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La vérification des reçus des dépenses liées à la pandémie

Chady El Khoury, Jiro Honda, Johan Mathisen et Étienne Yèhoué

Dans le monde entier, l’État joue un rôle essentiel dans la lutte contre la pandémie et ses répercussions économiques en mettant en œuvre des mesures vitales pour les individus et les entreprises. Pour que l’action publique soit réellement efficace, il est important que les dépenses engagées respectent certaines exigences en matière de transparence et de responsabilité.

Le FMI appelle à accroître la transparence pour améliorer la gouvernance et il a demandé aux pays auxquels il a accordé des financements durant la crise d’adopter des mesures de bonne gouvernance précises. Ainsi, des pays se sont par exemple engagés à publier les contrats de marché public en lien avec la pandémie ainsi que des informations sur les propriétaires réels des entreprises qui ont obtenu le marché, mais aussi des rapports sur les dépenses résultant de la COVID-19 et les conclusions des audits réalisés.

Ces mesures sont déterminées en fonction de la situation de chaque pays et des risques de corruption. En outre, tous les pays bénéficiaires doivent s’engager à réaliser une évaluation des sauvegardes — un travail d’audit approfondi qui vise à vérifier que la banque centrale est en mesure de communiquer des informations financières fiables et de gérer de façon transparente les fonds qu’elle reçoit du FMI.

La lutte contre la corruption est un combat de longue haleine. Les mesures de dépense d’urgence ne sont pas un remède miracle, pas plus qu’elles ne constituent une réponse suffisante à des problèmes plus profonds. Les efforts visant à corriger les vulnérabilités persistantes en matière de gouvernance et de corruption continueront de s’appuyer sur le large cadre pour un renforcement de l’action du FMI en matière de gouvernance de 2018 et donneront une place importante aux accords financiers pluriannuels du FMI, aux bilans de santé économique annuels de ses pays membres et au développement des capacités.

Peut-on consulter les reçus ?

Un an après l’adoption des plans d’urgence, des informations sur la mise en œuvre des mesures de bonne gouvernance concernant les dépenses liées à la pandémie commencent à être disponibles.

La mise en œuvre de cette pratique novatrice s’est avérée difficile dans certains cas : seule la moitié des pays (dont le Bénin, l’Équateur, la Jordanie, le Malawi et la République de Moldova) ont honoré cet engagement ou accompli des progrès importants en ce sens.

L’engagement pris pour obtenir un financement du FMI durant la pandémie a toutefois encouragé certains pays, comme le Kenya et la République kirghize à adopter définitivement cette pratique. C’est-à-dire pour des dépenses autres que celles liées à la pandémie.

Cependant, certains pays, comme la Jamaïque, le Honduras, les Maldives et la Sierra Leone ont pris les devants et mené des vérifications en temps réel fondées sur les risques. Lorsque cela est nécessaire, le FMI intensifie ses activités de développement des capacités pour aider les institutions supérieures de contrôle des finances publiques à s’acquitter de leurs missions tout en appuyant les initiatives qui visent à assurer l’accessibilité de ces informations. 

S’attaquer aux problèmes plus profonds

Parallèlement à la mise en œuvre des mesures axées sur la responsabilité et la transparence de la réponse des pouvoirs publics à la crise, de nombreux pays mènent actuellement des réformes de plus grande envergure en faveur de la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption dans le cadre d’accords de financements pluriannuels conclus avec le FMI.

Ces réformes portent sur divers domaines, comme la gouvernance budgétaire, notamment en Équateur, en Gambie, en Jordanie, au Libéria, au Rwanda et au Sénégal ; les cadres de lutte contre la corruption et le blanchiment des capitaux en Angola, en Arménie, au Kenya, en République du Congo et en Tunisie ; et la surveillance du secteur financier et la gouvernance de la banque centrale au Libéria et en Ukraine, entre autres.

Au-delà des financements accordés par le FMI

La transparence et la responsabilité de la réponse des pouvoirs publics à la crise sont importantes dans tous les pays, quel que soit leur niveau de revenus, et des mesures semblables à celles demandées par le FMI sont évidemment appliquées par de nombreux pays qui ne bénéficient pas de financements du Fonds.

Ces mesures varient d’un pays à l’autre. Ainsi, certains pays, comme le Brésil, la Colombie, le Costa Rica, la France et le Pérou, publient des informations exhaustives sur l’exécution des dépenses sur des portails visant à assurer la transparence de l’action publique. D’autres, comme la Corée du Sud, réalisent fréquemment des audits externes pour contrôler les dépenses liées à la pandémie, tandis que l’Espagne, par exemple, a défini des lignes directrices claires sur les procédures d’urgence en matière de passation de marchés et tandis encore que la Roumanie analyse les données sur la propriété effective et les déclarations de situation financière des hauts fonctionnaires pour détecter des conflits d’intérêts.

Les services du FMI continuent d’analyser les mesures prises en faveur de la transparence et de la responsabilité de l’exécution des dépenses liées à la pandémie (notamment aux États-Unis, en Pologne et au Royaume-Uni), mais aussi plus généralement les politiques budgétaires, monétaires et financières grâce aux évaluations périodiques de la santé économique des pays membres du FMI réalisées au titre de « l’article IV » et aux échanges réguliers avec les autorités nationales sur les politiques menées.

Tirer parti des progrès accomplis

Les autorités nationales devront s’engager durablement en faveur de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption pour permettre une réelle mise en œuvre des réformes lancées pendant et après la pandémie. L’une des clefs du succès est l’application du cadre adopté par le FMI en 2018 — qui reste une priorité pour le FMI et qui ne se limite pas aux outils de la lutte contre la corruption pour traiter la gouvernance budgétaire, la surveillance du secteur financier, la gouvernance des banques centrales, la réglementation des marchés, l’état de droit et la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Toujours déterminante, la capacité à mettre en œuvre des mesures de bonne gouvernance varie cependant d’un pays à l’autre et selon le type de mesures. C’est pourquoi les services du FMI continueront d’apporter une aide spécialement adaptée en matière de développement des capacités au moyen d’activités d’assistance technique, de formations et de séminaires en ligne.

Le FMI fera le point sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre du cadre de 2018 au milieu de l’année 2022 afin de définir quelles actions il peut adopter pour continuer à aider ses pays membres à renforcer la gouvernance.

L’appropriation des réformes par les responsables politiques de haut niveau, la coopération internationale et la mobilisation de la société civile et du secteur privé, tout comme d’autres parties prenantes, joueront un rôle absolument déterminant dans l’amélioration de la gouvernance. En outre, les autorités devront faire preuve de persévérance dans la mise en œuvre des réformes sur une longue période pour parvenir à des avancées dans ce domaine. La tâche n’est pas facile, mais elle est réalisable — et elle est indispensable pour promouvoir une croissance économique plus vigoureuse et plus inclusive.

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Chady El-Khoury est chef d’unité adjoint du Groupe intégrité financière du département juridique du FMI. Ses domaines d’expertise englobent la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, la lutte contre la corruption et des questions plus larges en matière de gouvernance et d’intégrité. Avant de rejoindre le FMI en 2007, il a travaillé au sein de la Commission spéciale d’investigation (CSI) de la Banque du Liban. M. El-Khoury a effectué ses études de droit et d’économie au Liban et en France.

Jiro Honda est chef adjoint de division au département des finances publiques du FMI. Entré au sein de l’institution en 2001, il a également fait partie du département financier et du département Afrique, où il a en particulier exercé le poste de chef de mission pour le Lesotho, la Namibie et Eswatini. Avant de rejoindre le FMI, il a travaillé à la Banque du Japon, dont il a notamment été le représentant à Hong Kong. Ses travaux de recherche portent, entre autres, sur la politique budgétaire (dépenses, mobilisation des recettes, multiplicateur budgétaire), le développement économique, le secteur financier, ainsi que la gouvernance et la corruption.

Johan Mathisen est chef de division adjoint du département de la stratégie, des politiques et de l’évaluation du FMI. Il a rejoint le FMI en 1988 et a aussi travaillé au sein du département Afrique, du département des statistiques et du département Europe. Il a également été représentant résident du FMI en République de Moldova et conseiller en assistance technique à l’AFRITAC Est en Tanzanie. Ses travaux de recherche couvrent notamment la transformation numérique, les vulnérabilités macroéconomiques ainsi que la gouvernance et la corruption.

Étienne B. Yèhoué est économiste au Fonds monétaire international. Ses travaux de recherche et d’analyse parus dans des publications du FMI, des revues à comité de lecture et des livres, couvrent un large éventail de questions liées à l’économie monétaire et financière, les partenariats public-privé dans les infrastructures, la croissance économique et la gouvernance. Il a reçu le prix Sidney R. Knafel remis par le Weatherhead Center for International Affairs de l’Université Harvard pour ses travaux sur les unions monétaires. Il a travaillé pour le Centre pour le développement international et a présidé le comité africain (African caucus) à l’Université Harvard. Il a également donné des cours sur les marchés financiers internationaux et l’économie du développement à l’Université de Georgetown et à l’Université Harvard, où il a obtenu son doctorat.

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