Allocution d'ouverture de M. Murilo Portugal, Directeur général adjoint du Fonds monétaire international, A la Conférence sur le rôle du secteur privé dans le développement économique et l'intégration régionale du Maghreb, Tunis, Tunisie

le 28 novembre 2007

À la Conférence sur le rôle du secteur privé dans le développement économique et l'intégration régionale du Maghreb
Tunis, Tunisie, le 28 novembre 2007

1. Messieurs les Ministres, Messieurs les Gouverneurs, Mesdames et Messieurs,

2. Permettez-moi tout d'abord de remercier les autorités tunisiennes qui accueillent cette importante conférence sur le rôle du secteur privé dans le développement économique et l'intégration régionale du Maghreb, et de dire combien je suis heureux de me trouver parmi vous aujourd'hui. J'aimerais également exprimer ma reconnaissance aux délégations de l'Algérie, de la Libye, du Maroc et de la Mauritanie, qui se joignent à nous pour cette conférence. Je tiens enfin à saluer les représentants du secteur privé, dont la présence est essentielle au succès de cette réunion.

3. Le nouveau Directeur général du Fonds monétaire international, Monsieur Dominique Strauss-Kahn, qui connaît très bien la région, appuie totalement cette initiative de stimuler les discussions pour une intégration des pays du Maghreb plus approfondie et la coopération pour un avenir prospère de la région. Il m'a demandé de vous transmettre ses meilleurs vœux de succès pour cet important projet.

4. J'ai bon espoir que cette conférence, en réunissant ici des représentants du secteur privé et du secteur public venus des cinq pays du Maghreb, peut être à la fois un catalyseur de la coopération régionale et une assise de l'élaboration de nouvelles initiatives régionales visant à développer le secteur privé et à affermir ainsi son impact positif sur la croissance. La qualité des débats qui ont eu lieu dans le cadre des réunions techniques ces deux derniers jours est prometteuse et j'aimerais remercier les experts qui ont participé à ces réunions pour leur travail préparatoire très productif.

5. C'est la seconde fois que je me rends au Maghreb en qualité de Directeur général adjoint du FMI. Lors de ma première visite, au Maroc et en Tunisie en avril 2007, j'ai pu constater par moi-même les succès impressionnants et le vaste potentiel de la région, mais aussi les nombreux défis qu'elle doit relever. Tous les pays du Maghreb ont engagé des réformes importantes depuis une vingtaine d'années afin de favoriser la croissance, en consacrant des efforts considérables à la consolidation d'un environnement macroéconomique stable, à la libéralisation du commerce, au renforcement du secteur financier et à l'amélioration du climat des affaires.

6. Comme résultat des ces réformes, les pays du Maghreb ont fait de grands pas, ces derniers temps, vers la prospérité économique. La région bénéficie de conditions macroéconomiques stables et affiche des revenus par habitant en hausse. La croissance moyenne du PIB réel a atteint presque 5 % sur la période 2001-06 contre 2,7 % sur la période 1991-2000. Ceci est un résultat remarquable. Aujourd'hui, l'enjeu essentiel pour les pays du Maghreb est d'engager leur économie sur un sentier de croissance durable encore plus élevé qui permettrait à la région de réduire ses taux de chômage toujours importants et de relever les niveaux de vie plus rapidement.

7. Les efforts de réformes devraient continuer afin de rehausser le niveau et la qualité de l'investissement et gagner en productivité. En effet, l'investissement dans le Maghreb, à 24 % du PIB, est plus élevé que la moyenne des pays en développement, mais il reste inférieur à celui de nombreux pays émergents d'Europe centrale et au niveau nécessaire pour réaliser une croissance par tête plus rapide. L'investissement public continue à occuper une part importante de l'investissement total. En outre, des éléments de preuve empiriques montrent que la croissance du Maghreb s'est faite principalement par l'accumulation de facteurs, et que la contribution de la productivité globale des facteurs à la croissance a en général été assez faible.

8. Il est évident que la région a besoin d'un secteur privé dynamique comme moteur pour rehausser de manière significative et permanente les niveaux d'investissement et de productivité. Le secteur public offre en effet peu de possibilités d'augmentation des investissements et de création de nouveaux emplois, car les marges de manœuvre budgétaires sont limitées, en particulier dans les pays non producteurs de pétrole. Un niveau plus élevé d'investissement privé, y compris sous forme d'investissement direct étranger, aiderait à améliorer la productivité à travers l'apprentissage par la pratique et les transferts de technologie. Pour stimuler l'investissement privé, le secteur privé et les gouvernements de tous les pays du Maghreb devraient former un partenariat en vue d'assurer que trois facteurs clés sont en place, à savoir : un marché de taille suffisante, une facilité accrue d'accès aux financements, et un climat propice à l'investissement.

9. Comme l'a souligné la Conférence d'Alger, la levée des obstacles au commerce régional pourrait donner naissance à un marché attrayant à la fois pour les investisseurs intérieurs et extérieurs. La mise en œuvre du plan d'action pour la facilitation des échanges adopté par les ministres des finances et gouverneurs de banque centrale lors de la Conférence de Rabat l'an passé améliorera le commerce entre pays du Maghreb, qui représente à l'heure actuelle moins de 3 % du total de leurs échanges, et stimulera l'investissement intérieur et extérieur dans la région. Cela dit, peu de progrès ont été réalisés depuis la Conférence d'Alger et il faut poursuivre les efforts engagés pour mettre en œuvre ses recommandations et supprimer les obstacles aux échanges intra-régionaux. Les obstacles discriminatoires au commerce entre les pays de la région devraient être démantelés, et il conviendrait que les gouvernements examinent la possibilité d'étendre au commerce entre pays du Maghreb les préférences tarifaires accordées à l'Union européenne et d'adopter aussi, dans le cadre régional, les règles d'origine fondées sur le protocole Pan-Euromed.

10. Le développement du secteur privé passe par l'accès à des financements adéquats. L'existence d'un secteur financier sain et dynamique, qui soit capable de mobiliser et de fournir efficacement des ressources aux entrepreneurs, est d'une importance primordiale pour les investisseurs, et donc pour la croissance. Les progrès des réformes engagées dans ce secteur - à la fois aux niveaux national et régional - sont encourageants. La conférence sur la réforme du secteur financier et l'intégration financière au Maghreb organisée à Rabat en 2006 a jeté les bases d'un plan d'action qu'il est prévu d'adopter pendant cette conférence. Ces mesures serviront de fondement solide à d'autres réformes qui conduiront à des systèmes financiers plus intégrés. Il est important que tous les pays du Maghreb appliquent sans tarder le plan d'action convenu et continuent à poursuivre le programme plus vaste des réformes élaborées pour approfondir et moderniser leurs systèmes financiers. Si la Banque maghrébine d'investissement et du commerce extérieur (BMICE) pouvait commencer ses activités dans un avenir proche, cela marquerait une première étape bienvenue dans ce sens.

11. Un climat propice à l'investissement, caractérisé par des coûts de transaction peu élevés, dynamise l'investissement privé. En effet, il augmente la productivité en offrant aux entreprises des possibilités de croissance et des incitations à se développer, à améliorer leurs processus de production et à s'adapter à un environnement en mutation. Les pays du Maghreb ont réalisé d'importants progrès dans le domaine du climat des affaires. Ils mettent en œuvre les réformes nécessaires pour améliorer les institutions et la gouvernance, abaisser les coûts liés à l'exercice d'une activité économique et favoriser l'initiative privée. Cependant, les investisseurs potentiels font face encore à de nombreux obstacles. J'ai bon espoir que les discussions que nous allons avoir maintenant, en nous appuyant sur le rapport des représentants du secteur privé et les travaux préparatoires des services du FMI, aideront à identifier ces obstacles et à arrêter une stratégie en vue de leur suppression. J'aimerais proposer que nous adoptions ici une approche pragmatique dans nos discussions, en nous inspirant des réformes déjà mises en œuvre dans les cinq pays du Maghreb et de l'expérience qu'ils ont accumulée. Cela nous permettra de nous appuyer sur les succès obtenus par chacun d'eux et sur les leçons que l'on peut en tirer. Je souhaiterais aussi soumettre à votre réflexion, outre le maintien d'un environnement macroéconomique sain et stable et les réformes commerciales et financières en cours, cinq axes d'action souhaitables, selon moi, pour améliorer encore le climat de l'investissement dans la région.

12. Premièrement, le cadre juridique des droits de propriété et le régime des échanges commerciaux doivent être renforcés. Les investisseurs préfèrent investir dans des pays où les droits de propriété sont bien définis et respectés, car les rendements des investissements sont alors mieux assurés. Les pays du Maghreb se sont beaucoup consacrés à la facilitation de l'enregistrement des droits de propriété. En Algérie, au Maroc et en Tunisie, l'exécution des contrats a fait des progrès grâce à l'amélioration des normes comptables. La protection des droits de la propriété intellectuelle s'est elle aussi beaucoup améliorée dans la région. Cela dit, il reste certaines lacunes à combler entre la promulgation des lois et leur application effective, et les procédures de règlement juridique des différends commerciaux sont encore malheureusement trop longues.

13. Deuxièmement, les marchés des facteurs, des biens et des services doivent gagner en efficacité. La capacité des entreprises privées à s'adapter à un environnement en mutation et la rentabilité des investissements dépendent de la flexibilité de ces marchés. Ainsi, la rigidité des règles régissant le marché du travail a souvent pour corollaire le chômage et une faible productivité. Plusieurs pays du Maghreb ont commencé à assouplir ces règles, notamment au niveau de l'embauche. Néanmoins, la lourdeur des procédures de licenciement pose encore problème dans certains pays et limite la création d'emplois par le secteur privé. Malgré les progrès récents aboutissant à des gains en efficacité, il est possible d'intensifier encore considérablement la concurrence en restructurant et en privatisant certaines entreprises publiques du secteur des biens et services et en ouvrant les frontières aux entreprises étrangères. Les programmes de privatisation en cours dans les pays du Maghreb sont prometteurs à cet égard.

14. Troisièmement, les procédures régissant la création de nouvelles entreprises doivent être encore simplifiées. Afin d'aider les pays de la région à mieux tirer profit des succès impressionnants dans le domaine de l'enseignement post secondaire en favorisant l'émergence d'une nouvelle génération d'entrepreneurs, la création d'entreprises devrait être aussi libre que possible de toute contrainte juridique ou administrative. Ces dernières années, la plupart des pays du Maghreb ont réduit le nombre et abaissé le coût des procédures requises pour créer une entreprise. Cependant, les indicateurs disponibles dans ce domaine continuent de faire apparaître qu'il existe de grandes différences entre les pays maghrébins, et qu'ils disposent tous de marges de progression à cet égard.

15. Quatrièmement, l'efficacité de l'administration publique devrait être améliorée, ce qui passe notamment par une simplification des lois et règlements. Une administration efficace, des procédures administratives simplifiées et un code des impôts rationalisé contribue à atteindre et à maintenir des coûts de transaction compétitifs au niveau international et à instaurer un climat de l'investissement attractif. Les pays du Maghreb poursuivent tous des réformes dans ce sens. Dans la plupart d'entre eux, les règles régissant l'investissement ont été simplifiées au cours de la dernière décennie. L'Algérie, la Mauritanie, le Maroc et la Tunisie sont en train de réformer également leurs administrations fiscales et douanières et ont rationalisé leurs systèmes fiscaux. Tous les pays ont également simplifié leurs tarifs à l'importation. Ces différentes actions et initiatives sont tout à fait encourageantes mais des réformes sont encore nécessaires. En particulier, si les taux marginaux de l'impôt sur les sociétés ont été abaissés récemment dans les pays du Maghreb, ils n'en demeurent pas moins élevés par rapport aux autres économies émergentes. De même, les tarifs moyens appliqués dans les pays de la région restent aussi nettement plus élevés que dans le reste du monde. Par ailleurs, les indicateurs disponibles montrent que tous les pays du Maghreb pourraient améliorer leur rang actuel dans le classement des États selon l'efficacité de leur gouvernement.

16. Cinquièmement la qualité et la couverture des infrastructures devraient être améliorées. Les entreprises sont plus performantes si leurs coûts de transaction sont réduits au minimum via l'utilisation de technologies adéquates et de systèmes de télécommunications évolués, l'accès à une offre énergétique efficiente, et des services de transport très performants. L'amélioration des infrastructures reste au premier rang des priorités gouvernementales de tous les pays du Maghreb, et les secteurs ciblés sont la construction d'aéroports, de ports, d'autoroutes, de centrales électriques, de raffineries pétrolières et la distribution d'eau. Pour améliorer leurs infrastructures, les pays de la région ont toutefois adopté des stratégies différentes : les uns s'appuient sur des programmes d'investissement public, les autres sur des partenariats public-privé.

17. En dépit des initiatives récentes, la qualité et la couverture des infrastructures au Maghreb devraient être encore améliorées pour être compétitives. En particulier, la région dans son ensemble doit pouvoir compter sur un réseau de transport intégré. L'autoroute trans-Maghreb, qui est prévue de longue date, faciliterait les échanges au sein de la région et stimulerait l'intégration économique. S'agissant des télécommunications, la densité des téléphones fixes et le nombre d'abonnés au téléphone mobile restent relativement faibles. La qualité de l'offre de services publics tels que l'alimentation en eau et en électricité pourrait également être améliorée grâce à une production et une distribution plus efficaces.

18. Les mesures mises en œuvre dans chaque pays du Maghreb pour améliorer le climat des affaires seront plus efficaces si elles s'inscrivent dans une stratégie régionale. Il existe en effet une très forte synergie entre l'intégration du Maghreb et l'essor de secteurs privés dynamiques dans les pays de la région. Ce message est ressorti clairement lors des précédentes conférences sur l'intégration du Maghreb. Les participants ont convenu qu'il est plus facile de réformer la réglementation commerciale et les système financiers nationaux si les mesures prises dans ce sens pouvaient s'appuyer sur un effort régional.

19. Il existe un grand nombre de mesures que les pays du Maghreb pourraient adopter au niveau régional pour améliorer le climat de l'investissement. J'en citerai quelques unes. Par exemple, faire des progrès vers l'harmonisation des : normes comptables, procédures pour la protection de la propriété intellectuelle, codes des investissements, règles applicables sur le marché du travail et procédures régissant les services douaniers et fiscaux. Des projets d'infrastructures intra-régionaux pourraient exploiter les rendements d'échelle. Pour que tous ces efforts soient couronnés de succès, le secteur privé doit y prendre une part active en contribuant à la mise au point de chacune de ces mesures dans le cadre d'un partenariat étroit avec les gouvernements des cinq pays concernés.

20. Le calendrier de mise en œuvre des différentes mesures visant à améliorer le climat des affaires varie selon leur complexité et leur état actuel d'avancement dans les différents pays de la région. À court terme, on s'attendrait à ce que les représentants du secteur privé puissent créer un groupe d'études chargé de recenser les principales questions posées et de recommander les initiatives à engager dans les différents domaines qui peuvent influer sur le climat de l'investissement. Il serait bon aussi que tous les pays du Maghreb se dotent d'un organisme clairement identifié qui permettrait aux investisseurs d'être mieux informés sur le cadre juridique en vigueur dans ces pays et sur ses modifications éventuelles. À moyen terme, il faudrait préparer et mettre en œuvre les modifications à apporter aux législations nationales pour refondre et harmoniser les cadres juridique et réglementaire des droits commerciaux et de propriété, les marchés du travail, les activités bancaires, les règles d'établissement commercial, les codes des impôts et des douanes et l'administration publique.

21. Enfin, je voudrais souligner que le rôle du FMI dans cette conférence est de faciliter la discussion et l'échange d'expériences entre les pays du Maghreb. Les progrès concrets en ce sens dépendent des actions entreprises par les gouvernements et le secteur privé. Au-delà de cette conférence, nous sommes prêts à aider les pays du Maghreb à continuer leurs programmes de réformes et approfondir leur intégration régionale et mondiale par nos conseils de politique économique dans le cadre de nos consultations annuelles avec chacun d'eux et par notre assistance technique.

22. Permettez-moi de conclure en disant que les perspectives économiques du Maghreb sont certainement favorables. Les réformes engagées ces dernières années ont permis de bâtir la stabilité macroéconomiques et d'accélérer la croissance. Je crois que les pays de la région peuvent atteindre un taux de croissance durable encore plus élevé, ce qui augmenterait très sensiblement les créations d'emplois et permettrait de relever le niveau de vie des populations. L'essor d'un secteur privé dynamique doit être la pierre angulaire de la stratégie qui s'impose pour atteindre ces objectifs.

23. Les discussions seront sans doute très productives. C'est donc avec beaucoup d'intérêt que je me prépare à entendre vos points de vue et vos suggestions pour les prochaines étapes. Je vous remercie.

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