerbent et par la force des choses, les décideurs sont amenés à prendre des mesures, mais juste assez pour atténuer le danger. Puis le sentiment d’urgence se perd, la dynamique s’estompe et le discours politique amorce un repli excessif sur les considérations de politique intérieure au détriment des enjeux globaux. C’est alors que les tensions réapparaissent.

Mais avec le passage de chaque cycle, nous atteignons des degrés d’incertitude de plus en plus grands ce qui accroît les enjeux. À ce point, la stabilité est remise en cause, tout comme la croissance. Dans le cas de l’Europe, ces cycles menacent l’existence même du projet européen.

Nous devons rompre les deux cycles pour venir à bout de la crise. Et l’un ne peut se produire sans l’autre.

Pour y parvenir, le débat politique doit aller au-delà des fausses dichotomies de la croissance par opposition à l’austérité, de la stabilité contre les perspectives d’avenir, de l’intérêt national opposé à celui de la communauté internationale dans son ensemble.

Nous devons nous accorder sur une stratégie globale qui soit propice tant à la stabilité qu’à la croissance. Il faut une action concertée pour appuyer cette stratégie, et cela, dès maintenant.

Permettez-mois de décrire ici les principaux fondements d’une telle stratégie.

En premier lieu, les politiques macroéconomiques doivent être de nature à épauler la reprise et à remédier aux causes profondes de la crise.

  • La politique monétaire doit rester éminemment axée sur la relance. Les banques centrales et la BCE en particulier, doivent poursuivre le desserrement des conditions monétaires et se tenir prêtes à recourir à des outils novateurs pour alléger les tensions et fournir des financements pour résoudre les difficultés de liquidité.
  • La dette publique reste trop élevée et il appartient aux pays d’établir des feuilles de route crédibles et ambitieuses pour abaisser leurs niveaux d’endettement sur le moyen terme. Pour l’essentiel, cet ajustement devrait être progressif et constant, à moins que les pays ne soient forcés par les marchés à accélérer le rythme, ce qui est à l’évidence le cas dans plusieurs pays de la zone euro. Si la croissance fléchit par rapport aux prévisions, les pays doivent s’en tenir à l’annonce de mesures budgétaires et éviter d’annoncer des objectifs budgétaires; comme le disent les économistes, il s’agit de laisser les stabilisateurs automatiques fonctionner.

Deuxièmement, il faut des mécanismes de gestion de crise plus efficaces. C’est là un impératif immédiat et surtout une question d’actualité pour la zone euro. Mais à plus grande échelle, un effort collectif s’impose pour renforcer le dispositif de protection financière mondial. À cet égard, je me félicite de l’augmentation – de 430 milliards de dollars EU – des ressources du FMI.

Troisièmement, nous devons résolument faire progresser les réformes structurelles. À titre d’exemple, je citerai les réformes du marché du travail et des marchés des produits qui peuvent porter le flambeau de la croissance au-delà du soutien immédiat des politiques macroéconomiques.

À bien des égards, le secteur financier est au cœur de ces deux derniers enjeux. La crise mondiale a peut-être été plus qu’un phénomène purement financier, mais les prochaines étapes que nous franchirons dans le secteur financier seront déterminantes pour rompre les cycles dommageables de la crise.

III. Penser le secteur financier pour renforcer la stabilité et la croissance

Ainsi, penser le secteur financier pour mieux épauler la stabilité et la croissance constitue le troisième volet de mon propos. Permettez-moi d’entrer un plus dans le détail ici.

Nous savons tous que la vivacité du secteur financier est à la base de la phase d’expansion qui a précédé la crise. Mais nous n’avons peut-être pas tous pris la pleine mesure de son importance dans la phase d’expansion et les causes de l’effondrement. Nous en avons à présent une conscience aigüe, ayant fait la douloureuse expérience de la façon dont le système financier peut être un facteur d’instabilité qui agit au détriment plutôt qu’en faveur de l’économie réelle.

Dans une grande mesure, ceci dénote la taille sans cesse croissante du système, sa complexité accrue et, peut-être surtout, le degré d’interconnexions, autant de facteurs qui amplifient les effets du moindre faux-pas

L’analyse d’une dizaine de cas de crises effectuée par le FMI montre que les actifs des cinq plus grands établissements financiers de chaque pays dépassaient 300 % du PIB avant la crise. Ce chiffre est stupéfiant à tous égards, et il continue de croître.

Ne perdons pas de vue la question fondamentale : Quel est notre objectif ultime pour le système financier? Il est de bâtir un système au service de la croissance qui n’échappe pas à tout contrôle. Un système qui rassemble emprunteurs et prêteurs dans un cadre qui soit sûr et mais qui n’échappe pas à tout contrôle. Un système porteur de rentabilité, assurément, mais sans que cela soit au détriment de la stabilité.

Cinq ans après le début de la crise où en sommes-nous par rapport à l’objectif fixé? Je dois hélas le dire sans détour. Nous sommes encore très loin du but. Et avec la montée des enjeux à laquelle nous assistons de jour en jour, nous sommes arrivés à un moment décisif. Les décideurs doivent définir et respecter une feuille de route précise sur la façon de mener à bien la tâche, pas seulement à l’horizon des cinq ou dix prochaines années, mais aussi pour les semaines et les mois qui viennent.

Deux dimensions importantes me semblent essentielles et urgentes : a) le renforcement des outils de gestion de crise; et b) le renforcement de l’architecture d’ensemble du système.

A. Le renforcement des outils de gestion de crise

Une attention immédiate doit être accordée au rétablissement de la santé du système financier. Sans cela, les banques fragiles continueront d’étouffer la croissance.

Les banques européennes sont l’épicentre de nos préoccupations actuelles et leur remise en état doit être la priorité. Mais cela ne signifie en aucun cas qu’il faille en perdre de vue les répercussions dans le monde interconnecté dans lequel nous vivons.

Les banques des États-Unis peuvent apparaître en meilleure santé au stade actuel de la crise et leurs relations avec les banques en Europe moins étroites qu’avant la crise, mais ces liens existent toujours. On peut en dire de même pour les banques en Asie et en Amérique latine. C’est pourquoi je ne cesse de répéter le message suivant depuis quelques mois : nous avons tous intérêt à ce que les banques européennes soient remises sur pied.

Mais ne nous méprenons pas : c’est à l’Europe qu’il incombe avant tout de résoudre les problèmes de son système bancaire. En d’autres termes, il faut plus d’Europe et non moins. Moins d’Europe serait mauvais pour le continent européen et pour le monde. C’est donc aux décideurs européens qu’il appartient de prendre de nouvelles mesures pour asseoir l’union monétaire sur des bases plus saines.

Vous vous demandez peut-être pourquoi, avec toute cette incertitude, il est judicieux de mettre le paquet sur l’Europe.

La principale réponse est qu’un marché financier européen unique ne peut pas reposer sur des structures juridiques et institutionnelles qui fonctionnent à l’échelle nationale. Pour briser le cercle vicieux des risques financiers et souverains, il faut tout simplement que ces risques soient mieux répartis au sein du système bancaire qui ne connaît pas les frontières.

Qu’est-ce que cela signifie? Dans l’immédiat, on pourrait envisager de mettre en place pour l’ensemble de la zone euro une facilité habilitée à prendre des participations directes dans les banques. À plus long terme, l’union monétaire devra être doublée d’une véritable union financière, avec une supervision unifiée, une autorité unique de règlement des faillites bancaires avec des ressources communes et un fonds unique d’assurance des dépôts.

Ces efforts doivent aller de pair avec des initiatives allant dans le sens d'une intégration budgétaire plus poussée. En particulier, la zone euro doit franchir le pas en adoptant une formule de répartition des risques budgétaires. Parmi les possibilités envisageables, il y a l'émission d'obligations communes ou un fonds de rachat des dettes. Cela permettrait d’organiser un soutien collectif avant que l'effondrement économique d'un pays ne se transforme en crise coûteuse pour l'ensemble de la zone euro.

De plus, du côté positif, la rupture de l'enchaînement des risques souverains et financiers permettra aux établissements financiers de fournir du crédit et, partant, de générer de la croissance et des emplois.

B. Une meilleure architecture financière

Cela m'amène à la deuxième partie de la feuille de route pour le secteur financier. Comment créer une meilleure architecture financière?

Comme pour tant de choses dans la vie, tout est question d'équilibre. Certes, nous avons besoin de garde-fous réglementaires qui empêcheront le système financier de courir à sa perte. Mais en même temps, il faut que la route soit assez large pour que l'innovation et les marchés fassent avancer l'économie. Encore que ce ne soit pas forcément une mauvaise chose que la route soit un peu moins encombrée de grosses cylindrées de luxe!

Je sais que c'est un sujet qui fâche beaucoup d'intervenants du secteur. Certains se disent préoccupés par le coût des changements réglementaires et par le fait qu'ils risquent de freiner la croissance au pire moment.

Une fois encore, c'est une question d'équilibre. Une réglementation intelligente n'est pas forcément punitive. Selon certaines estimations, les réformes réglementaires pourraient amputer la croissance de 3 %. Les estimations officielles laissent entrevoir un chiffre beaucoup plus bas.

Le FMI examine aussi cette question. D'après les premiers résultats de nos études, l'impact sur la croissance sera relativement faible, surtout si on le compare aux conséquences douloureuses et persistantes de la crise, et en particulier aux dégâts que pourrait provoquer une autre crise. On peut chipoter sur les chiffres, mais une chose est certaine, c'est que les avantages de la stabilité l'emportent sur les coûts d’une crise.

À la grande question de savoir si le système est nettement plus sûr aujourd'hui qu'avant la faillite de Lehman Brothers, je réponds : non, pas encore.

Une citation tout à fait adaptée de Mark Twain me vient à l'esprit : «Le danger, ce n'est pas ce qu'on ignore, c'est ce que l'on tient pour certain et qui ne l'est pas».

La perte récente de JP Morgan soulève encore beaucoup de questions. Pourtant, on devrait la considérer comme un coup de semonce. C'est un rappel que ce que nous tenons parfois pour certain ne l'est pas toujours. Elle fait fi de l'idée que le système est devenu moins compliqué, de l'idée que le système est beaucoup plus sûr. Elle révèle les complexités et le manque de transparence qui subsistent. Elle révèle qu'il reste encore beaucoup trop de risques.

Prenons l'exemple du marché des produits dérivés. En 2011, l'encours des produits dérivés négociés de gré à gré étaient de 648.000 milliards de dollars, c'est-à-dire pas très loin des 673.000 milliards de dollars d'avant la crise. C'est un chiffre qui laisse perplexe.

Bref, en ce qui concerne la réforme du système financier, on ne peut pas parler de «mission accomplie». Il serait plus juste de parler de «mission à accomplir».

Alors, que faut-il faire? Trois impératifs : réglementation, supervision et incitations.

Une meilleure réglementation

Sur le plan de la réglementation, il faut être juste, des progrès sensibles ont été réalisés concernant les règles imposées aux banques.

L'accord de Bâle III qui vise au renforcement qualitatif et quantitatif des fonds propres et dont la mise en œuvre est imminente, est une grande réussite. Les normes de liquidités convenues au niveau international, qui mettent l'accent davantage sur la liquidité et moins sur la symétrie des échéances, constituent aussi un pas dans la bonne direction.

Je suis aussi avec beaucoup d'intérêt l'idée de mettre en place des sortes de «testaments de vie», c’est-à-dire des plans de redressement pour les grands établissements financiers dans l'esprit de la loi Dodd-Frank. Ils pourraient offrir un moyen important pour faire face au coût potentiel et aux effets de contagion d'une défaillance des établissements «trop importants pour faire faillite».

Il nous appartient de mettre en œuvre dès maintenant ce qui a été convenu — et d'avancer sur ce qui ne l'a pas été. Sous l'effet du durcissement de la réglementation bancaire, l'activité se déplace vers des coins plus troubles du secteur financier. Nous devons donc surveiller, voire réglementer, un périmètre plus large qui englobe les activités bancaires parallèles.

Nous devons aussi braquer les projecteurs sur le marché des produits dérivés et en déplacer les opérations vers des chambres de compensation centrales. La collecte d'informations de meilleure qualité sur qui doit combien et à qui aidera les organes de réglementation à mieux s'acquitter de leur mission. C'est exactement le type d'informations qui faisaient défaut après la faillite de Lehman Brothers.

Le risque est bien sûr de créer trop de chambres de compensation centrales et, de ce fait, de fragmenter et diluer la valeur des informations qu'elles collectent. Il faut donc que cela soit fait à l'échelle mondiale et de façon coordonnée, en établissant un petit nombre de chambres de compensation inexpugnables pour aider à abaisser le risque global sur ces marchés.

Une supervision renforcée

Une meilleure réglementation ne peut être qu'un élément de la solution. Vous pouvez avoir les meilleures règles du monde, mais si elles ne sont pas appliquées comme il faut, elles ne valent pas grand-chose. Pour que le système financier soit plus sûr, il faut aussi qu'existent la capacité et la volonté d'appliquer ces règles.

Quand on y réfléchit, une autorité de supervision financière a un rôle assez unique. Elle est à la fois sage-femme, parent, tuteur, policier, juge et croque-mort! Ce sont là de lourdes responsabilités.

Pour accomplir leur tâche avec efficacité, les organes de supervision doivent avoir l'autorité juridique requise et des ressources suffisantes. À vrai dire, nous avons besoin de personnes capables et qualifiées qui pourront affronter pied à pied les armées de lobbyistes. Le mandat des autorités de supervision doit être clairement défini et elles doivent pouvoir agir en toute indépendance, sans ingérence du monde politique ou de la finance. Au fond, elles doivent jouir de la même autonomie et du même prestige que les gouverneurs de banque centrale!

Incitations pour le secteur privé

Et il va de soi que nous avons aussi besoin des bonnes incitations, d'un cadre de responsabilité pour le secteur privé.

Les décideurs ainsi que les organes de réglementation et de supervision ne peuvent pas, et ne doivent pas, être les seuls à devoir apporter des solutions. La valeur sociale du système financier dans son ensemble s'accompagne d'une importante responsabilité sociale.

Les établissements financiers eux-mêmes ont aussi un rôle important à jouer. Ils doivent mettre en place des systèmes de gouvernance interne de la plus haute qualité. Ils doivent améliorer leurs pratiques en matière de gestion des risques et se doter de gestionnaires de risques habilités à rendre compte directement au sommet. Ils doivent enfin faire preuve d'une plus grande prudence en matière de rémunération, en veillant à ce que les incitations ne prennent plus la forme de récompenses immédiates mais répondent davantage à des considérations de viabilité à long terme. Je pense là aussi aux voitures de luxe!

Je crois aussi que le système fiscal doit faire plus pour décourager la prise de risques excessifs dans le secteur financier et faire en sorte que celui-ci apporte une contribution appropriée aux recettes publiques. Des progrès ont été accomplis au cours des deux dernières années, notamment avec l’instauration de prélèvements sur les banques dans certains pays. Pourtant, près de deux ans après le rapport du FMI au G-20, il reste beaucoup à faire sur le dossier de la fiscalité du secteur financier.

Ensemble, ces trois piliers — réglementation, supervision et incitations pour le secteur privé — sont comme les trois pieds d'un même tabouret. Pour qu'il soit solide et stable, il faut que les trois pieds soient bien en place.

Imaginons maintenant qu’une banque vraiment grande est assise sur ce tabouret et que l'un des pieds se casse. Que se passe-t-il?

Ce dont nous avons besoin, c'est d'un mécanisme efficace pour régler la situation des établissements financiers défaillants qui opèrent dans plusieurs pays. Ce mécanisme doit comporter au moins deux éléments : des arrangements entre établissements financiers prévoyant qu'ils coopèrent en cas de faillite et des lois nationales qui permettent aux organes de réglementation de différents pays d'agir de façon collective.

De cette manière, les faillites causeraient moins de perturbations et seraient moins coûteuses. Par exemple, un aspect important serait de permettre aux établissements financiers d'importance systémique de continuer à fonctionner pendant leur liquidation.

Les premières mesures dans ce sens ont déjà été prises. Un grand nombre de pays ont souscrit aux normes proposées par le Conseil de stabilité financière pour assurer l’efficacité des régimes de règlement des faillites. Cela dit, en tant que normes, elles n'ont qu'une valeur indicative. Et, comme dans beaucoup des domaines dont j'ai parlé ce soir, ce qui reste à faire, c'est de s'entendre sur des règles et de les appliquer.

J'ajouterais un autre impératif : la rapidité.

***

En somme, quelles sont les caractéristiques fondamentales de cette feuille de route pour le système financier? Compte tenu de la taille, de la complexité et des interconnexions du système, nous avons besoin de cohérence, de coordination et de coopération à travers les établissements, les marchés et les frontières.

Si la cohérence fait défaut, il y a rupture. Si l'information n'est pas partagée par tous les pays, il y a rupture. C'est le maillon le plus faible qui détermine la solidité du système dans son ensemble.

Je dirais donc que, ce soir, mon principal message est le suivant : nous devons finir le travail.

***

Avant de conclure, je voudrais dire quelques mots sur le rôle du FMI dans ce domaine. Ces quelques dernières années, nous nous sommes attachés à améliorer notre travail sur le secteur financier et nous continuerons à nous efforcer d’être encore meilleurs.

Les évaluations de la santé du secteur financier font partie de nos activités fondamentales, au niveau de chaque pays par l'intermédiaire du Programme d'évaluation du secteur financier et, au niveau international, par le biais de notre Rapport sur la stabilité financière dans le monde. Nous participons aussi un effort collectif plus large — avec le G-20 et le Conseil de stabilité financière — qui vise à rapprocher les politiques en matière de réglementation et de supervision de notre but ultime.

Conclusion

Juste quelques mots pour conclure. Le climat d'aujourd'hui est caractérisé par une aggravation incontestable des risques. Or, dans notre monde interconnecté, il incombe à chacun d'entre nous d'agir dans l'intérêt commun. C'est le seul moyen de dépasser les risques d'aujourd'hui pour atteindre demain la récompense d'une croissance et d'une stabilité durables.

Cela est vrai dans tous les domaines de l'action publique, mais

Comme l’a dit Albert Camus, «la vraie générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent».

C'est dans cet esprit que nous devons œuvrer tous ensemble, dès maintenant, à la transformation et au rééquilibrage du système financier, pour qu'il ne soit plus source d'instabilité. Pour qu'il soit source de stabilité et de croissance. Pour qu’il permette d'atteindre les objectifs que nous avons tous en commun — dans l'intérêt du monde entier.

Je vous remercie.

DÉPARTEMENT DE LA COMMUNICATION DU FMI

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