Stabilité financière et activités bancaires panafricaines Conférence sur les activités bancaires transfrontalières et les réformes réglementaires

le 1 février 2017

Maurice

Introduction

Monsieur le Gouverneur Basant Roi, je vous remercie de votre aimable accueil, particulièrement en ce jour spécial où le pays commémore le anniversaire de l’abolition de l’esclavage. C’est un honneur pour moi d’être ici à Maurice à l’occasion de cette conférence sur les activités bancaires panafricaines. Mesdames, messieurs, bonjour et merci de vous être déplacés aussi loin pour participer à cette conférence.

Je tiens à remercier nos co-parrains, le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire et Making Finance Work for Africa. En faisant équipe, nous mettons l’accent non seulement sur l’importance de la rapide expansion des activités bancaires transfrontalières en Afrique, mais aussi sur les problématiques communes aux autorités bancaires du monde entier.

Je voudrais également exprimer toute ma gratitude à nos collègues du FMI, notamment à l’Institut de formation pour l’Afrique, pour l’organisation de cette conférence. Cet institut témoigne du profond engagement du FMI et du gouvernement mauricien à l’égard de l’Afrique. Je suis reconnaissante à notre pays hôte des ressources qu’il continue de consacrer à ce centre, dans l’intérêt de la région toute entière.

Je me rends chaque année dans plusieurs pays africains afin de mieux connaître l’une des régions les plus dynamiques et les plus diverses du monde, dans laquelle le FMI est profondément impliqué. Malgré le ralentissement économique actuel, je reste impressionnée par sa constante vitalité : des start-ups investissent dans l’avenir, des esprits novateurs créent des applications mobiles, des infrastructures se construisent, et la classe moyenne est en pleine expansion. J’ai eu l’honneur de rencontrer des gens issus de tous les horizons, qui construisent un avenir meilleur pour eux, mais aussi pour leur pays. Ils partagent une même vision du développement, qui repose sur une croissance robuste, durable et inclusive.

Vos pays partagent des espoirs similaires, au premier rang desquels celui de mettre en place des systèmes financiers fonctionnant bien, essentiels à la croissance en Afrique. Dans de nombreux pays, pourtant, l’accès aux services financiers reste limité.

Depuis la crise financière mondiale, les banques et autres institutions panafricaines sont devenues des pièces importantes du paysage financier continental. Elles constituent une preuve supplémentaire de l’évolution dynamique de la région. Ces institutions, dont certaines participent à cette conférence, ont comblé le vide laissé par le désengagement des banques européennes et américaines depuis la crise. Grâce à des produits et services de meilleure qualité, elles accompagnent la croissance des pays. Elles ont fait progresser l’intégration économique et ont contribué à promouvoir l’inclusion financière, et elles ont mis en valeur les outils technologiques, y compris ceux aux effets perturbateurs ; j’en veux pour preuve les avancées considérables de la banque mobile au Kenya.

Ce sont là d’importants acquis qui peuvent être source d’enseignements en dehors de l’Afrique.

Partout dans le monde, ces progrès confrontent les banques centrales et les autorités de contrôle bancaire à de nouveaux défis. La vigilance et la coopération seront nécessaires afin de garantir la stabilité et la résilience. L’expansion des banques panafricaines intervient dans un contexte d’évolution réglementaire à l’échelle internationale. Déclenché par la crise de 2008, ce processus de réforme vise à ériger des dispositifs de protection plus robustes face aux crises futures.

La tâche visant à préserver la stabilité financière échoit en grande partie au groupe rassemblé ici aujourd’hui. Les nouvelles exigences réglementaires nécessitent vos ressources et vos compétences. De plus, il vous est demandé de mettre en œuvre une coopération sans précédent avec les autres autorités de supervision africaines ainsi qu’avec les organismes de réglementation internationaux.

Qui plus est, vous devez réaliser le subtil dosage qui consiste à renforcer la réglementation et la supervision tout en tenant compte de la réalité locale dans l’application des normes internationales.

Heureusement, vous n’êtes pas livrés à vous-mêmes. Le FMI ainsi que d’autres organes sont conscients des défis auxquels vous êtes confrontés et sont déterminés à mettre leur expérience mondiale à votre service.

Aujourd’hui, je souhaiterais évoquer certaines des problématiques auxquelles vous faites face, en me concentrant sur les défis liés à la supervision des activités bancaires panafricaines dans le contexte international et sur le rôle du FMI dans cette entreprise.

  1. Les défis liés à la supervision des activités bancaires panafricaines

    Commençons par les questions d’ordre réglementaire. En tant que banquiers et contrôleurs bancaires, vous êtes conscients des vulnérabilités potentielles issues du ralentissement actuel de la croissance mondiale et régionale. La mutation du secteur financier africain au cours de la dernière décennie exige une vigilance renforcée.

    Les activités bancaires transfrontalières ont enregistré une expansion impressionnante. Dix banques africaines sont désormais implantées dans au moins dix pays du continent et l’une d’entre elles est présente dans plus de 30 pays.

    Cette expansion a inévitablement donné lieu à une complexité grandissante. Compte tenu de la diversité de régimes réglementaires entre pays se trouvant à des stades différents de leur développement financier, il n’est pas étonnant que la supervision des activités bancaires transfrontalières pose d’immenses défis. Il n’existe pas de normes de comptabilité et d’information harmonisées. Les carences statistiques sont nombreuses. Les lois nationales régissant le secret bancaire et les restrictions imposées aux flux d’informations entravent la coopération entre les autorités de supervision des pays d’origine et des pays hôtes.

    Il est capital de veiller à ce que la supervision s’effectue sur une base consolidée.

    Les sociétés holding bancaires ont leur siège dans un pays et leurs filiales dans la région sont soumises aux lois et réglementations des pays hôtes. Cette configuration confère une lourde responsabilité aux autorités chargées au premier chef de la supervision des holdings. Par ailleurs, il est essentiel que les pays hôtes soient informés et consultés, et que leurs autorités de supervision soient impliquées.

    Les dispositifs et mécanismes de résolution bancaire souffrent de lacunes dans de très nombreux pays, lacunes encore plus manifestes au niveau régional. Ces insuffisances prennent une dimension encore plus grande au regard du ralentissement marqué de la croissance africaine ces derniers temps.

    Je sais que tous les banquiers centraux, superviseurs et responsables bancaires ici présents sont parfaitement conscients de ces problèmes. D’ailleurs, vous avez déjà pris d’importantes mesures.

    Plusieurs d’entre vous, dont le pays abrite le siège de groupes bancaires panafricains, ont mis sur pied des collèges de surveillance. Grâce à ces organes, vous avez la possibilité de mener avec les superviseurs des pays hôtes une évaluation plus exhaustive des risques au cas par cas. Les superviseurs des pays d’origine doivent veiller au bon fonctionnement des collèges de surveillance. Ils doivent également s’assurer que les pays hôtes soient informés et régulièrement consultés. De leur côté, les superviseurs des pays hôtes doivent eux aussi jouer un rôle actif dans ce processus de collaboration. Les superviseurs des pays d’origine doivent mesurer l’impact de leurs décisions sur les pays hôtes de plus petite taille.

    Il est encourageant aussi de constater que les pays d’Afrique de l’Est ont élaboré un modèle pour l’harmonisation des données et pratiques de supervision dans le cadre des efforts qu’ils déploient pour créer une communauté économique intégrée.

    On ne peut que se réjouir de ces initiatives. Le défi consiste désormais à s’appuyer sur les réussites des pays où des mesures ont déjà été prises et à étendre ce travail à l’ensemble de l’Afrique subsaharienne.

  2. Activités bancaires transfrontalières : l’expérience internationale

    Tournons-nous maintenant vers le contexte international, car la problématique des activités bancaires transfrontalières ne se cantonne évidemment pas à l’Afrique. Près d’une dizaine d’années après la crise mondiale, les secteurs financiers demeurent fragiles sur l’ensemble de la planète et la communauté internationale reste attachée au travail de réforme.

    Ce processus est plus avancé dans d’autres régions, même s’il reste du chemin à parcourir. Cela dit, les réformes menées par l’Union européenne, par le Royaume-Uni et par les États-Unis peuvent fournir de précieux repères pour l’Afrique.

    Le FMI a consacré du temps et de l’énergie à ces activités. En outre, les travaux du Comité de Bâle sur la supervision bancaire consolidée et ceux du Forum conjoint sur le contrôle des conglomérats financiers ont été d’une grande utilité. Je me réjouis donc que le Gouverneur Stefan Ingves vienne nous présenter demain les expériences européennes et nordiques.

    Vous aurez bien entendu des échanges plus approfondis au sein des différents panels, mais je souhaiterais évoquer certaines des conclusions des travaux entrepris depuis 2008.

    Avant cela, permettez-moi cependant de dire une chose à propos des superviseurs bancaires. Ils se trouvent en première ligne à l’heure où le secteur bancaire connaît une rapide mutation. Leur travail nécessite tant un appui politique que des moyens suffisants.

    Il est toujours tentant d’assouplir la supervision lorsque la croissance économique inquiète les esprits et que les banques se retrouvent sous pression pour accroître le crédit. Mais ces assouplissements se font à nos risques et périls.

    L’expérience récente aux États-Unis et en Europe est riche d’enseignements du point de vue du calibrage de la réglementation mais aussi de l’engagement en matière de supervision. J’en soulignerai trois :

  • Premier enseignement : l’existence d’institutions complexes, notamment de groupes financiers transfrontaliers, nécessite des dispositifs de réglementation et de surveillance renforcés. La crise a mis en évidence que les instances de supervision n’avaient pas réussi à appréhender le profil de risque des établissements transfrontaliers. Ces derniers avaient accumulé des positions complexes sur les marchés, fait basculer des activités d’un pays à l’autre, et de par leur taille étaient devenus difficiles à gérer. Citons trois exemples : Royal Bank of Scotland, Lehman Brothers et, dans le secteur non bancaire, AIG. La réglementation et la supervision avaient été dépassées. Pour l’Afrique, cela signifie que les règles prudentielles applicables aux exigences de fonds propres et de liquidités doivent cadrer avec les risques identifiés au sein des groupes bancaires considérés. Cela passe par un plus grand partage d’informations entre superviseurs. Cela suppose également que ceux-ci jouissent des prérogatives et de la confiance nécessaires pour faire correctement leur travail, quitte parfois à s’opposer aux directions des banques.

  • Deuxième enseignement, que j’ai déjà évoqué : l’importance de la coopération entre superviseurs pour saisir et corriger les risques liés aux banques transfrontalières. Par exemple, un dialogue plus intense au plan international aurait pu aider à détecter l’accumulation de risques dans les banques islandaises et notamment les énormes asymétries entre les actifs en Islande et les dépôts et autres passifs dans d’autres pays. Il ressort de l’expérience de l’Islande et d’autres pays qu’il est nécessaire de mettre en place des collèges de surveillance capables de saisir les risques qui se dessinent et de définir la riposte appropriée.

  • Troisième enseignement : l’expérience nous montre qu’à un moment donné, tous ces efforts risquent de se révéler insuffisants. Afin d’éviter que les contribuables ne soient lourdement sollicités pour venir en aide au système bancaire, comme cela a été le cas durant la crise financière mondiale, il est indispensable de mettre en place des dispositifs robustes de résolution des établissements transfrontaliers qui confèrent aux organes de réglementation le pouvoir de déclarer la fermeture de banques. Les superviseurs doivent avoir la possibilité de travailler à l’échelle transfrontalière afin d’élaborer des plans de résolution et de redressement concrets. Cette tâche n’est pas aisée, mais il est clair que la confiance et la coopération doivent être renforcées en conjoncture normale.

  1. Le rôle du FMI

    L’efficacité de la réglementation et de la supervision transfrontalières dépend aussi de l’expertise technique. C’est à ce niveau que le FMI peut vous aider à renforcer vos capacités et à rester en phase avec les rapides mutations du secteur bancaire.

    Nous sommes toujours actifs sur ce front en tant que membre d’organes internationaux, au sein desquels nous tâchons de nous faire l’écho de l’ensemble de nos pays membres. En outre, nous travaillons depuis de nombreuses années avec vos gouvernements respectifs en leur fournissant des conseils et un appui sur un grand nombre de dossiers de politique économique.

    Le développement du secteur financier fait partie intégrante de ce travail. Aujourd’hui, nos analyses et nos recommandations portent systématiquement sur les thématiques financières, notamment dans le cadre du Programme d’évaluation du secteur financier. De plus en plus, cette mission prend une dimension régionale, comme le souligne le rapport de 2015 consacré aux opportunités et aux défis engendrés par les activités bancaires panafricaines en termes de supervision transfrontalière.

    Nos centres régionaux à travers l’Afrique assurent des formations et fournissent une assistance technique en matière de supervision consolidée et transfrontalière. Par exemple,

  • Les experts en supervision bancaire de l’AFRITAC Est, en Tanzanie, travaillent avec les pays membres, en particulier le Kenya, à la mise en œuvre d’une supervision consolidée. Cette mission se traduit par l’organisation de collèges de surveillance destinés à superviser les banques présentant une importante activité transfrontalière.

  • L’AFRITAC Ouest, en Côte d’Ivoire, travaille avec la région UEMOA à l’élaboration d’un dispositif permettant d’adopter un modèle similaire de supervision consolidée.

  • Et ici, à Maurice, l’AFRITAC Sud apporte une assistance technique sur les collèges de surveillance et les groupes de gestion de crises, ainsi que sur le partage d’informations et la coopération à l’échelle transfrontalière.

    Le FMI a également entrepris de lancer un nouvel instrument de renforcement des capacités visant à promouvoir la stabilité et l’inclusion financières dans la région.

    Conclusion

    En conclusion, le FMI soutient vigoureusement vos efforts visant à renforcer le socle sur lequel se développe le secteur financier en Afrique, efforts qui nécessitent des banques panafricaines saines et robustes.

    À terme, la solidité du cadre de réglementation et de supervision peut contribuer à garantir que les banques saines soient en mesure de fournir la sève nécessaire à la relance économique de l’Afrique. Il s’agit là d’un effort de longue haleine et nous serons à vos côtés tout au long du chemin. Je vous remercie de votre attention.

Département de la communication du FMI
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