Dans les pays à faible revenu, le manque d’infrastructures fiables — routes, chemins de fer, installations portuaires et surtout fourniture d’électricité — entrave de plus en plus la croissance. Et nul ne conteste que l’investissement dans les infrastructures puisse accroître la productivité, doper la croissance et faire reculer la pauvreté. Mais aussi simple que cela puisse paraître, la prise de décisions d’investissement avisées n’est pas chose facile.
Force est tout d’abord de constater que les besoins en investissement des pays à faible revenu sont colossaux. La Banque mondiale estime le besoin total de financement pour l’Afrique subsaharienne uniquement, à environ 93 milliards de dollars EU par an, dont le tiers reste à mobiliser.
Même lorsque les financements sont disponibles, plusieurs autres questions doivent être résolues. Quels investissements stimulent le mieux la croissance? Quel est le montant des investissements nécessaires et quelles doivent en être les sources? Comment financer de tels investissements sans risquer de se retrouver en situation de surendettement?
Nouvelles sources de croissance et d’investissement
Plusieurs pays à faible revenu ont fait preuve d’une forte résistance à la crise économique mondiale. La reprise est maintenant engagée à l’échelle mondiale mais elle reste précaire et inégale. La fragilité des perspectives qui s’offrent à de nombreux pays avancés signifie qu’ils ont peu de chances de constituer, à brève échéance, une importante source de croissance ou de financement. La question de fond pour les pays à faible revenu est de découvrir de nouveaux gisements de croissance et de financement de l’investissement. De même, la puissante dynamique de reprise économique des pays émergents et leur nouveau statut de partenaires de développement à part entière offrent de nouvelles perspectives. Après tout, l’intensification de l’investissement a été l’un des principaux moteurs de leur croissance.
C’est dans ce contexte que le FMI a récemment parrainé une journée de conférence sur l’intensification de l’investissement dans les infrastructures des pays à faible revenu, qui a permis d’aborder les différentes facettes de la question. La conférence a fait ressortir plusieurs messages de portée générale.
1. Renforcement du cadre décisionnel de l’investissement public
Plusieurs principes généraux peuvent guider l’amélioration des décisions d’investissement
• Premièrement, les pays doivent élaborer une stratégie cohérente d’amélioration des infrastructures qui permette de réaliser pleinement le potentiel de croissance.
• Deuxièmement, les pays doivent mener à bien leur stratégie d’investissement. Pour cela, il leur faut mettre en place une cadre institutionnel robuste permettant de faire en sorte que : la mise en œuvre de la stratégie ne dévie pas des principes qui la régissent; les projets fassent l’objet d’une évaluation rigoureuse, aboutissant à la sélection de projets viables; des ressources suffisantes soient inscrites au budget pour achever les projets et entretenir les infrastructures réalisées. La bonne gouvernance et la mise en place de mécanismes rigoureux de gestion des finances publiques sont essentielles.
• Troisièmement, les pays doivent faire preuve de perspicacité dans la manière d’accroître leurs moyens financiers en :
○ S’assurant que l’assiette des recettes fiscale est robuste et qu’elle s’élargit — par la réforme de la fiscalité et une bonne administration des recettes — afin que le secteur public puisse s’acquitter aisément des dettes encourues.
○ Veillant à ce que tous les prêts servent effectivement à financer l’investissement et, partant, la croissance plutôt que les dépenses de consommation.
○ Se dotant d’une stratégie avisée de gestion de la dette qui garantisse que le montant total et la composition de la dette de l’État correspondent à sa capacité de remboursement.
2. Soutien au renforcement des capacités
Les institutions multilatérales et les bailleurs de fonds peuvent bien évidemment contribuer à ce financement, mais leur apport au renforcement des capacités est tout aussi essentiel.
Sous l’angle du FMI, il s’agit par exemple d’aider les pays à aligner leurs budgets sur les plans de développement des infrastructures, à renforcer leur capacité de gestion de la dette et à se doter d’instruments améliorés pour évaluer le rendement potentiel de l’investissement en terme de croissance.
Mais les nouveaux partenaires de développement ont leur avis sur la manière de combler le déficit infrastructurel et ont donc une expérience à partager. Les chinois, par exemple, ont obtenu d’excellents résultats en matière de cohérence de leurs plans d’investissement, réexaminant sans cesse leur déficit en infrastructures pour réaffecter les ressources. Ils ont aussi veillé à ce que les projets d’infrastructure soient liés les uns aux autres en reliant par exemple la construction d’un port avec celle de voies de desserte routière et ferroviaire. Les pays à faible revenu peuvent utilement tirer parti de ce type d’expérience.
3. Accroissement du rôle du secteur privé
S’il appartient aux gouvernements de définir la stratégie et d’identifier les lacunes à combler, dans certains domaines il convient de faire surtout appel à l’investissement privé. Les secteurs de l’énergie et des télécommunications sont deux exemples où un panachage d’investissements publics et privés peut donner de bons résultats.
Le recours à des financements obligataires privés permettrait aussi de capter des ressources au-delà de ce que l’État peut mobiliser. Il est donc essentiel que les gouvernements mettent en place l’environnement nécessaire — une bonne fiscalité, la bonne gouvernance et un cadre légal sain — et veillent à ce que cet environnement donne l’assurance d’un bon rendement à l’investissement privé.
S’il est difficile de prétendre rendre pleinement compte de la richesse des débats de la conférence nous espérons néanmoins qu’elle ouvre la voie à un dialogue continu sur la façon dont les pays à faible revenu peuvent durablement accroître le volume et la qualité de leurs investissements.