Augmentation de la dette des ménages : les conséquences pour la croissance et la stabilité

Nico Valckx
3 octobre 2017


La dette des ménages, y compris immobilière, est en augmentation depuis la crise financière mondiale (photo : Louoates/iStock).

La dette fait tourner les rouages de l’économie. Elle permet aux particuliers de réaliser des investissements importants, tels qu’acheter une maison ou aller à l’université, en engageant une partie de leurs futurs revenus.

En théorie, c’est une très bonne chose. Mais comme l’a montré la crise financière mondiale, une croissance rapide de la dette des ménages — surtout les crédits hypothécaires — peut se révéler dangereuse.


Une nouvelle étude du FMI examine les conséquences probables de la hausse de la dette des ménages pour différents types d’économies, ainsi que les mesures qui peuvent être prises pour atténuer ces conséquences et pour maintenir l’endettement à un taux raisonnable. L’étude conclut que les avantages à court terme de l’endettement ont un coût à moyen terme, mais qu’il existe de nombreuses possibilités de concilier ces coûts et ces avantages, selon le chapitre 2 de l’édition d’octobre 2017 du rapport du FMI sur la stabilité financière dans le monde.

Après une crise aussi destructrice, on aurait pu s’attendre à ce que les gens hésitent à emprunter davantage. Étonnamment, ce n’est pas le cas : depuis 2008, l’endettement des ménages, en pourcentage du PIB, a largement augmenté dans les 80 pays analysés. Dans les pays avancés, le ratio médian de la dette atteignait 63 % l’an dernier, contre 52 % en 2008. Dans les pays émergents, il est passé de 15 à 21 %.

Revirement de situation


Notre étude indique qu’à court terme, une hausse de l’endettement des ménages est susceptible de stimuler la croissance économique et l’emploi. Mais après trois à cinq ans, les effets s’inversent : la croissance est plus faible qu’en temps normal et le risque de crise financière augmente. Ces effets sont plus prononcés lorsque le taux d’endettement est plus élevé, ce qui est généralement le cas des pays avancés, et le sont moins lorsque ce taux est plus faible, comme dans de nombreux pays émergents.

Comment s’explique ce basculement? Dans un premier temps, les ménages s’endettent pour acheter de nouveaux biens, tels qu’une maison ou une voiture. Cela stimule l’économie à court terme, car les secteurs de l’automobile et du bâtiment engagent de la main-d’œuvre. Mais par la suite, les ménages fortement endettés peuvent se trouver contraints de réduire leurs dépenses pour rembourser leurs emprunts, ce qui freine la croissance. Et comme l’a montré la crise de 2008, un choc économique soudain — tel qu’une baisse des prix de l’immobilier — peut déclencher une spirale de défaut de paiement qui ébranle tout le système financier.

Concrètement, notre étude indique qu’une augmentation du ratio dette des ménages/PIB de 5 points de pourcentage en trois ans est suivie trois ans plus tard d’une diminution de 1,25 point de pourcentage de la croissance ajustée en fonction de l’inflation. La hausse de l’endettement est liée à une forte hausse du chômage jusqu’à quatre ans plus tard. Enfin, une hausse de 1 point de pourcentage de la dette augmente d’autant le risque d’une future crise bancaire. C’est une augmentation considérable, étant donné que la probabilité de crise est de 3,5 %, même sans hausse de la dette.

Heureusement, les décideurs ont plusieurs moyens de diminuer les risques. Les pays qui présentent une dette extérieure moindre et un régime de change flottant et qui sont plus avancés financièrement sont mieux à même de surmonter les conséquences.


Atténuer les risques

Une meilleure réglementation du secteur financier et une réduction des inégalités de revenu y contribuent également. Mais ce n’est pas tout : les pays peuvent atténuer les risques en prenant des mesures qui modèrent la croissance de l’endettement des ménages, par exemple en modifiant l’acompte nécessaire pour l’achat d’une maison ou la part du revenu qui peut être consacrée au remboursement de la dette. L’adoption de politiques avisées et de solides cadres institutionnels et réglementaires peut donc faire la différence, même dans les pays dont le ratio dette des ménages/PIB est élevé. Les pays dont les politiques sont inadaptées sont plus vulnérables, même s’ils présentent initialement un faible taux d’endettement des ménages.
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Nico Valckx est économiste principal au Département des marchés monétaires et de capitaux du FMI. Il s’intéresse principalement à l’évolution structurelle du secteur financier. Il a travaillé auparavant sur des questions de politique monétaire et financière de la zone euro au sein du Département Europe du FMI, et sur des questions de stabilité financière et de recherche financière à la Banque centrale européenne et à la Banque des Pays-Bas. Il est titulaire d’une maîtrise de l’Université catholique de Louvain et d’un doctorat en économie financière appliquée de l’UFSIA (Université d’Anvers).



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