Renforcer la stabilité financière en Chine

Ratna Sahay et James P. Walsh
6 décembre 2017

Agence bancaire à Pékin, Chine. Les dirigeants chinois ont fait de la stabilité financière une de leur principales priorités (photo :Stephen Shaver/UPI/Newscom).

Les dirigeants chinois ont fait de la stabilité financière l’une de leurs priorités. Au vu de la taille et de l’importance du marché chinois, qui compte les plus grandes banques et le deuxième plus gros marché boursier du monde, cette décision est une bonne nouvelle pour la Chine et pour le monde. Le système financier est présent dans presque toutes les dimensions de l’activité économique, étant donné son rôle essentiel dans la croissance rapide de l’économie et dans la forte réduction des taux de pauvreté.

La Chine cesse progressivement d’être l’usine du monde et s’oriente vers une économie plus moderne axée sur la consommation. Durant cette transition, néanmoins, des tensions sont apparues dans le secteur financier.

Trois sources de préoccupation

Le FMI a récemment achevé son Programme d’évaluation du secteur financier (PESF) pour la Chine. Cette évaluation met en évidence trois sources de préoccupation importantes et interdépendantes portant sur le système financier chinois.

• Expansion du crédit. L’accent mis sur le maintien de la croissance et de l’emploi s’est traduit par une croissance rapide et soutenue du crédit malgré le ralentissement de l’économie. L’essentiel de cette dette a été contracté par des entreprises, dont les perspectives ne sont pas toujours florissantes, et par des administrations locales, mais une part de plus en plus importante de cette dette est due par les ménages. La croissance du crédit est un indicateur important de futures difficultés financières, car les exigences en matière de crédit sont souvent assouplies pour consentir plus de prêts rapidement.

• Complexité. Les règles encadrant les prêts bancaires aux secteurs traditionnels, comme la construction et l’immobilier, ont conduit les emprunteurs à risque à délaisser les banques et à se tourner vers des produits financiers moins réglementés. Par ailleurs, les banques proposent des produits de gestion du patrimoine de plus en plus complexes aux épargnants en quête d’actifs à haut rendement.

• Garanties. Les banques dédommagent souvent les investisseurs des pertes subies sur les produits financiers afin de préserver leur réputation, l’État est intervenu à plusieurs reprises pour stabiliser les marchés financiers et les investisseurs en sont arrivés à penser que les entreprises publiques seraient renflouées si elles rencontraient des difficultés. Mais protéger les investisseurs et les entreprises contre les pertes les incite à sous-estimer les risques et peut entraîner une mauvaise allocation des investissements vers des activités économiques moins productives.

Ajoutés les uns aux autres, ces facteurs ont donné naissance à un système financier particulièrement dynamique et évoluant rapidement qu’il est très difficile de surveiller. Supprimer les garanties implicites – laisser les marchés chuter, les entreprises faire faillite et les investisseurs perdre de l’argent – est particulièrement délicat. De meilleurs systèmes de protection sociale, une amélioration de l’éducation financière et un renforcement des procédures de faillite seront utiles. Mais la croissance du crédit ne ralentira pas durablement, à moins de consentir davantage à des pertes d’emploi et à un ralentissement de la croissance économique, en particulier à l’échelle locale, et de trouver de nouvelles sources de recettes pour les administrations locales.

Objectif clé

Les autorités chinoises sont conscientes de ces risques et cherchent à les contenir. En avril, le président Xi Jinping a qualifié la stabilité financière d’objectif clé pour la Chine. Depuis le dernier PESF en 2011, les autorités du pays n’ont cessé de renforcer la supervision des banques, des compagnies d’assurance et des entreprises d’investissement.

Les principales recommandations du PESF pour poursuivre les améliorations portent sur cinq domaines de premier plan : la surveillance du risque systémique, la coordination entre agences, les fonds propres des banques, les volants de liquidité et la gestion des crises. Examinons de plus près les recommandations du FMI dans chacun de ces domaines.

• Les autorités chinoises devraient créer un organisme, uniquement centré sur la stabilité financière, afin de renforcer la surveillance du risque systémique. En abordant et en examinant régulièrement les problèmes de façon interinstitutionnelle, un tel organisme pourrait contribuer à détecter les risques systémiques et à formuler des recommandations à l’intention des superviseurs exécutifs. Améliorer la qualité des données sera, à cet égard, important.

• Les superviseurs du secteur financier doivent jouir d’une plus grande indépendance pour s’acquitter de leurs mandats sans craindre que leurs décisions soient infirmées. Ils ont également besoin de plus de ressources pour superviser correctement un système vaste et complexe. Enfin, une meilleure coordination (à toutes les échelles et pas seulement au plus haut niveau) est essentielle pour détecter et gérer les risques.

• L’ampleur de l’expansion du crédit rend nécessaire une augmentation progressive des fonds propres des banques pour amortir l’effet qu’un soudain retournement conjoncturel aurait sur elles. Un système financier de plus en plus complexe et interdépendant suppose également que plusieurs grandes banques disposent de fonds propres plus importants afin d’éviter que des chocs ne se propagent à d’autres pans du système financier. Enfin, les risques propres à la Chine – comme les dangers inhérents à l’élimination de vastes garanties implicites et l’existence d’importantes expositions hors bilan que les banques ont historiquement garanties – supposent des niveaux plus élevés de fonds propres dans l’ensemble du système durant la transition.

• Les banques et les autres institutions financières ont de plus en plus recours à des emprunts à très court terme pour financer leurs investissements. Afin de contenir les risques si ces flux venaient à s’inverser, les banques devraient détenir davantage d’actifs liquides et les règles relatives aux prêts entre institutions financières devraient être modifiées afin de promouvoir l’octroi de prêts plus sûrs et à plus long terme.

• Plusieurs éléments d’un cadre de gestion des crises efficace sont déjà en place. De nouvelles réformes sont nécessaires pour réduire l’utilisation de fonds publics pour gérer des institutions financières fragiles, tout en s’assurant qu’elles peuvent faire défaut sans danger, par exemple en étendant les pouvoirs de règlement administratif conformément aux normes internationales.

Superviser l’un des systèmes les plus vastes et les plus complexes est une tâche difficile. Les autorités chinoises ont déployé beaucoup d’efforts pour rester en phase avec l’essor de ce système et l’innovation dans ce domaine mais, comme dans tous les pays, de nombreuses lacunes demeurent. Les autorités ont récemment créé une Commission de la stabilité et du développement financiers pour suivre les risques systémiques et lutter contre les perturbations financières. Elles ont également annoncé de nouvelles règles pour limiter le degré de risque des produits de gestion d’actifs. Répondre à ces préoccupations devrait aider la Chine à poursuivre sa croissance rapide et sûre.

L’équipe de direction du PESF comptait Ratna Sahay, Simon Gray, Alvaro Piris et James P. Walsh.
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Ratna Sahay est Directrice adjointe du Département des marchés monétaires et de capitaux. Elle a précédemment occupé divers postes au sein du Département des études, du Département financier, des départements Asie, Europe, Moyen-Orient et Hémisphère occidental du FMI où elle a dirigé d’importants projets d’analyse et de politique générale ainsi que plusieurs missions dans des pays émergents. Mme Sahay a écrit dans de nombreuses publications de premier plan sur des sujets tels que les effets de contagion des marchés financiers et les crises financières, l’inflation, la croissance économique, la politique budgétaire et la viabilité de la dette et les économies en transition. Elle a enseigné à l’Université de Delhi, à l’Université de Columbia et à l’Université de New York où elle a obtenu un doctorat en sciences économiques.


James P. Walsh est Chef adjoint au sein du Département des marchés monétaires et de capitaux du FMI. Il travaille principalement sur les questions liées à la politique monétaire et à la stabilité financière, en particulier en Asie et dans les Amériques. Il est également chef de mission adjoint de l’évaluation conjointe du FMI et de la Banque mondiale du secteur financier chinois. Dans le cadre de ses précédentes missions pour le Fonds, il a participé à la surveillance bilatérale de différents marchés émergents dans toutes les régions du monde, dont la Chine et l’Inde. Ses travaux portent sur les liens macro-financiers, l’inflation, le financement de projets d’infrastructure et les risques financiers systémiques et il a coédité un ouvrage sur les systèmes financiers en Asie. Il a également travaillé au sein du Département d’élaboration des politiques du FMI où il a analysé la surveillance par le Fonds des pays en développement. Il est titulaire d’un doctorat en sciences économiques de l’Université de Chicago et d’une licence en sciences économiques de l’Université de Pennsylvanie.



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