Un nouveau cycle de négociations commerciales: la perspective du FMI -- Allocution de Michel Camdessus, Directeur général du Fonds monétaire international

le 30 novembre 1999

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99/25 (F) Allocution de Michel Camdessus
Directeur général du Fonds monétaire international
À la troisième conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce
Seattle, États-Unis
Le 30 novembre 1999

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames, Messieurs, c'est pour moi un honneur et un plaisir de prendre la parole à cette troisième conférence ministérielle de l'OMC, d'autant que cela me donne l'occasion de féliciter Mike Moore, qui prend ses fonctions à la tête de l'organisation à un tournant crucial de l'histoire du commerce mondial.

L'une des missions du FMI, aux termes de ses Statuts, est de «faciliter l'expansion et l'accroissement harmonieux du commerce international et de contribuer ainsi au maintien de niveaux élevés d'emploi et de revenu réel». Ce but, nous le poursuivons au travers de notre dialogue avec nos pays membres, tout en recherchant des synergies essentielles avec l'OMC et la Banque mondiale. Nos trois institutions travaillent ensemble pour promouvoir l'expansion du commerce mondial, certes, mais aussi pour veiller à la cohérence des décisions de politique économique dans le monde entier. La déclaration conjointe1 des dirigeants des trois institutions montre assez combien il est important d'intégrer étroitement nos efforts pour promouvoir tout à la fois des stratégies de développement globales, un système commercial multilatéral solide et un système monétaire et financier international robuste.] Mais cette collaboration n'est qu'un aspect d'une cohérence plus générale, perceptible dans les choix économiques de tous les membres de la communauté internationale, qui conçoivent les politiques commerciale, macroéconomique, financière et de développement comme un tout qui se tient.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je suis sûr que vous en conviendrez avec moi, nous avons aujourd'hui une occasion extraordinaire de progrès. La crise, si menaçante il y a un peu moins d'un an, s'est maintenant dissipée, plus vite que nous n'osions l'espérer, et le moment ne saurait être plus propice pour engager des actions de vaste portée afin de garantir le développement durable et la stabilité de l'économie internationale. Il est donc de notre devoir de donner à tous les pays les moyens de réaliser leur potentiel. Cela n'est possible que dans un contexte de croissance. L'expansion du commerce international a été l'un des principaux moteurs de la croissance économique tout au long de l'extraordinaire demi-siècle qui s'achève, et la poursuite de cette expansion ne peut que contribuer à soutenir la croissance et à faire reculer la pauvreté, dans le monde entier.

Notre monde a besoin d'un nouveau cycle de négociations multilatérales aux objectifs ambitieux, et ce pour trois raisons fondamentales : pour étayer la reprise de l'activité économique mondiale; pour encourager la poursuite de la réforme du système monétaire et financier international et pour donner un élan décisif à l'offensive mondiale contre la pauvreté. La communauté internationale a déjà engagé de nombreuses initiatives en ce sens, dans un esprit de coopération et de concertation, et avec la pleine conscience qu'il est dans son intérêt bien compris de renforcer le système monétaire et financier international. C'est ce même esprit qui devra animer le nouveau cycle de négociations commerciales, pour continuer le travail de consolidation de l'économie internationale. Permettez-moi de développer brièvement ce thème.

En premier lieu, nous observons une reprise conjoncturelle dans de nombreuses parties du monde. Cette reprise doit être soutenue et élargie. C'est l'occasion rêvée de la consolider et de la prolonger pour atteindre de nouveaux niveaux de croissance et de développement. Mesdames et Messieurs les Ministres, vous savez--et vous avez prouvé--que le commerce favorise la croissance, et le transfert des connaissances et des technologies. Bref, l'ouverture économique est la clé de la prospérité. Quel que soit leur stade de développement, les pays l'ont démontré à l'envi : ils ont pu rechercher cette ouverture dans le cadre multilatéral négocié de l'OMC, ou par des initiatives unilatérales, à l'instar des nombreux pays en développement, en transition ou émergents qui ont manifestement compris les avantages d'un commerce international plus libéral. Le commerce a été le principal moteur de la croissance mondiale. Tous les pays qui ont connu une expansion rapide durant les 50 dernières années la doivent à leur choix stratégique de s'intégrer dans l'économie mondiale, en axant leur effort sur les échanges commerciaux. Et nous pouvons nous féliciter de ce que, même au plus fort de la crise récente--sans aucun doute l'une des plus périlleuses de l'histoire du dernier demi-siècle, pour la prospérité des nations et du monde--les pays ont résisté à la tentation protectionniste. Mais il ne faut pas en rester là et il est désormais nécessaire d'aller au-delà de la résistance passive au protectionnisme et d'engager un ambitieux cycle de libéralisation commerciale.

Deuxième point, une vaste libéralisation des échanges est un élément indispensable pour édifier un système économique mondial robuste et durable. Sans le fondement d'un commerce plus libéral, les efforts que déploient les gouvernements nationaux et les organisations multilatérales pour renforcer l'architecture monétaire et financière internationale ne porteront pas tous leurs fruits. Nous cherchons à mettre sur pied un système monétaire et financier international qui favorise la circulation libre, mais ordonnée des capitaux, et qui repose à la fois sur de solides systèmes financiers nationaux, et sur le principe de l'équité et de la transparence des politiques économiques. Mais un monde où la plus grande mobilité des capitaux ne va pas de pair avec un régime de plus en plus ouvert et libre--et donc efficient--du commerce des biens et services est un monde qui risque davantage de connaître des crises a répétition.

Pour prendre un exemple précis, songeons à ce que le monde pourrait avoir à gagner d'un cycle de négociations favorisant une libéralisation plus poussée du commerce des services financiers, et inscrivant cette libéralisation dans un cadre institutionnel mieux adapté. La concurrence sur le marché des services financiers, notamment la concurrence étrangère, encadrée par un appareil de réglementation et de contrôle moderne et efficace, est une source vitale de dynamisme pour les secteurs financiers nationaux. En encourageant la modernisation et l'adoption de normes internationales et de bonnes pratiques de gestion du risque, ce nouveau cycle commercial peut contribuer directement à stabiliser le système international.

Troisièmement--et si je ne devais insister que sur un point, ce serait celui-ci--le commerce, parce qu'il favorise une croissance de haute qualité, est crucial pour faire durablement reculer la pauvreté. Car on peut voir dans la pauvreté la menace systémique ultime. Mesdames et Messieurs les Ministres, vos gouvernements sont résolus à aider les pays en développement, en particulier les plus pauvres, à s'intégrer plus complètement dans l'économie internationale, de manière à favoriser leur croissance soutenue et leur développement. À cette fin, la communauté internationale a chaudement approuvé l'aménagement de l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). Rendez-vous compte : sur les 135 membres que compte l'OMC, 74 ont apporté leur soutien à l'Initiative PPTE. Vos gouvernements ont décidé en outre d'un commun accord de créer la nouvelle facilité du FMI, pour la réduction de la pauvreté et la croissance, qui a pour unique objet de répondre aux besoins des plus pauvres. Et vos gouvernements se sont engagés à maintes reprises à réaliser au cours des quinze années qui viennent un grand nombre de projets économiques et sociaux ambitieux visant à faire reculer la pauvreté, ainsi que je l'ai rappelé à l'Assemblée annuelle du FMI, il y a deux mois. Mais, même si ces initiatives sont menées à bon terme, elles perdront beaucoup en efficacité tant que les pays en développement ne se verront pas accorder l'opportunité essentielle entre toutes : celle de produire et d'exporter une large gamme de biens et de services, ce qui leur permettra d'importer davantage et, par-dessus tout, de parer à une nécessité absolue pour l'homme : trouver un emploi et gagner sa vie.

Pour toutes ces raisons, il faudra durant ce nouveau cycle de négociations prêter une attention particulière aux pays en développement et à leur intégration dans le système du commerce mondial. Leurs débouchés à l'exportation, pour leurs produits agricoles notamment, sont encore significativement restreints par les barrières que les pays industrialisés ont érigées pour défendre leurs marchés--par exemple, l'agriculture jouit dans les pays industrialisés d'une protection tarifaire cinq fois plus élevée que l'industrie manufacturière. Il faudra en priorité s'attacher à ouvrir sans restrictions les marchés à toutes les exportations des pays les plus pauvres, des plus lourdement endettés notamment, et à régler le plus rapidement possible les différends afin que ces pays puissent commencer sans délai à tirer parti des nouveaux débouchés. Ils représentent une part si infime du commerce mondial--moins de ½ %--que cela ne devrait pas coûter bien cher, ni bouleverser considérablement les échanges, de leur accorder de meilleures conditions d'accès aux marchés.

Pour conclure, je tiens simplement à insister sur le fait que seule une démarche véritablement intégrée -- affirmant les synergies des politiques commerciale, macroéconomique, financière et de développement -- nous permettra de progresser durablement dans la lutte contre la pauvreté, dont les enjeux sont cruciaux pour l'humanité en cette fin de XXe siècle. Travaillons ensemble à cette fin.


1Joint Statement by the Heads of the International Monetary Fund, the World Bank and the World Trade Organization, EDB/99/132 (30/11/99). Le texte anglais peut être consulté sur le site Internet du FMI (http://www.imf.org/external/np/sec/nb/1999/NB9978.HTM). Le texte français peut être consulté sur le site Internet de l'OMC (http://svca.wto-ministerial.org/french/press_f/press153f.htm).



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