Lutte contre le chômage dans le monde : trop tôt pour crier victoire

Prakash Loungani
Le 15 janvier 2015

Sept ans après le début de la grande récession, le taux de chômage dans le monde est retombé au niveau où il se situait avant la crise: 5,6 % en 2014, soit pratiquement identique à 2007, l’année avant la récession (graphique 1, cadre de gauche).

Si cette baisse est une bonne nouvelle, il est trop tôt pour dire «mission accomplie». Dans les pays membres de l’Organisation de coopération et développement économique (OCDE), le taux de chômage moyen demeure nettement supérieur à ce qu’il était avant la récession, à la grande différence de celui des pays non membres (graphique 1, cadre de droite).

En outre, un nouvel indicateur, l’indicateur de l’emploi dans le monde révèle que la croissance de l’emploi dans le monde reste terne, à environ 1,5 % par an, taux nettement plus faible que les taux annuels de 2 à 2½ %, courants avant la crise (graphique 2).

Cet indicateur part d’estimations trimestrielles des niveaux d’emploi dans 64 grands pays et les fusionne ensuite pour obtenir un total mondial. Les pays concernés représentent près de 95 % du PIB mondial et 80 % de la population active mondiale. Dans les pays qui n’ont pas de données trimestrielles disponibles, le niveau d’emploi est calculé à partir d’estimations des liens historiques entre emploi et croissance.

L’indicateur révèle en effet que l’emploi dans le monde a progressé d’environ 9 % depuis le creux de la récession, se traduisant par la création de 208 millions d’emplois. La situation s’est donc améliorée, mais la création d’emplois n’a pas retrouvé son rythme d’avant-crise.

Cet indicateur permet de prendre le pouls des marchés mondiaux de l’emploi à intervalles plus réguliers que par le passé. Si les marchés financiers font l’objet d’un suivi à la seconde près, les données sur l’emploi, qui intéressent davantage la plupart des gens, ne sont souvent pas disponibles tous les trimestres car un grand nombre de pays ne communiquent pas de données chiffrées suffisamment actualisées sur le niveau d’emploi.

Emploi et croissance : l’un ne va pas sans l’autre

La façon dont est conçue cet indicateur permet de contourner un problème, celui de l’insuffisance de données actualisées sur l’emploi, car il repose sur le fait que la création d’emplois va de pair en général avec la croissance de l’économie dans son ensemble. Dans les pays aussi bien membres que non membres de l’OCDE, le lien entre emploi et croissance a été clairement observé tout au long de la grande récession.

Le graphique 3, cadre de gauche, montre le lien solide entre croissance de l’emploi et croissance de la production durant les années 2008 à 2010 de la grande récession. Dans les pays où l’économie a été en croissance (tels que Singapour, Israël et Australie, représentés dans le quadrant nord-est), l’emploi a aussi augmenté. Dans les pays où la production a été en baisse (Espagne et Irlande, représentées dans le quadrant sud-ouest), l’emploi a, lui aussi, reculé.

Durant les années de reprise inégale dans le monde, de 2011 à aujourd’hui, un lien similaire apparaît nettement : les pays où la croissance a redémarré ont enregistré aussi une hausse des niveaux d’emploi. L’économie américaine, par exemple, a enregistré un taux de croissance annuelle de près de 5 % au cours des deuxième et troisième trimestres 2014, soit le rythme de croissance le plus fort qu’elle ait enregistré sur six mois depuis plus de dix ans. Cela a donc permis aux employeurs américains de créer près de 3 millions de nouveaux emplois en 2014, chiffre sans précédent depuis 15 ans.

Dans un certain nombre de pays d’Europe, le PIB réel a poursuivi sa chute entre 2010 et 2014, et le niveau d’emploi a fait de même. En conséquence, les taux de chômage y demeurent alarmants: autour de 25 % en Grèce et en Espagne, plus de 14 % au Portugal et 11,5 % dans l’ensemble de la zone euro. Le chômage des jeunes a atteint des proportions sans précédent, avec un taux de 23 % dans la zone euro au milieu de l’année 2014.

Encore beaucoup à faire

Il est trop tôt pour dire si l’économie mondiale est en train de s’installer dans un rythme plus lent de croissance de l’emploi. La très faible croissance de l’emploi dans l’Union Européenne, qui représente près de 25 % du PIB mondial, joue certainement un rôle. Un autre facteur aussi est le ralentissement de la croissance en Chine où le rythme de progression du PIB est passé de plus de 10 % au milieu des années 2000 à environ 7 % aujourd’hui : il est indéniable que cet essoufflement de la croissance chinoise est en grande partie responsable du recul de l’indicateur de l’emploi dans le monde au cours de ces 18 derniers mois.

Les pays doivent associer différentes politiques pour stimuler à la fois la demande et l’offre globales afin de doper la croissance de l’emploi, comme nous l’avons déjà évoqué dans un précédent blog.

D’une façon générale, dans les pays avancés, la politique monétaire doit continuer à accompagner la reprise de la demande et les politiques de réduction de la dette publique doivent être aussi propices à la croissance que possible.

Dans les pays émergents, où la croissance est en train de ralentir par rapport aux niveaux d’avant-crise, il importe de régler en priorité les problèmes structurels sous-jacents, qu’il s’agisse de supprimer les obstacles dans le secteur de l’électricité ou de réformer les marchés du travail et des produits. Pour un grand nombre d’entre eux, il est clairement nécessaire d’accroître l’investissement public en infrastructures, pour pouvoir doper la demande à court terme et nourrir l’offre (autrement dit la production potentielle) à plus long terme.

En bref, si la baisse du chômage dans le monde est une excellente nouvelle, il reste encore beaucoup à faire pour doper la croissance, qui à son tour, contribuera à absorber l’augmentation de la population active dans le monde en lui fournissant des emplois.



DÉPARTEMENT DE LA COMMUNICATION DU FMI

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