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Hausse des cours du blé : il faut amortir les retombées sur les pauvres par Masood Ahmed

par Masood Ahmed, Directeur du Département Moyen-Orient et Asie centrale, Fonds monétaire international

Publié le 22 octobre 2010 par le site Bahdja.com

Dans une perspective mondiale, la récente hausse des cours internationaux du blé ne laissera pas certainement pas d’empreinte durable. Les cours restent bien en deçà de leurs niveaux de 2008, même s’ils ont fait un bond de près de 85 % au cours des deux mois précédant août. Cette flambée a été causée par des chocs de l’offre dûs aux conditions climatiques des grands exportateurs de blé que sont la Russie, le Kazakhstan et l’Ukraine, pays qui comptent pour 15 % de la production mondiale. D’après les projections, la diminution de la production mondiale résultant de ces perturbations dépasserait tout juste 5 % en 2010. Bien que cette chute soit la plus forte enregistrée en 15 ans, elle reste, cependant, dans les limites des normes historiques. Par ailleurs, la production de blé devrait se redresser rapidement en 2011, hypothèse faite d’un retour à des conditions climatiques normales. En fait, les marchés n’anticipent pas de nouvelles hausses de prix, à preuve le niveau des cours repris dans les contrats à terme. Les projections font apparaitre en outre que les effets de débordement sur les autres denrées alimentaires seront limités, compte tenu du caractère temporaire du pic des cours du blé, de l’abondance des récoltes concernant les autres grands produits et de la stabilité des cours de l’énergie.

Ce pronostic mondial est certes réconfortant, mais pour quelques-uns des pays de la région MOAN fortement tributaires d’importations de blé , la hausse des cours se traduira par un alourdissement du coût des importations. L’Algérie et le Yémen sont les deux pays qui devraient subir la plus forte hausse de leur facture céréalière — elle pourrait atteindre ½ % du PIB au second semestre de 2010. En Égypte, l’un des plus gros importateurs de blé au monde, et en Irak, les stocks existants serviront à amortir temporairement l’effet immédiat de la hausse du coût des importations.

Le renchérissement du blé peut avoir un impact sensible sur la population de certains pays de la région MOAN, étant donné l’importance du blé dans la consommation. Dans la mesure où la montée des cours sera répercutée sur les prix intérieurs, les ménages pauvres, principaux consommateurs de blé et de produits à base de blé, seront certainement les plus éprouvés. Cetimpact pourrait être durable, car les projections ne laissent pas entrevoir une baisse des cours internationaux dans unavenir prévisible. L’enjeu majeur pour les gouvernements est donc d’amortir les retombées negatives sur les catégories à faible revenu. L’idéal serait d’accorder des transferts directs aux plus démunis pour les aider à faire face à l’augmentation des prix alimentaires, mais dans les cas où les dispositifs de protection sociale ne sont pas suffisamment développés, des subventions alimentaires temporaires ou un abaissement des droits d’importation peuvent aussi être utiles.

L’Algérie, l’Arabie Saoudite, Bahreïn, l’Égypte, l’Irak, la Jordanie, le Koweït, le Maroc et la Syrie ont des dispositifs de subvention aux prix des denrées alimentaires ou du blé, mais aucune modification de ces structures n’a été annoncée, face à la hausse des cours internationaux du blé. Le Maroc a suspendu temporairement les droits d’importation sur le blé. La charge budgétaire supplémentaire liée à la hausse des prix du blé est supportable dans la plupart des cas, mais dans les pays disposant d’une faible marge de manœuvre budgétaire il pourrait être nécessaire de redéfinir les priorités en termes de dépenses et d’améliorer les efforts de recouvrement de recettes afin de maintenir les déficits dans les limites prévues.

Compte tenu des subventions en place, et en raison de la faible part du dans la consommation de la plupart des pays, l’impact sur l’inflation globale devrait être limité, encore que l’on ne puisse pas exclure des effets de débordement sur d’autres composantes de l’indice des prix à la consommation (IPC). Dans quelques pays, le blé représente, cependant une part importante du panier de la ménagère. Au Yémen et au Soudan, par exemple, il compte pour près de 10 % des dépenses des ménages et donc de l’indice des prix à la consommation. Le blé est aussi un élément important de l’IPC en Algérie, mais les subventions devraient amoindrir l’impact. En Égypte, au Liban et en Syrie, les prix du blé et des produits à base de blé sont réglementés, mais, jusqu’à présent, ces pays n’ont pas décidé de relever de relever ces derniers, et il ne devrait, en conséquence ne pas y avoir d’impact immédiat sur l’inflation globale. Le Liban a autorisé une hausse indirecte des prix en abaissant le poids du pain. Au cours des mois à venir, les banques centrales devront veiller de près à ce que la hausse exceptionnelle des cours du blé ne se traduise par une hausse durable de l’inflation.

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