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Des politiques budgétaires pour favoriser la reprise après la COVID-19

Vitor Gaspar, W. Raphael Lam et Mehdi Raissi

Au cœur de la pandémie de COVID-19, la politique budgétaire est devenue la bouée de sauvetage des ménages comme des entreprises. Elle jouera aussi un rôle déterminant pour préparer les pays à réagir à une crise et pour contribuer à la reprise.  

À la fin du « Grand confinement », une relance économique vigoureuse qui profitera à tous dépendra de l’amélioration des dispositifs de protection sociale et d’un soutien budgétaire de grande envergure. Des investissements publics dans les soins de santé, les infrastructures et la lutte contre le changement climatique seront notamment indispensables. Les pays lourdement endettés devront trouver le dosage idéal de mesures budgétaires à court terme pour stimuler la relance et de précautions indispensables à la viabilité à long terme de leur dette.

Le plus récent Moniteur des finances publiques propose aux décideurs d’investir prudemment, de mettre en place des mesures discrétionnaires bien réfléchies pour stimuler la demande et de renforcer les dispositifs de protection sociale et les prestations d’assurance chômage.

Renforcer les dispositifs de protection sociale

La pandémie a levé le voile sur la grande vulnérabilité des populations et sert d’appel à l’action.

Les pays ont réagi en prolongeant temporairement les prestations d’assurance chômage et en élargissant la portée des dispositifs de protection sociale. Les mesures de secours adoptées aux États‑Unis dans le contexte de la pandémie de COVID-19, par exemple, sont plus imposantes que celles mises en place en Europe, en partie parce que le filet de protection sociale américain était au départ plus faible.

Inévitablement, ces mesures d’aide ne seront pas éternelles, mais la pérennisation d’une partie d’entre elles et la mise à niveau des systèmes d’imposition et de prestations sociales pourraient doter les pays de mécanismes automatiques de stabilisation des revenus des ménages en prévision de futures épidémies ou crises.

Quels sont les attributs d’un bon dispositif de protection sociale? Voici les trois qui comptent le plus :

En s’appuyant sur ces guides, les pays avancés peuvent améliorer leur dispositif de protection sociale en élargissant simplement les critères d’admissibilité des programmes actuels et en augmentant l’impact des prestations sur la vie des gens.

Dans les pays émergents et les pays en développement, les lacunes de couverture peuvent être comblées par l’élargissement des programmes et le recours à d’autres modes de prestation, comme les réseaux de téléphonie mobile et la distribution en nature de biens et de services (soins de santé, nourriture et transport) afin d’aider les personnes les plus nécessiteuses et les laissés-pour-compte.

Les dispositifs de protection sociale pourraient contribuer à la redistribution plus équitable de la richesse si une proportion plus importante des 20 % des plus pauvres recevaient des allocations supérieures à celles remises aux 20 % des plus riches.

Des politiques discrétionnaires

Parmi les outils à la disposition des gouvernements pour aider les entreprises à réembaucher les travailleurs après la pandémie, mentionnons la réduction temporaire des charges sociales. La diminution temporaire de la taxe sur la valeur ajoutée ou la distribution de bons de consommation peuvent aussi convaincre les gens de dépenser davantage. Certains projets d’investissement de moindre importance peuvent être accélérés. De manière générale, les pays pourraient adopter à l’avance des lois prévoyant le déclenchement automatique de certaines mesures en cas de ralentissement économique, notamment des prestations sociales et des allégements fiscaux. Le soutien budgétaire dont la population a vraiment besoin lui arriverait ainsi plus rapidement. Il reste cependant que l’ampleur de l’aide demeure tributaire de la capacité des pays de la financer.

Investir pour l’avenir

Pour protéger les populations et réduire le plus possible les risques de futures épidémies, il est indispensable que les pays effectuent des investissements de qualité dans la santé. Il faut aussi investir dans les infrastructures, les technologies vertes comme l’énergie éolienne et solaire, et la poursuite des autres objectifs de développement durable comme l’éducation, l’accès à l’eau propre et l’assainissement. Aux prix actuels, les investissements additionnels nécessaires se chiffreront vraisemblablement à plus de 20 ooo milliards de dollars à l’échelle mondiale d’ici 20 ans.

Les projets d’équipement comme la construction de routes, de ponts et de systèmes d’énergie propre sont en général longs à mettre en œuvre. Les gouvernements devraient donc immédiatement passer en revue leur filière d’investissements possibles, afin de l’épurer et d’avoir sous la main un portefeuille de projets prêts à mettre en œuvre dès la fin du Grand Confinement.

Les décisions, notamment la question de savoir s’il faut accroître les investissements publics de qualité et dans l’affirmative, à quel point, dépendront des besoins dans certains secteurs précis et des retombées sociales et économiques éventuelles, de la capacité de financement et de l’efficience des investissements publics. Ce dernier point est vital, peu importe le pays : à l’échelle mondiale, l’inefficience et la corruption avalent en moyenne le tiers des fonds alloués aux infrastructures publiques.

Dans les pays avancés dont la marge de manœuvre budgétaire est considérable, comme l’Allemagne et les Pays-Bas, les investissements publics donnent des résultats particulièrement intéressants, parce que dans le contexte actuel de bas taux d’intérêt, la valeur des infrastructures construites sera vraisemblablement supérieure à celle des dettes contractées, et ces infrastructures rehausseront ensuite la valeur nette du secteur public. Les pays disposant d’une marge de manœuvre budgétaire moindre, comme l’Italie et l’Espagne, peuvent réaménager une partie de leurs revenus et de leurs dépenses pour dégager les sommes nécessaires aux investissements.

Dans les pays émergents et les pays en développement comme le Brésil et l’Afrique du Sud, à cause de la lourdeur de la dette publique et de l’augmentation des paiements d’intérêts, la prudence est de mise dans le financement du développement afin d’en assurer la durabilité. Ces pays devraient s’efforcer d’en faire plus avec moins. L’augmentation à long terme des recettes fiscales pourrait être cruciale pour les pays en développement à faible revenu comme le Nigéria.

Gérer une dette publique plus élevée

Utiliser les outils budgétaires pour soutenir la reprise économique tout en gérant une dette publique plus lourde constitue un numéro d’équilibriste particulièrement périlleux. La pandémie et ses retombées économiques, de même que la riposte qu’on tente de mettre en place, exercent une forte pression sur les déficits budgétaires et le ratio de la dette publique. Lorsque la pandémie sera endiguée et que l’économie se redressera, les ratios de la dette publique se stabiliseront, bien qu’à un niveau plus élevé. Si la reprise prend plus de temps que prévu, la dynamique d’endettement pourrait devenir défavorable. D’ici à ce que la pandémie s’apaise, les pays peuvent favoriser leur rebond économique en mettant en place des plans de réforme à moyen terme crédibles.

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Vitor Gaspar, ressortissant portugais, est directeur du département des finances publiques du Fonds monétaire international. Avant d’entrer au FMI, il a occupé différents postes de haut niveau à la Banque du Portugal, notamment en dernier lieu, celui de conseiller spécial. De 2011 à 2013, il a été ministre des Finances du Portugal, avec rang de ministre d’État. Il a dirigé le Bureau des conseillers de politique européenne de la Commission européenne entre 2007 et 2010, et a été directeur général des Études à la Banque centrale européenne de 1998 à 2004. M. Gaspar est titulaire d’un doctorat et d’un diplôme postdoctoral en économie de l’université nouvelle de Lisbonne. Il a également étudié à l’université catholique portugaise.

Raphael Lam est économiste principal au département des finances publiques du FMI. Il s’intéresse surtout aux questions budgétaires liées à l’inégalité, aux relations entre les administrations publiques et aux règles budgétaires. Il a précédemment travaillé au sein de l’équipe de la Chine et de celle du Japon au département Asie et Pacifique et au programme de prêts du FMI en Islande pendant la crise financière mondiale. Il s’est aussi intéressé précédemment à des questions liées aux secteurs budgétaire et financier. Il est titulaire d’un doctorat en économie de l’Université de Californie.

Mehdi Raissi est économiste principal au département des finances publiques du FMI. Il a rejoint le FMI en 2010 et a travaillé sur plusieurs dossiers de surveillance multilatérale dans divers pays dont l’Italie, l’Inde et le Mexique. Il est titulaire d’un doctorat en économie de l’Université de Cambridge. Il s’intéresse à la modélisation macroéconométrique, aux liens macrobudgétaires et à la dette souveraine.

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