Des mesures énergiques, seul moyen de raviver l’espoir pour l’économie mondiale

Par Olivier Blanchard, Conseiller économique et Directeur, Département des études, FMI
Affiché le 20 septembre 2011 par le blog du FMI - "iMFdirect"

L’économie mondiale est entrée dans une nouvelle phase périlleuse. La reprise s’est considérablement affaiblie et les risques baissiers s’accentuent fortement. Des mesures énergiques s’imposent d’urgence pour améliorer les perspectives et réduire les risques.

La croissance, forte en 2010, s’est alanguie en 2011. Nous avions prévu un certain repli, principalement en raison du rééquilibrage des finances publiques. Des événements ponctuels, comme la tragédie du séisme au Japon, offraient une explication plausible d’un ralentissement plus prononcé. Les premières données aux États-Unis sous-estimaient elles aussi l’ampleur du ralentissement. Maintenant que nous avons les chiffres en main, il est clair qu’il y avait également d’autres facteur à l’œuvre.

Le rééquilibrage marque le pas

Le double travail de rééquilibrage avait en effet marqué le pas, travail qui, comme nous l’avons déjà affirmé dans maints rapports, est indispensable pour assurer une croissance «forte, équilibrée et durable».

Rééquilibrage intérieur. Pour accompagner la croissance il faut que la demande des ménages et des entreprises augmente, dans un contexte de réduction des déficits budgétaires. Or, pour diverses raisons, cela n’est pas ce à quoi nous assistons. La pénurie de crédit bancaire, les séquelles de la forte expansion de l’immobilier et le haut niveau d’endettement de nombreux ménages, en définitive, freinent la reprise beaucoup plus que nous ne l’avions prévu.

Rééquilibrage extérieur. Les pays avancés qui accusent des déficits extérieurs courants — en particulier les États-Unis —ont besoin, pour compenser la faiblesse de la demande intérieure, d’un accroissement de la demande extérieure. Cela nécessite un basculement symétrique de la demande extérieure vers la demande intérieure dans les pays émergents qui affichent des excédents courants, en particulier la Chine. Ce rééquilibrage ne se fait pas. Si les déséquilibres ont diminué pendant la crise, cela tient plus à des facteurs conjoncturels qu’à un ajustement structurel de l’économie de ces pays. Nous nous attendons à une aggravation, et non à une diminution, des déséquilibres.

Le système financier suscite des inquiétudes

À eux seuls ces phénomènes nous auraient poussés à revoir à la baisse nos prévisions, mais la situation s’est encore aggravée sous l’effet d’une forte augmentation de la volatilité des marchés financiers depuis le milieu de l’été.

Les marchés sont plus sceptiques quant à l’aptitude des États à stabiliser leur dette. Les incertitudes, d’abord limitées aux pays situés à la périphérie de l’Europe, se sont étendues aux pays situés au cœur du continent et à d’autres nations, y compris le Japon et les États-Unis. Les craintes suscitées par les dettes souveraines ont fait naître des doutes quant à la solidité des banques détentrices de ces obligations, surtout en Europe. Cela a entraîné un gel partiel des flux financiers, les banques conservant beaucoup de liquidités et restreignant le crédit. La peur de l’inconnu est au plus fort. Les cours boursiers ont chuté, ce qui aura un impact défavorable sur les dépenses et la croissance dans les mois à venir.

La croissance ralentit

Cette situation nous a logiquement conduits à revoir à la baisse nos prévisions. Nous prévoyons désormais que la croissance mondiale sera d’environ 4 % en 2011 comme en 2012, alors que nous tablions sur 4,5 % en avril pour ces deux années.

Ce chiffre de 4 % pourrait paraître tout à fait honorable, mais la reprise est très inégale. Selon nos projections, en 2011, la croissance sera de 6,4 % dans les pays émergents, mais de seulement 1,6 % dans les pays avancés.

Comme d’habitude — mais il est bon de le répéter — ces prévisions supposent que les mesures sur lesquelles les pays se sont engagés seront effectivement prises.

Si tel n’est pas le cas, la situation pourrait être pire. La faiblesse de la croissance et les vulnérabilités budgétaires et financières risquent en effet de s’aggraver mutuellement. Une croissance timide rend le travail de rééquilibrage des finances publiques plus difficile, d’autant que ce rééquilibrage peut affaiblir encore davantage la croissance. L’affaiblissement de la croissance fragilise les banques, ce qui entraîne une contraction du crédit et un recul de la croissance. En résumé, les risques baissiers qui pèsent sur nos prévisions sont très clairs.

Je voudrais dire un mot sur les pays émergents et en développement : jusqu’à présent, ils ont été épargnés par cette conjoncture défavorable. Ils ont eu à faire à des flux de capitaux volatils, mais ont en général continué d’entretenir une croissance élevée. La situation pourrait cependant devenir plus difficile pour eux, avec un ralentissement de leurs exportations et une volatilité encore accrue des flux de capitaux.

Une action résolue des pouvoirs publics

Compte tenu du niveau modeste des prévisions de base et de la gravité des risques, il est essentiel de prendre des mesures énergiques. L’action doit porter sur trois volets.

1) Politique budgétaire. Il ne faut pas que le rééquilibrage des finances publiques soit trop hâtif, sinon il risque de miner la croissance. Il ne faut pas non plus qu’il soit trop lent, sinon il risque de saper la crédibilité. Son rythme doit être adapté à la situation de chaque pays; il reste indispensable que le rééquilibrage soit crédible à moyen terme. Au-delà de la politique budgétaire, il est aussi impératif de dynamiser la demande intérieure, notamment en maintenant des taux d’intérêt bas, en augmentant le crédit bancaire et en établissant des programmes d’aide au remboursement des crédits immobiliers.

2) Mesures financières. L’incertitude budgétaire ne va pas se dissiper du jour au lendemain. Et même dans l’hypothèse la plus optimiste, la croissance des pays avancés restera faible pendant quelque temps. Il faudra veiller à ce que les banques soient plus fortes, non seulement pour que le crédit augmente, mais aussi pour réduire les risques d’interactions pernicieuses. Pour un certain nombre de banques, en Europe surtout, cela nécessite de nouvelles injections de capitaux, de sources privées de préférence mais également de sources publiques si la nécessité s’en fait sentir.

3) Rééquilibrage des comptes extérieurs. On voit mal comment, même avec les mesures énumérées ci-dessus, la demande intérieure des États-Unis pourrait à elle seule engendrer une croissance suffisante dans ce pays. Il faut donc que les États-Unis s’appuient davantage sur la demande extérieure ou, autrement dit, qu’ils réduisent leur déficit extérieur courant. Un certain nombre de pays d’Asie affichant de gros excédents courants, notamment la Chine, ont fait part de leur intention de privilégier davantage la demande intérieure par opposition à la demande extérieure. Ces plans ne peuvent pas être mis en œuvre du jour au lendemain, mais il importe qu’ils soient déployés aussi rapidement que possible.

Pour conclure, nous ne pourrons miser sur une reprise plus robuste que si les gouvernements agissent de façon résolue sur la politique budgétaire, la remise en état du système financier et le rééquilibrage extérieur.



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