Le secteur des fintech—Le meilleur des mondes financiers?

Par Christine Lagarde
Affiché le 21 mars 2017 par le blog du FMI - iMFdirect

Des smartphones à l’informatique en nuage, la technologie bouleverse rapidement toutes les facettes de la société, et notamment les télécommunications, les entreprises et l’administration. La sphère financière n’échappe pas à cette règle.

Le monde financier se trouve ainsi à la croisée des chemins. Or si la généralisation de nouvelles technologies comme les systèmes blockchain, qui reposent sur une chaîne de blocs, promet de nombreux avantages, elle présente aussi de nouveaux risques, qui menacent notamment la stabilité financière. Les autorités de régulation financière doivent relever ce défi, que j’ai d’ailleurs évoqué à Dubaï au Sommet mondial des gouvernements de 2017.

Nous devons par exemple définir le statut juridique des monnaies virtuelles, ou jetons numériques. Il faut lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme en trouvant le meilleur moyen d’exercer le devoir de vigilance à l’égard de la clientèle sur les virements de monnaie virtuelle. La technologie financière a aussi des conséquences macroéconomiques que nous devons mieux appréhender lorsque nous élaborons les stratégies qui visent à aider les pays membres du FMI à faire face à cette mutation rapide.

Des investissements en plein essor

La technologie financière, ou fintech, qui recouvre les produits, les développeurs et les opérateurs de systèmes financiers alternatifs, remet en cause les modèles économiques traditionnels, et se développe rapidement. Selon une estimation récente, les investissements dans ce domaine ont été multipliés par quatre entre 2010 et 2015 pour atteindre 19 milliards de dollars par an.

L’innovation technologique dans le secteur financier prend de multiples formes et va des prêts entre pairs au trading à haute fréquence, en passant par les mégadonnées et la robotique. Les exemples de réussites sont nombreux, comme les banques mobiles au Kenya et en Chine, qui intègrent des millions de personnes dépourvues de compte bancaire dans le système financier traditionnel, ou les échanges de monnaie virtuelle grâce auxquels les habitants des pays en développement transfèrent des fonds d’un pays à l’autre rapidement et à peu de frais.

Il nous faut donc être plus imaginatifs pour répondre aux nombreuses questions qui se posent : Comment ces technologies vont-elles précisément faire évoluer le monde de la finance? Vont-elles le transformer radicalement? Les banques vont-elles laisser la place à des systèmes utilisant des chaînes de blocs qui facilitent les transactions de pair à pair? L’intelligence artificielle va-t-elle remplacer les professionnels qualifiés? Si c’est le cas, des machines intelligentes fourniront-elles de meilleurs conseils aux investisseurs?

Le fait est que nous ignorons encore les réponses à ces questions. La technologie financière bénéficie d’investissements majeurs, mais la plupart de ses applications concrètes sont encore en phase d’essai.

Questions réglementaires

Les problèmes réglementaires ne font que commencer. Ainsi, les crypto-monnaies comme le Bitcoin peuvent servir à transférer des fonds anonymement entre les pays, ce qui accroît les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

Un autre risque, à moyen terme, est celui que l’arrivée sur le marché de nouveaux types de prestataires de services financiers pourrait faire peser sur la stabilité financière.

Les questions ne manquent pas. Faut-il, d’une façon ou d’une autre, réguler les algorithmes sur lesquels reposent les nouvelles technologies? Faut-il plutôt, du moins pour l’heure, faire une «pause réglementaire», en donnant aux nouvelles technologies le temps d’évoluer et en laissant les forces de l’innovation réduire les risques et optimiser les avantages?

Certains pays adoptent une approche créative et prévoyante de la réglementation en créant des espaces protégés tels que le Regulatory Laboratory à Abou Dhabi et le Fintech Supervisory Sandbox à Hong Kong.

Ces initiatives visent à encourager l’innovation en créant un cadre étroitement surveillé dans lequel les nouvelles technologies peuvent être développées et testées.

Au FMI, nous suivons de près l’évolution des fintechs. Nous avons publié l’an dernier un document sur les monnaies virtuelles, qui s’intéresse à leurs effets réglementaires, financiers et monétaires. Nous avons depuis élargi notre horizon pour couvrir de façon plus générale les applications des chaînes de blocs. Enfin, nous avons récemment mis en place un groupe consultatif de personnalités du secteur de la technologie financière pour mieux comprendre l’évolution de la situation, et nous devrions publier une nouvelle étude à ce sujet en mai.

À mon sens, c’est «le meilleur des mondes» pour le secteur financier. Aux yeux de certains, cette conception de l’avenir est terrifiante, à l’image de celle que dépeignait Aldous Huxley dans son célèbre roman.

On pourrait plutôt évoquer la vision de Shakespeare dans La tempête : «Ô miracle! — que de superbes créatures il y a ici! — Que le genre humain est beau! Oh! le splendide nouveau monde!»
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Christine Lagarde est Directrice générale du Fonds monétaire international. Après un premier mandat de cinq ans, elle a été reconduite dans ses fonctions en juillet 2016 pour un deuxième mandat. De nationalité française, elle a auparavant occupé le poste de ministre des Finances de son pays entre juin 2007 et juillet 2011. Elle a aussi été ministre d’État chargée du Commerce extérieur pendant deux ans.

Par ailleurs, Mme Lagarde a poursuivi une longue et remarquable carrière d’avocate spécialiste du droit de la concurrence et du travail en qualité d’associée dans le cabinet international Baker & McKenzie, dont elle a été élue présidente en octobre 1999. Elle l’est restée jusqu’en juin 2005, date à laquelle elle a été nommée à son premier poste ministériel en France. Mme Lagarde est diplômée de l’Institut d’études politiques (IEP) et de la faculté de droit de l’université Paris X où elle a aussi enseigné avant de rejoindre Baker & McKenzie en 1981.

Une biographie plus détaillée est consultable à cette adresse.



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