Un nouvel élan pour l’économie mondiale — pour l’instant

Par Maurice Obstfeld
Affiché le 14 avril 2017 par le blog du FMI - iMFdirect

L’économie mondiale monte en puissance depuis le milieu de l’année dernière, ce qui nous permet de réaffirmer que la croissance mondiale s’accélérera cette année et l’an prochain, comme nous l’avions prévu précédemment. Nous nous attendons à ce que la croissance mondiale atteigne 3,5 % en 2017, contre 3,1 % l’an dernier, et 3,6 % en 2018. Cette accélération sera généralisée dans tous les pays avancés, les pays émergents et les pays à faible revenu, et sera portée par les gains que nous avons constatés tant dans l’industrie manufacturière que dans le commerce.

Notre nouvelle projection pour 2017 est légèrement plus élevée que celle figurant dans notre dernière mise à jour. Cette révision à la hausse tient principalement aux bonnes nouvelles économiques pour l’Europe et l’Asie, et notamment pour la Chine et le Japon.

En dépit de ces signes de vigueur, bien d’autres pays continueront d’éprouver des difficultés cette année, avec des taux de croissance bien en deçà des chiffres du passé. Les prix des produits de base se sont affermis depuis le début de 2016, mais restent bas, et bon nombre de pays exportateurs de produits de base, notamment au Moyen-Orient, en Afrique et en Amérique latine, demeurent en difficultés. Par ailleurs, une combinaison de conditions climatiques défavorables et de troubles civils menace plusieurs pays à faible revenu d’une famine généralisée. En Afrique subsaharienne, la croissance du revenu pourrait être légèrement inférieure à la croissance de la population, mais l’écart sera beaucoup moins élevé que l’an dernier.

Incertitude et politique

Quant à la question de savoir si la dynamique actuelle s’inscrira dans la durée, cela reste un point d’interrogation. Il y a manifestement des chances de révision à la hausse. La confiance des consommateurs et des chefs d’entreprise dans les pays avancés pourrait augmenter davantage, même si les indicateurs s’établissent déjà à des niveaux relativement élevés. D’autre part, l’économie mondiale reste confrontée à des vents contraires. Tout d’abord, la croissance tendancielle de la productivité demeure modérée dans toute l’économie mondiale, pour des raisons complexes que nous avons examinées dans un document récent, et qui persisteront probablement pendant un certain temps. En outre, plusieurs risques de dégradation importants menacent notre prévision de référence.

Une série d’incertitudes tient à la politique macroéconomique dans les deux plus grandes économies. La Réserve fédérale américaine a engagé une normalisation de sa politique monétaire et pourrait bientôt commencer à réduire la taille de son bilan. Étant donné la reprise plus rapide aux États-Unis, la Réserve fédérale est en avance sur la Banque centrale européenne et la Banque du Japon, pour lesquelles un relèvement des taux d’intérêt n’est pas encore imminent. Par ailleurs, cependant, il semble encore probable que la politique budgétaire américaine devienne plus expansionniste au cours des deux prochaines années. Si l’excédent des capacités qui subsiste dans l’économie américaine est faible, il pourrait en résulter de l’inflation et une augmentation des taux d’intérêt plus rapide que prévu, ce qui entraînerait une forte appréciation du dollar et d’éventuels problèmes pour les pays émergents et certains pays en développement, en particulier ceux dont la monnaie est rattachée au dollar ou qui ont des passifs élevés en dollars. Le rééquilibrage souhaitable de l’économie chinoise se poursuit, comme en témoignent la baisse de l’excédent des transactions extérieures courantes du pays et l’augmentation de la part des services dans son PIB, mais la croissance reste tributaire d’une hausse du crédit si rapide qu’elle pourrait menacer la stabilité financière à terme. Ces problèmes pourraient à leur tour se propager à d’autres pays.

En plus des facteurs d’incertitude ci-dessus, une série distincte de menaces est liée à la montée, dans les pays avancés, de mouvements politiques qui remettent en question l’intégration économique internationale — peu importe qu’il s’agisse de systèmes multilatéraux fondés sur des règles pour la gouvernance du commerce, d’arrangements régionaux plus ambitieux tels que la zone euro et l’Union européenne ou de normes de réglementation financière qui sont arrêtées au niveau mondial. Un rejet du multilatéralisme à grande échelle pourrait entraîner des blessures auto-imposées telles qu’un protectionnisme généralisé ou une surenchère à la baisse dans la surveillance financière — un combat « tous contre tous » dont tous les pays sortiraient perdants.

Au bout de nos peines ?

Donc, l’économie mondiale monte peut-être en puissance, mais nous ne pouvons pas être sûrs que nous sommes au bout de nos peines. Comment les pays peuvent-ils préserver et nourrir la reprise de l’économie mondiale?

Il n’y a pas de prescription universelle pour des pays différents qui se trouvent à des stades différents du cycle conjoncturel. Les tensions déflationnistes ont diminué de manière générale, mais la politique monétaire doit rester accommodante lorsque l’inflation reste de manière tenace en deçà des objectifs fixés. Des mesures budgétaires propices à la croissance, en particulier dans les pays qui disposent d’un espace budgétaire, peuvent soutenir la demande là où cela reste nécessaire, ainsi qu’accroître l’offre et réduire les déséquilibres extérieurs. Tous les pays ont la possibilité d’opérer des réformes structurelles qui peuvent rehausser la production potentielle et la résilience aux chocs, même si les priorités en matière de réforme diffèrent d’un pays à l’autre.

Pour éviter les dégâts qu’occasionneraient des mesures protectionnistes, un engagement renouvelé en faveur du multilatéralisme est nécessaire pour soutenir le commerce, avec en complément des mesures prises au niveau des pays pour aider les travailleurs qui souffrent d’une série de transformations économiques structurelles, liées notamment au commerce. Le commerce a été un moteur de la croissance : il a conduit à des augmentations impressionnantes du revenu par habitant et à un recul de la pauvreté dans le monde entier, en particulier dans les pays plus pauvres. Mais ses bienfaits n’ont pas toujours été partagés de manière égale au sein des pays, et le soutien politique au commerce continuera de diminuer à moins que les pouvoirs publics s’emploient à investir dans la main-d’œuvre et à faciliter l’ajustement aux perturbations. Un autre document que nous avons publié récemment avec la Banque mondiale et l’Organisation mondiale du commerce examine différentes orientations. Il est important de noter que ces mesures non seulement favorisent le commerce, mais aussi facilitent l’ajustement à une série de changements structurels, y compris ceux liés aux rapides progrès technologiques. Elles peuvent aussi accroître la production potentielle.

La coopération internationale est essentielle

La croissance et la stabilité mondiales dépendent d’une collaboration multilatérale pour toute une série de problèmes qui traversent les frontières nationales, pas seulement le commerce. Il s’agit notamment de la surveillance financière, de l’évasion fiscale, du climat, des maladies, de la politique des réfugiés et de la lutte contre la famine. Par le passé, des approches reposant sur la cohérence sociale et la coopération ont donné de meilleurs résultats qu’une attitude de rejet. Cependant, les dirigeants nationaux doivent travailler avec ardeur pour veiller à ce que les gains tirés de la maîtrise de cette interdépendance, qui sont considérables, soient partagés avec le plus grand nombre.
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Maurice Obstfeld est le Conseiller économique et Directeur du Département des études du FMI, en disponibilité de l’Université de Californie, à Berkeley, où il est professeur d’économie (promotion de 1958) et anciennement Directeur de la faculté d’économie (1998-2001). Professeur à Berkeley depuis 1991, il a auparavant occupé les postes de professeur titulaire à Columbia (1979–1986) et à l’Université de Pennsylvanie (1986–89), et de professeur invité à Harvard (1989–90). Il a obtenu son doctorat en économie au MIT en 1979, après avoir étudié à l’Université de Pennsylvanie (licence, 1973) et au King’s College de l’Université de Cambridge (maîtrise, 1975). De juillet 2014 à août 2015, M. Obstfeld a été membre du Conseil des conseillers économiques du Président Obama. De 2002 à 2014, il a occupé le poste de conseiller honoraire auprès de l’Institut d’études économiques et monétaires de la Banque du Japon. Il est en outre membre de la Société d’économétrie et de l’Académie américaine des arts et des sciences. M. Obstfeld a notamment reçu les distinctions suivantes : le prix Tjalling Koopmans de l’Université de Tilburg, le prix John von Neumann du Rajk Laszlo College of Advanced Studies (Budapest), et le prix de l’Institut Bernhard Harms de l’Université de Kiel. Il a participé à des conférences de renom, dont la conférence annuelle Richard T. Ely de l’American Economic Association, la conférence L. K. Jha Memorial de la Banque de réserve de l’Inde, et la conférence Frank Graham Memorial de l’Université de Princeton. M. Obstfeld a été membre du Comité de direction ainsi que Vice-président de l’American Economic Association. Il a également été consultant et a donné des cours au FMI, ainsi que dans de nombreuses banques centrales dans le monde. Il a par ailleurs coécrit deux des ouvrages phares en économie internationale — Économie internationale (10e édition, 2014, avec Paul Krugman et Marc Melitz), et Foundations of International Macroeconomics (1996, avec Kenneth Rogoff) —, ainsi qu’une centaine d’articles de recherche sur les taux de change, les crises financières internationales, les marchés mondiaux de capitaux et la politique monétaire.



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