Ce que nous pouvons faire pour offrir aux femmes de meilleurs débouchés économiques

Par Christine Lagarde, Directrice générale, FMI
Publié Le 8 mars 2013 par le blog du FMI - "iMFdirect"

Je vous invite à célébrer aujourd’hui la Journée des Femmes. Rendons hommage aux incroyables progrès que les femmes ont accomplis ces dernières décennies dans diverses sphères de la société, en jouant dans la vie économique le rôle majeur pour lequel nos grand-mères ont tant œuvré et dont elles rêvaient. Aujourd’hui, bien que les hommes occupent encore les bureaux directoriaux dans la plupart des professions, il y dans le monde entier des femmes à des postes élevés de responsabilité dans le secteur privé et dans les instances gouvernementales. Les femmes ne sont plus le «Deuxième sexe» que décrivait Simone de Beauvoir.

Mais il y a beaucoup trop de femmes pour qui il est extrêmement difficile d’exercer les droits les plus fondamentaux : le droit à la sécurité et celui de choisir la vie qu’elles désirent.

Dans l’ensemble du monde, il y a moins de femmes que d’hommes qui ont un emploi rémunéré — 50 % seulement des femmes en âge de travailler participent à la vie active. Dans beaucoup de pays, la législation, la réglementation et les normes sociales restreignent encore les possibilités qu’ont les femmes de rechercher un emploi salarié. Et partout dans le monde, les femmes accomplissent la plupart des travaux champêtres et des tâches ménagères, qui restent invisibles et non rémunérés.

Les femmes dont le travail est salarié gagnent moins que leurs collègues masculins, même pour un emploi similaire; c’est ce que les économistes appellent l’écart salarial entre hommes et femmes. Dans l’ensemble des pays avancés et émergents membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’écart est de 16 % environ. Beaucoup de femmes interrompent leur carrière ou travaillent à temps partiel pour s’occuper de leurs enfants et de parents âgés et voient ainsi diminuer leurs retraites, ce qui est un problème en soi, mais a aussi des conséquences pour les finances publiques. De plus, le fisc taxe souvent à un taux plus élevé le revenu de ceux qu’on appelle le «deuxième soutien» de famille, ce qui a pour effet de décourager le travail des femmes.

La crise économique n’a fait que compliquer cette situation. Dans les économies en développement, le pourcentage des filles ayant achevé leur scolarité primaire a chuté plus rapidement que celui des garçons. Dans les économies avancées, le chômage des femmes est en hausse, par exemple en Espagne et au Portugal. Si ces tendances devaient persister au-delà de la crise, elles pourraient être de fort mauvais augure pour le taux de participation des femmes à la vie active.

Les femmes ont énormément de talents. Les patrons qui n’offrent pas des chances égales aux femmes font simplement l’impasse sur une grande partie de la main-d’œuvre qualifiée. Dans beaucoup de pays, la croissance pourrait être beaucoup plus élevée s’il y avait davantage de femmes salariées. Au Japon, par exemple, si le taux de participation des femmes était porté au même niveau qu’en Europe du Nord, le PIB par habitant augmenterait de 8 % à titre permanent. Les femmes ont aussi un grand potentiel en termes de création d’entreprises. Elles sont ainsi propriétaires de 30 % à 40 % des PME du secteur structuré dans les pays émergents. Par ailleurs, l’augmentation des revenus des femmes améliorera le niveau d’instruction, car, comme le montre une étude, les femmes consacrent une plus grande part de leurs revenus au bien-être de leurs enfants.

Il faudra pour cela que des changements interviennent dans bien des domaines; j’en citerai quelques-uns qui, à mon avis, peuvent faire une grande différence.

Les politiciens peuvent amender la législation pour donner aux femmes des chances égales de posséder des biens, d’obtenir des crédits et de travailler hors de chez elles. L’égalité d’accès aux services de santé, à l’éducation et à la formation professionnelle préparera les femmes à gagner leur vie. L’amélioration des infrastructures, des transports et des services de garde d’enfants permettra aussi à un plus grand nombre de femmes de rechercher un emploi salarié. Dans les campagnes d’Afrique du Sud, par exemple, l’accès à l’électricité a donné aux femmes la possibilité de consacrer moins de temps à leurs tâches ménagères et plus à travailler hors de chez elles, de sorte que le taux de participation des femmes a augmenté d’environ 9 %. Et au Mexique, la création par le gouvernement fédéral de crèches pour les mères au travail a été d’un grand secours pour les mères à faible revenu.

Dans les économies avancées, les femmes seront plus nombreuses à travailler si elles peuvent obtenir des congés parentaux et avoir accès à des services de garde d’enfants abordables. La Suède est un bon exemple en la matière : la différence de taux de participation entre les hommes et les femmes n’y est que de 6 points de pourcentage, contre 25 au Japon. L’abolition des barrières entre les contrats à temps partiel et à temps plein encourage aussi les femmes à entrer dans la vie active. Aux Pays-Bas par exemple, le taux de participation des femmes est passé d’environ 35 % en 1980 à plus de 80 % en 2008, grâce surtout à des possibilités de travail à temps partiel plus attrayantes. Les horaires flexibles peuvent aussi aider les femmes à jongler avec leurs nombreuses responsabilités et à mieux équilibrer leur vie familiale et professionnelle.

Nous pouvons les aider. Le Fonds monétaire international entretient un dialogue permanent avec ses pays membres sur les moyens d’assurer la stabilité et la croissance de l’économie. La participation des femmes à la vie active fait partie intégrante de cette équation, d’autant plus que de nombreux pays se débattent actuellement avec les conséquences budgétaires du vieillissement de la population et du niveau élevé de la dette publique. L’accès des PME aux financements est aussi une question cruciale. Nous n’avons pas l’expertise requise pour traiter tous les éléments complexes de ce dossier, mais nous pouvons attirer l’attention sur certains aspects et faire appel à d’autres spécialistes. En outre, nous pouvons mettre à profit notre expertise en matière de finances publiques pour chercher à déterminer si le régime fiscal et l’affectation des ressources publiques contribuent à l’égalité des sexes et améliorent les débouchés économiques des femmes.

Aujourd’hui, alors que nous célébrons la Journée des Femmes, nous constatons à la fois des progrès extraordinaires et des obstacles redoutables. Mais je suis optimiste par nature et je regarde par delà ces obstacles; nos filles et petites-filles auront de meilleures possibilités encore que n’en ont les femmes aujourd’hui. Et n’oublions jamais que lorsque les femmes sont à même de développer tout leur potentiel, elles ne sont pas les seules à en bénéficier; le monde entier y gagne.



DÉPARTEMENT DE LA COMMUNICATION DU FMI

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