Routes ou écoles : un choix crucial

Manoj Atolia, Bin Grace Li, Ricardo Marto, et Giovanni Melina
9 novembre 2017

Les pays en développement tendent à consacrer une plus faible part de leur PIB aux écoles qu’aux routes (iStock par Getty Images).

Des routes ou des écoles? La question rappelle le dilemme «des canons ou du beurre» auquel se confrontaient les gouvernements du monde entier au XXe siècle : à quoi consacrer les ressources limitées dont dispose un pays pour maximiser le bien-être de sa population?

Comme le montre notre récent document de travail du FMI, en proportion du PIB, les pays en développement tendent à dépenser moins en écoles qu’en routes, bien que les besoins en éducation y soient particulièrement pressants.

Nous distinguons deux catégories de dépenses d’investissement infrastructurel : celles consacrées à l’infrastructure économique, qui comprend les équipements - routes, voies ferrées, ports, adductions d’eau, énergie et télécommunications - permettant à l’économie de mieux fonctionner; et les dépenses liées à l’infrastructure sociale, notamment aux écoles, aux hôpitaux ou aux universités, qui fournissent principalement des services sociaux. Pour simplifier, nous parlons de routes et d’écoles.

Le handicap des écoles

Pourquoi ce choix? Parce que financer des routes procure un gain de productivité beaucoup rapide – même si, à long terme, l’investissement dans le système éducatif rapporte beaucoup plus en termes d’augmentation de la production.

La décision devrait être extrêmement simple. Pour un pays en développement moyen, à long terme, une augmentation permanente de l’investissement dans les écoles d’un point de PIB permet d’accroître la production de 24 %, alors que le même investissement dans la construction de routes ne permet de gagner que 5 %.

Cependant, le principal critère qui guide les choix des dirigeants politiques est sans doute celui du résultat à court terme, et c’est ce qui fait pencher la balance en faveur des routes. Construire des routes plutôt que des écoles procure plus de croissance pendant les 13 premières années. À l’inverse, investir dans les écoles ralentit la croissance pendant neuf ans, essentiellement en raison des variations de l’offre de main-d’œuvre et des coûts budgétaires inhérents.

Myopie politique

À terme, les retombées positives de l’investissement dans les écoles dépassent celles d’une dépense équivalente en routes. Mais ce retournement prend 24 ans, et peu de dirigeants raisonnent aussi loin. Nous parlons de «myopie politique».

L’investissement dans l’éducation entraîne une augmentation de la dette publique trois fois supérieure à celle que provoque la dépense sur le réseau routier. En pourcentage du PIB, l’écart persiste encore plus longtemps, ce qui prolonge les risques pour la viabilité de la dette.

Cela ne fait qu’accroître la réticence des dirigeants politiques à engager des ressources pour le système éducatif.

Mais en faisant un effort initial massif, stratégie que nous appelons «le coup de collier», les résultats mettent moins de temps à se matérialiser : les gains de croissance issus de l’investissement dans l’éducation commencent à dépasser ceux produits par l’investissement dans les routes au bout d’une vingtaine d’années, soit environ quatre ans plus tôt.

Coûts à court terme

Bien sûr, à court terme, le «coup de collier» coûte plus cher. Augmenter rapidement les dépenses consacrées aux écoles a des effets négatifs sur la consommation privée, l’offre de main-d’œuvre et la production à court et moyen terme. Les impôts augmentent, de même que le fardeau de la dette à court terme. Mais au bout d’une vingtaine d’années, le taux d’endettement public par rapport au PIB revient à son niveau initial, voire plus bas, car la production augmente plus rapidement. Sur le plan budgétaire, avec la stratégie du «coup de collier», le handicap de l’école par rapport aux routes disparaît presque complètement.

Mais cela ne suffit pas forcément à corriger la myopie politique. Pour gérer les difficultés à court terme, le soutien des institutions multilatérales peut être nécessaire. Plus précisément, notre document de travail recommande d’apporter des financements concessionnels et des dons pour inciter les responsables politiques à privilégier l’investissement dans l’éducation.

Conditionner l’aide à l’investissement dans les écoles serait un moyen de remédier à la myopie; prêter à des conditions concessionnelles apaiserait en partie les réticences dites d’intolérance à la dette.
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Bin Grace Li est économiste principale au Département des études du Fonds monétaire international. Ses travaux portent sur la macrofinance, l’économie du développement et la finance internationale. Elle a auparavant été économiste chargée des États-Unis et du Canada et se consacrait aux aspects économiques de la politique monétaire et du secteur extérieur. Elle a enseigné un cours sur le développement et la croissance à la Nitze School of Advanced International Studies (SAIS) de l’université Johns Hopkins en 2009-2010. Elle a publié dans des revues scientifiques internationales des articles sur le secteur bancaire, le développement, les matières premières et la politique budgétaire. Elle est docteur en économie de l’Université de Chicago.


Giovanni Melina est économiste au Département des études du Fonds monétaire international. Il a auparavant été Professeur associé en macroéconomie à la City, University of London. Il a publié des articles dans les domaines de la macroéconomie et de la politique monétaire et budgétaire. Ses travaux portent sur les sources et le mode de propagation des chocs macroéconomiques, la définition des politiques de stabilisation monétaire et budgétaire et le lien entre politique macroéconomique et croissance dans les pays en développement. Il est titulaire d’un doctorat en économie de Birkbeck, University of London.

Manoj Atolia est Professeur d’économie (chaire Bernard F. Sliger) au Département d’économie de la Florida State University (FSU). Ses domaines de recherche sont la macroéconomie, l’économie internationale et la macroéconomie du développement. Il est entré à la FSU en 2004 et depuis a également été consultant pour l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et a travaillé pendant deux ans en qualité d’économiste principal au Fonds monétaire international (FMI). Il est docteur en économie de l’Université d’Indiana à Bloomington.

Ricardo Marto est doctorant à l’Université de Pennsylvanie. Il a précédemment travaillé au Département des études du Fonds monétaire international et à la Banque interaméricaine de développement. Ses travaux portent sur la macroéconomie internationale, l’économie du développement et l’économétrie des séries temporelles.



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