Des signes de progrès sur le front des finances publiques : suffiront-ils ?

Carlo Cottarelli, Directeur, Département des finances publiques, FMI
Affiché le 16 juillet 2012 par le blog du FMI - "iMFdirect"

Nous venons d’actualiser notre dernière évaluation des finances, des dettes et des déficits des administrations publiques des pays avancés et émergents.

Dans les pays avancés, l’ajustement budgétaire se poursuit à un rythme globalement approprié et plus ou moins conforme à nos prévisions d’il y a trois mois. Dans les pays émergents, l’ajustement marque une pause cette année et l’année prochaine, mais, là aussi, c’est une posture généralement appropriée, étant donné que nombre de ces pays ont des dettes et des déficits faibles.

Il y a lieu de se réjouir de l’amélioration des finances publiques de nombreux pays avancés, mais les pays qui subissent la pression des marchés ne peuvent pas se contenter de réduire les déficits pour échapper à la tourmente.

Signes de progrès

Il existe des signes clairs de progrès en matière budgétaire dans les pays avancés. Le déficit diminuera dans environ trois quarts de ces pays cette année, et dans près de 90 % l’année prochaine. Les ratios d’endettement aussi commencent à baisser : selon nos projections, un tiers des pays avancés verront leur ratio d’endettement fléchir cette année, et la moitié, l’année prochaine.

En Europe, la réduction des déficits signifie un moindre durcissement des politiques budgétaires à l’avenir, et donc le budget pèsera moins sur la croissance. En 2011-2012, le resserrement budgétaire dans la zone euro devrait s’élever cumulativement à 2½ points de pourcentage du PIB, et en 2013–14, au tiers de ce chiffre, ce qui est de bon augure pour la croissance.

Aux États-Unis, le rééquilibrage budgétaire risque de s’accentuer de façon spectaculaire l’année prochaine, qui ferait tomber l’économie dans le «précipice budgétaire» à la suite de l’expiration des allégements fiscaux, et des réductions automatiques de dépenses. Il serait préférable d’opter pour une réduction du déficit beaucoup plus contenue, menée dans le cadre d’un plan d’assainissement budgétaire à moyen terme.

Dans les pays émergents, on observe un certain affaiblissement des comptes budgétaires projetés. Nombre de ces pays devraient afficher des déficits plus importants que prévu cette année et l’année prochaine. Cet affaiblissement s’explique par la décélération de l’activité économique dans un contexte de situations budgétaires relativement plus solides. Dans une poignée de pays, il est souhaitable de mener une stratégie d’ajustement budgétaire plus ambitieuse, mais dans la plupart des cas, les pays émergents ont davantage de marge de manœuvre et certains l’utilisent judicieusement pour mettre l’économie à l’abri des effets de contagion.

Écarts de taux en déphasage avec les fondamentaux

En dépit des progrès accomplis dans l’ajustement des comptes budgétaires, les écarts de taux des obligations de certains pays de la zone euro restent très élevés, voire supérieurs à ce qui pourrait s’expliquer par des fondamentaux tels que la dette et les déficits, la croissance et l’inflation. Ainsi, l’Italie et l’Espagne paient des écarts de quelque 200-250 points de base supérieurs aux niveaux correspondant à leurs fondamentaux. Même un pays comme la France, dont le ratio d’endettement est inférieur à la moyenne de la zone euro, emprunte à des taux qui, sur les plus longues échéances, sont plus élevés que ceux que justifieraient sa dette, ses déficits et d’autres facteurs analogues.

(Vidéo disponible en anglais seulement)

Cela ne signifie pas que les fondamentaux n’ont pas d’importance, loin s’en faut. Des pays comme l’Italie, l’Espagne et d’autres, très endettés et déficitaires, doivent continuer de faire des progrès dans le rétablissement de leurs fondamentaux afin de réduire les taux d’intérêt et les risques d’une crise des marchés financiers. Pour autant, les fondamentaux ne suffisent pas, à eux seuls, à faire revenir les conditions du marché à la normale.

Pourquoi les écarts de taux sont-ils plus élevés que ne le justifie la situation budgétaire sous-jacente? Il y a plusieurs raisons, mais l’une d’elles est particulièrement importante, à savoir les problèmes qui se posent au projet euro. D’où la nécessité, non seulement de parachever le processus d’ajustement budgétaire en Europe, mais aussi de rassurer les marchés que le projet euro demeure viable. À cet égard, quelques bons progrès sont à signaler : à leur sommet de juin, les dirigeants européens se sont entendus sur quelques mesures importantes, qui, si elles sont entièrement mises en œuvre, contribueront à briser les interactions négatives entre les comptes publics et les bilans des banques, en évitant que les problèmes liés aux banques fragiles ne se répercutent sur l’endettement des États.

Des avancées ont également été réalisées en ce qui concerne le renforcement de la gouvernance budgétaire : 10 des 25 membres de l’UE signataires ont ratifié le traité du Pacte budgétaire, qui vise à consolider les cadres budgétaires et à plafonner les déficits structurels. Le Parlement européen a pour sa part adopté un projet de règlement appelé «two-pack», qui améliorera davantage la coordination des politiques budgétaires.

Mais il en faut beaucoup plus. En particulier, une intégration bancaire et budgétaire plus poussée demeure nécessaire. Il faudrait également envisager, à l’échelle de la zone euro, des mesures propres à stabiliser les conditions de financement sur les marchés de la dette souveraine, notamment la réactivation du Programme de rachat d’obligations souveraines, dans le cadre duquel des titres de créances publics et privés peuvent être achetés par des banques centrales de la zone euro, ou l’émission d’euro-obligations communes en montants limités.

Certes, des mesures comme celles-là ne sauraient se substituer à des avancées soutenues dans la réduction de la dette et des déficits dans les pays subissant la pression des marchés, mais elles peuvent contribuer à faire en sorte que ces pays tirent pleinement parti, au regard des marchés, de l’amélioration, durement acquise, de leurs fondamentaux budgétaires.



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