Que fait le FMI pour promouvoir une croissance inclusive au Moyen-Orient et en Asie centrale?

Blog par Chris Jarvis et Amine Mati
Affiché par le blog du FMI Al Nafida Aliktissadiya

17 février 2016

La promotion de la croissance est un volet primordial de la mission du FMI, mais depuis quelques années, nous nous efforçons de ne pas nous en tenir aux chiffres et d’examiner la répartition des bienfaits de la croissance et l’effet sur la vie quotidienne des populations. Nous veillons aussi à intégrer cette analyse dans notre travail de collaboration avec nos pays membres. Nos pays membres et nos critiques comprennent mieux notre travail. Ce blog vise à enrichir le débat, en répondant à un certain nombre de questions couramment posées sur notre démarche et sur son état d’avancement.

Question no 1 : le FMI a changé de ton au sujet de la croissance inclusive, mais a-t-il vraiment changé ses pratiques?

Réponse : la croissance inclusive est un élément crucial de nos rapports et analyses et un objectif majeur de notre fonction de conseil.

Le FMI est en pointe pour ce qui est de l’analyse des divers aspects de la croissance inclusive. Nos études sur les problématiques de l’emploi, de la croissance des inégalités et de la parité hommes-femmes témoignent clairement de l’importance de ces sujets dans notre travail. Nous avons procédé pour chaque pays à une analyse diagnostique des attributs de la croissance inclusive en signalant les disparités de l’emploi entre groupes sociaux ou régions, le traitement préférentiel dont bénéficient certains secteurs ou branches d’activité, ou le manque d’accès aux services de base. Et nous avons intégré ces problématiques dans les recommandations énoncées dans nos rapports de surveillance au titre de l’article IV, les entretiens que nous avons avec les gouvernements et la conception des programmes de réformes que nous appuyons.

À titre d’exemple, dans le cas de la Tunisie, le programme gouvernemental soutenu par le FMI a été axé sur la mise en place d’un système fiscal équitable et efficient, et l’amélioration des procédures et de la transparence budgétaires. Dans le cas de l’Égypte, les dernières consultations au titre de l’article IV ont porté sur les obstacles qui freinent la croissance et la création d’emplois et sur ce qu’il est possible de faire pour les surmonter.

Question no 2 : est-ce que ce ne sont pas les plus pauvres qui subissent le gros des ajustements inscrits dans les programmes appuyés par le FMI?

Réponse : le but des programmes appuyés par le FMI est d’alléger le fardeau qui pèse sur les pays et en particulier sur les pauvres.

Beaucoup des programmes appuyés par le FMI comportent un volet de réformes budgétaires, mais l’objectif primordial de ces réformes est de dégager une marge permettant d’augmenter les crédits en faveur des infrastructures, de l’éducation et de la santé et d’en accroître l’efficience. Les considérations d’équité sont prises en compte du fait que les réformes visent à élargir l’assiette fiscale, essentiellement en y intégrant les personnes redevables de l’impôt en supprimant les échappatoires fiscales et les privilèges spéciaux. Par exemple, au Pakistan qui compte 180 millions d’habitants, il n’y a que 1,2 million de particuliers et d’entreprises qui font une déclaration d’impôt, environ la moitié de ces contribuables étant des sociétés. Il faut que cela change pour qu’une part plus importante de la charge fiscale soit assumée par ceux qui devraient payer — et non pas ceux qui s’acquittent déjà de leurs impôts.

Les programmes du FMI visent aussi à protéger les couches les plus vulnérables de la population. Les programmes mis en œuvre au Pakistan et en Tunisie prévoyaient de fortes augmentations des transferts monétaires ciblés au bénéfice des plus démunis (par exemple, l’expansion du programme de suppléments de revenu Benazir au Pakistan, ou l’accroissement du système de transferts monétaires en place en Tunisie). Le programme prévoit un suivi de ces dépenses pour qu’elles parviennent aux objectifs définis.

Question no 3 : que dire de la réduction des subventions énergétiques? Ne joue-t-elle pas au détriment des pauvres?

Réponse : ce sont surtout les riches qui profitent des subventions énergétiques, et les économies dégagées par la réduction de ces subventions devraient servir à améliorer le sort des pauvres.

Beaucoup de critiques considèrent que la réduction des subventions énergétiques recommandée par le FMI va à l’encontre de la croissance inclusive. Certains pensent par exemple qu’il faut les conserver à titre de dispositif de sécurité pour les plus vulnérables, car elles maintiennent les prix bas.

Le fait est que ce sont les consommateurs aisés qui profitent pour l’essentiel des subventions, car ils consomment la majeure partie des carburants et de l’électricité. Dans la plupart des pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, les 20 % les plus riches perçoivent près de 60 % des subventions énergétiques. Nous souhaitons aussi que les plus démunis soient moins exposés à de fortes augmentations des prix de l’énergie et c’est pourquoi nous recommandons de supprimer progressivement les subventions et d’utiliser les économies ainsi réalisées pour renforcer les systèmes de protection sociale.

La réduction des subventions permet en outre de faire des économies et d’affecter ces fonds à d’autres dépenses plus productives. En Égypte, par exemple, la réforme des subventions réalisée en 2014 va dégager des ressources qui serviront à financer l’accroissement des dépenses de santé et d’éducation.

Question no 4 : est-ce que le FMI privilégie les entreprises par rapport aux gens ordinaires?

Réponse : si nous militons pour l’amélioration du climat des affaires, c’est pour promouvoir la création d’emplois et l’amélioration du niveau de vie.

Dans toutes les régions, l’expérience montre qu’un secteur privé dynamique, grâce notamment au développement des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises familiales, crée plus d’emplois à long terme que le secteur public. Et nos entretiens avec un large éventail de parties prenantes dans la région confirment que la création d’emplois solides pour les chômeurs, en particulier les jeunes, passe, à la fois, par des investissements privés et une bonne gouvernance. C’est pourquoi nous attachons la plus grande importance à l’élimination des réglementations complexes et pesantes qui freinent la création d’emplois et entravent la libre concurrence. Le développement du secteur privé peut aussi être bénéfique pour les consommateurs, en desserrant l’étau des systèmes étatiques, en encourageant la concurrence au sein du secteur privé et en tournant le dos aux filières protégées et à la recherche de rentes qui favorisent les élites économiques, au profit de l’ouverture, de la création de valeur et du développement des PME.
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Chris Jarvis est Chef de mission pour l’Égypte et Conseiller au Département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI. Il était précédemment au Département Europe, où il a dirigé des missions au Belarus, puis en Ukraine; avant cela, il fut rédacteur des discours de deux anciens Directeurs généraux du FMI, Rodrigo de Rato et Dominique Strauss-Kahn. M. Jarvis a plus de vingt ans d’expérience en tant qu’économiste du FMI, pour l’essentiel dans des pays émergents. Il est ressortissant britannique et a travaillé au Trésor britannique avant d’entrer au FMI. M. Jarvis a fait ses études au Keble College, Oxford, au Nuffield College, Oxford et à l’université Yale.

Amine Mati est Chef de mission pour la Tunisie et Conseiller au Département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI.





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