Dans un environnement financier mondialisé, quelle maîtrise les pays gardent-ils de leurs politiques économiques?

Par Selim Elekdag et Gaston Gelos
Affiché le 6 avril 2017 par le blog du FMI - iMFdirect

La perspective de nouvelles hausses des taux par la Réserve fédérale des États-Unis pose avec une acuité renouvelée une question cruciale : dans un système financier mondial toujours plus intégré, quelle maîtrise les autres pays gardent-ils de leurs politiques économiques?

Pour les décideurs économiques du monde entier, la question n’est pas seulement théorique.


Les événements mondiaux ont un tel impact sur les marchés financiers qu’il ne leur reste guère de marge d’action pour poursuivre leurs propres objectifs ― plein-emploi et maîtrise de l’inflation, par exemple.

Une évolution peu opportune

Voici une illustration simple de cet état de fait. Lorsque la Fed relève ses taux, les actifs américains, devenus plus rentables, attirent des capitaux d’autres pays. Ces pays risquent alors de faire monter leurs taux d’intérêt, et il deviendra plus difficile pour les consommateurs et les entreprises d’obtenir les prêts dont ils ont besoin pour consommer ou investir en nouveaux équipements. Cela serait mal venu dans les pays qui cherchent à maintenir les coûts du crédit à un faible niveau, par exemple pour lutter contre le chômage ou soutenir la croissance.

Dans le but d’évaluer la latitude qui reste aux banques centrales pour poursuivre leurs propres objectifs, la dernière édition du Rapport sur la stabilité financière dans le monde du FMI propose des indices mesurant, dans un grand nombre de pays avancés et émergents, l’évolution des conditions financières. Celles-ci renvoient au degré de facilité ou de difficulté à obtenir des prêts. Les conditions financières peuvent être influencées par les prix des obligations et par les taux de change. Il est utile de les mesurer pour évaluer l’impact probable des décisions de politique économique.

Chocs financiers

D’après nos indices, les événements d’échelle mondiale déterminent de 20 à 40 % des conditions locales, selon les pays. Cela laisse aux décideurs une marge d’action appréciable. Malgré l’intégration accrue des marchés financiers, le degré de contrôle qu’exercent les pays sur les conditions locales a peu diminué ces vingt dernières années. Toutefois, vu la rapidité et la puissance avec lesquelles les chocs financiers exogènes tendent à frapper les marchés locaux, les responsables économiques ont du mal à riposter promptement et efficacement.

Les États-Unis semblent peser d’un poids déterminant sur les conditions financières au niveau mondial, en partie parce que le dollar est la devise la plus utilisée dans les transactions internationales. Nous constatons que l’indice de conditions financières mondiales est étroitement corrélé avec ceux des États-Unis et avec l’indice de volatilité du Chicago Board Options Exchange, ou VIX, qui permet d’évaluer la perception du risque lié aux valeurs américaines.

Les pays émergents, plus sensibles aux conditions mondiales que les pays avancés, seraient avisés d’accroître leur résilience aux chocs mondiaux. Ils devraient approfondir leurs marchés financiers intérieurs et développer leur base d’investisseurs nationaux pour que leurs marchés soient moins sensibles aux fluctuations des flux financiers transfrontaliers.

Ces mesures revêtent actuellement une importance particulière, à l’heure où les conditions financières se durcissent suite au relèvement des taux par la Fed.
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Selim Elekdag est Chef adjoint de la Division analyse de la stabilité financière dans le monde au sein du Département des marchés monétaires et de capitaux du FMI. Auparavant, il a exercé diverses fonctions au sein du Département des études du FMI, ainsi que des Départements Europe et Asie-Pacifique, et a été Chef de mission pour Aruba. Il a également été Conseiller au Département des études et de la politique monétaire de la Banque centrale de Turquie. Ses travaux, centrés sur les questions macrofinancières, ont été publiés dans des revues universitaires prestigieuses. Il est titulaire d’un doctorat d’économie de l’Université Johns Hopkins.


Gaston Gelos est Sous-directeur du Département des marchés monétaires et de capitaux du FMI, où il dirige la Division de la monnaie et des politiques macroprudentielles. Auparavant, il a occupé plusieurs postes au Département des marchés monétaires et de capitaux, à l’Institut du FMI, au Département des études, et aux Départements Europe et Hémisphère occidental, notamment en tant que Représentant résident du FMI en Argentine et en Uruguay. Ses travaux, qui couvrent un large éventail de thèmes macrofinanciers, ont été publiés dans des périodiques universitaires de premier plan. Il est titulaire d’un doctorat de l’université de Yale et d’un Diplom de l’université de Bonn.



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