Entretenir la dynamique positive de l’économie mondiale

Par Christine Lagarde
Affiché le 14 mars 2017 par le blog du FMI - iMFdirect

Baden-Baden, ville d’eau allemande édifiée sur d’anciennes sources thermales, est un cadre particulièrement propice pour traiter de la santé de l’économie mondiale, ainsi que le feront les Ministres des finances et Gouverneurs de banque centrale du G-20 cette semaine.

Ces dirigeants auront sans doute en commun un regain d’optimisme face au récent renforcement de l’activité qui semble indiquer que l’économie mondiale pourrait sortir enfin d’un état de convalescence long de plusieurs années.

Les ripostes économiques ont joué un rôle important dans cette reprise et elles continueront de le faire pendant un certain temps. Pour entretenir une dynamique positive de croissance il faudra poursuivre des politiques macroéconomiques d’accompagnement. Les participants à la réunion devront agir, au plan individuel et collectif, pour rendre la croissance plus inclusive et résiliente.

Sommes-nous parvenus à un point d’inflexion? Pour simplifier, disons que oui, du moins pour l’instant. Les chiffres de croissance du deuxième semestre de l’année dernière étaient en général bons. Les indicateurs d’activité industrielle et de confiance remontent et certains signes donnent à penser que les volumes des échanges mondiaux leur emboîtent le pas.


C’est pour cette raison qu’en janvier, le FMI a projeté un rebond de la croissance mondiale à 3,4 % cette année pour 3,6 % l’année prochaine, contre 3,1 % en 2016.

• Cette embellie s’explique en partie par un redressement projeté de l’activité des pays avancés, dû notamment aux perspectives d’une politique budgétaire plus expansionniste aux États-Unis.

• Nous sommes particulièrement encouragés par l’activité dans la zone euro, au Royaume-Uni et au Japon, qui dépasse les attentes.

• Les pays émergents et les pays en développement, dans le sillage de la Chine et de l’Inde, représentent toujours plus des trois quarts de la croissance du PIB mondial en 2017. En outre, la situation devrait se normaliser au Brésil et en Russie, pays qui ont connu de profondes récessions.

Donc oui, l’économie mondiale va dans le bon sens. Mais il serait erroné de croire qu’elle va automatiquement retrouver une santé insolente.

De fait, il est difficile de trouver une période où les choix stratégiques aient eu autant d’importance pour l’avenir, d’autant que des risques considérables continuent de peser sur les perspectives.

Entretenir la dynamique

Dans certains pays avancés, par exemple, la demande reste faible et l’inflation tarde à revenir durablement aux objectifs fixés. Cette situation exige que l’on maintienne l’accompagnement monétaire et que l’on insiste davantage sur la politique budgétaire là où il existe des marges de manœuvre. Ces mesures devraient aller de pair avec des réformes structurelles propres à relever la productivité et à doper la croissance à long terme.

L’atonie de la demande touche moins les États-Unis, où la croissance aurait plus à gagner d’initiatives de renforcement de l’offre, comme par exemple des investissements pour remettre en état les infrastructures, une réforme de la fiscalité des sociétés pour une plus grande efficience, et l’amélioration de l’éducation.

Une croissance plus forte aux États-Unis serait certainement une bonne nouvelle pour l’économie mondiale, mais une variation du dosage des politiques aux États-Unis pourrait également avoir des effets en cascade ou entraîner des phénomènes de contagion. Par exemple, selon la nature des politiques menées par les États-Unis, un dollar plus fort et une montée des taux d’intérêt américains pourraient entraîner un durcissement plus fort que prévu des conditions financières mondiales. Cela pourrait entraîner des pressions sur certains pays émergents et à faible revenu.

Pour entretenir la dynamique de croissance observée actuellement il serait également bon que la transition de l’économie chinoise, vers une croissance plus modérée mais plus équilibrée, soit menée à bien et que les exportateurs de matières premières prennent d’autres mesures pour continuer de s’adapter au repli des cours.

Par-dessus tout, nous devons collectivement éviter de nous faire du tort à nous-mêmes. Il faut pour cela se garder de politiques susceptibles de nuire gravement aux échanges, aux migrations, à la circulation des capitaux et au transfert de technologies entre pays. De telles mesures seraient néfastes pour la productivité, les revenus et le niveau de vie de tous les citoyens.

Intégration économique mondiale

Le commerce international et l’innovation technologique ont permis aux pays de faire grossir le «gâteau» de l’économie, d’améliorer les niveaux de vie et de hisser des centaines de millions de personnes hors de la pauvreté. Mais il est possible de faire plus pour atténuer les effets indésirables parfois constatés de ces avancées, notamment sous la forme d’un creusement des inégalités de revenus, de pertes d’emplois dans les secteurs en déclin et de difficultés économiques et sociales tenaces dans les régions structurellement plus faibles.

Comment faire? La tâche n’est pas simple, mais pour commencer, il est possible de stimuler la croissance et d’en partager plus largement les fruits.


La première étape importante est de s’atteler sérieusement à créer de la croissance inclusive. L’écheveau complexe de problèmes économiques que connaissent différentes cultures, régions et groupes démographiques, ne nous a pas encore livré tous ses secrets. Nous savons néanmoins que les travailleurs qualifiés sont nettement mieux armés pour tirer avantage de l’innovation et de l’ouverture économique.

Cela signifie qu’il faut faire plus pour doter les travailleurs faiblement qualifiés des outils dont ils ont besoin pour chercher et trouver des emplois mieux rémunérés, notamment à la faveur de programmes d’éducation ciblés, de formations aux compétences et d’incitations à l’emploi.

• Ces politiques actives du marché du travail peuvent aider les travailleurs dans leur transition vers de nouveaux emplois. Les ressources qui y sont allouées varient considérablement d’un pays à l’autre. Le Danemark, par exemple, y consacre 1,9 % de son PIB, contre 0,1 % aux États-Unis.

• Bien sûr, il ne suffit pas de dépenser plus; encore faut-il dépenser plus efficacement. Certaines initiatives se sont montrées rentables, comme celles consistant à apporter une assistance bien conçue à la recherche d’emplois et à promouvoir les aptitudes recherchées par les employeurs.

Plus largement, tous les pays doivent activement promouvoir l’apprentissage tout au long de la vie pour préparer les citoyens aux changements technologiques. Singapour, par exemple, offre des aides non assorties de conditions pour permettre à tous les adultes de se former pendant toute leur vie active.

Autre priorité pour une croissance inclusive : il faut repenser les politiques de revenu et les systèmes fiscaux.

• Les primes pour l’emploi et le relèvement du salaire minimum peuvent être opportuns dans certains pays. Il en va de même des changements aux systèmes fiscaux et aux dispositifs de prestations sociales, notamment en instaurant une fiscalité des revenus plus progressive.

• Les études du FMI montrent qu’une démarche propre à éviter les inégalités excessives, loin de freiner la croissance, y contribue. Nous savons aussi que beaucoup d’objectifs ne sont pas forcément aussi incompatibles qu’on pourrait le croire : par exemple, la plupart des pays gagneraient à mener des réformes rendant leur système fiscal à la fois plus équitable et plus efficient.

Bref, nous avons la possibilité — et la responsabilité — de faire grossir le gâteau économique, ce qui facilitera son partage plus équitable.

Une réelle coopération internationale permettra de tirer le meilleur parti des politiques nationales si nous parvenons à :

• redoubler d’efforts pour corriger les déséquilibres extérieurs mondiaux et parachever les réformes destinées à renforcer les systèmes financiers;

• protéger et renforcer les échanges comme moteurs d’une croissance largement partagée;

• faire cause commune face aux urgences les plus pressantes de notre époque, depuis la sécurité mondiale ou les enjeux sanitaires jusqu’aux catastrophes naturelles et au changement climatique.

Les dirigeants du G-20 peuvent déplacer le curseur sur tous ces dossiers. Après plusieurs années d’enlisement dans une reprise molle, l’économie mondiale a besoin de se ressaisir, de reprendre des couleurs et de créer davantage de prospérité pour tous. Quel meilleur rendez-vous que Baden-Baden pour que les dirigeants réaffirment leur volonté de redonner à l’économie mondiale une santé robuste?
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Christine Lagarde est Directrice générale du Fonds monétaire international depuis juillet 2011. Après un premier mandat de cinq ans, elle a été reconduite dans ses fonctions en juillet 2016 pour un deuxième mandat. De nationalité française, elle a auparavant occupé le poste de ministre des Finances de son pays entre juin 2007 et juillet 2011. Elle a aussi été ministre d’État chargée du Commerce Extérieur pendant deux ans.

Par ailleurs, Mme Lagarde a poursuivi une longue et remarquable carrière d’avocate spécialiste du droit de la concurrence et du travail en qualité d’associée dans le cabinet international Baker & McKenzie, dont elle a été élue présidente en octobre 1999. Elle l’est restée jusqu’en juin 2005, date à laquelle elle a été nommée à son premier poste ministériel en France. Mme Lagarde est diplômée de l’Institut d’études politiques (IEP) et de la faculté de droit de l’université Paris X où elle a aussi enseigné avant de rejoindre Baker & McKenzie en 1981.

Une biographie plus détaillée est consultable à cette adresse.



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