La zone rouge : envolée des risques pour la stabilité financière

Par José Viñals
Fonds monétaire international
Affiché le 21 septembre 2011 par le blog du FMI - iMFdirect

Nous sommes de nouveau dans la zone rouge. Depuis la précédente édition du Rapport sur la stabilité financière dans le monde, les risques pesant sur la stabilité financière se sont considérablement accrus — et le terrain gagné au cours des trois précédentes années a été en partie reperdu.

Plusieurs chocs ont récemment ébranlé le système financier mondial : des signes indubitables d’un ralentissement plus marqué de l’activité économique mondiale; de nouvelles turbulences des marchés dans la zone euro et l’abaissement de la note de crédit des États-Unis.

Cela nous a fait sombrer dans une crise de confiance causée par trois principaux facteurs : la faiblesse de la croissance, la faiblesse des bilans et la faiblesse du contexte politique.

1. La dégradation des perspectives de croissance et l’aggravation des risques baissiers ont amené les investisseurs à réévaluer la viabilité de la reprise économique, qui semble de plus en plus fragile.

2. Le ralentissement de la reprise économique et les réformes incomplètes ont stoppé les avancées dans l’assainissement des bilans. Cela a fait monter l’inquiétude quant à la santé financière des bilans des secteurs publics des pays avancés, des banques en Europe et des ménages aux États-Unis.

En Europe, les risques souverains se sont répercutés sur le système bancaire de la région. Il en a résulté des difficultés de financement pour beaucoup des banques opérant dans la zone euro et cela a fait chuter leur capitalisation boursière.

• Nous avons chiffré l’ampleur de ces répercussions sur les banques de l’Union européennes depuis l’éclatement de la crise de la dette souveraine en 2010. Au cours de cette période, les banques on dû faire face à une hausse du risque de crédit émanant des émetteurs souverains de la zone euro payant des marges élevées que nous estimons à environ 200 milliards d’euros. Si l’on ajoute l’exposition aux banques dans les pays de la zone euro où les écarts de taux sont élevés, on arrive à un total estimé à 300 milliards d’euros.

• Cette analyse permet d’expliquer le niveau actuel des tensions sur les marchés. Mais elle ne mesure pas les besoins de fonds propres des banques, car il faudrait pour cela une étude exhaustive des bilans et des comptes de résultats des banques.

• À cause de la pression croissante des marchés, les banques peuvent être forcées d’accélérer l’inversion du levier financier, de restreindre le crédit à l’économie réelle et donc d’aggraver le ralentissement de l’activité économique. Il est clair que c’est à éviter.

Aux États-Unis, la viabilité à long terme de la dette publique suscite des inquiétudes et d’intenses débats. Si l’on ne fait rien pour apaiser ces inquiétudes, elles pourraient provoquer une nouvelle flambée des risques souverains, et avoir des conséquences très néfastes, au niveau national et mondial. Dans le même temps, les ménages américains sont encore en train de redresser leurs budgets — ce qui pèse sur la croissance de l’économie, sur les prix du logement et sur les bilans des banques au États-Unis

Le troisième facteur de la crise de confiance est la faiblesse du contexte politique. Les gouvernements, de part et d’autre de l’Atlantique, n’ont pas encore réussi à mobiliser le vaste soutien politique en faveur des mesures nécessaires et les marchés ont commencé à mettre en doute leur détermination.

Les décideurs sont confrontés à un autre enjeu important. L’assainissement inachevé des bilans dans les pays avancés, conjugué à une période prolongée de taux d’intérêt bas, peut compromettre la stabilité financière tant des pays avancés que des pays émergents. Il faut des taux d’intérêt bas pour soutenir l’activité économique dans la situation actuelle. Ils peuvent aussi ménager le temps de remettre en état les bilans publics et privés. Mais si ce temps n’est pas bien employé, et que cette remise en état reste incomplète, les taux bas peuvent menacer la stabilité financière à plus longue échéance :

• en encourageant la constitution de poches d’endettement excessives;

• en détournant la création de crédit vers le système bancaire parallèle plus opaque;

• et en poussant les flux de capitaux vers les pays émergents.

Que doivent faire les gouvernants? Il faut qu’ils changent de cap et s’appliquent non plus à traiter les symptômes de la crise, mais à remédier à ses causes profondes

Les pays avancés doivent résoudre de manière décisive et rapide la crise de confiance actuelle. Leurs problèmes majeurs — l’accroissement des risques souverains, la faiblesse des banques, et les répercussions des uns sur les autres — ne peuvent être réglés que par l’assainissement rapide et exhaustif des bilans.

•  Il faut assainir les bilans publics aux États-Unis, en Europe et au Japon, par des stratégies crédibles de rééquilibrage des finances publiques à moyen terme. C’est absolument essentiel.

• La situation des ménages américains surendettés pourrait être améliorée moyennant un programme plus ambitieux de réformes du crédit hypothécaire comprenant des réductions du principal.

• Et il faut que les banques de l’Union européenne réagissent face aux conséquences de leur exposition à des dettes publiques plus risquées. Il faut aussi qu’elles soient suffisamment solides pour soutenir la reprise économique par leurs crédits. Encore que des progrès importants aient été faits récemment, il faut que les banques constituent des volants de fonds propres suffisants. Certaines n’ont peut-être pas de gros besoins, mais ce n’est pas le cas d’autres établissements, surtout ceux qui sont très tributaires du financement de gros et exposés à des dettes publiques plus risquées. Il faut commencer par faire appel à des sources de capitaux privées. Si cela ne suffit pas, il pourrait être nécessaire d’injecter des fonds publics dans les établissements viables. Ceux qui ne le sont pas doivent faire l’objet d’une restructuration ou résolution.

Les pays émergents doivent prendre la mesure des risques actuels pour éviter de nouvelles crises à l’avenir. Compte tenu des antécédents de rapide expansion du crédit dans de nombreux pays émergents — souvent dans le contexte d’afflux massifs de capitaux — il faut que les décideurs empêchent l’aggravation des déséquilibres financiers lorsque le crédit continue à croître à vive allure, même si les afflux de capitaux ont un peu diminué depuis quelque temps.

Outre des politiques macroéconomiques saines, des mesures macroprudentielles et des dispositifs de gestion des flux de capitaux peuvent contribuer à résoudre ce dilemme. Dans le même temps, les pays émergents courent le risque d’un choc mondial potentiel qui pourrait entraîner une inversion des flux de capitaux et faire chuter la croissance économique. Notre analyse montre que l’impact sur les banques des pays émergents pourrait être considérable et cela justifie un accroissement des volants de fonds propres au sein du système bancaire.

Le manque d’actions suffisamment résolues pour remédier aux séquelles de la crise financière a conduit à la crise de confiance actuelle. Cela nous a fait replonger dans la zone rouge, et constitue une menace majeure pour l’économie mondiale.

Cependant, si le chemin d’une reprise soutenue s’est rétréci, il ne s’est pas effacé. Il est encore temps de prendre les bonnes décisions, qui contribueront à rétablir la stabilité financière dans le monde et à soutenir la croissance. Mais nous devons pour cela agir sans tarder, nous devons agir énergiquement et nous devons agir de manière concertée à l’échelle mondiale.



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