Renforcer la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

Christine Lagarde
26 juillet 2017

Le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme menacent la stabilité économique. La coopération internationale est vitale pour combattre l’utilisation abusive du système financier (photo: CraigRJD/istock by Getty images).

Fonctionnaire corrompus, fraudeurs du fisc et soutiens financiers du terrorisme ont une chose en commun : ils exploitent souvent les vulnérabilités des systèmes financiers pour faciliter leurs délits.

Le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme peuvent menacer la stabilité économique et financière d’un pays et promouvoir par ailleurs la violence et les comportements illégaux. C’est pourquoi de nombreux gouvernements redoublent d’efforts pour lutter contre ces pratiques, aidés en cela par des organisations internationales telles que le FMI.

Les mesures engagées dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (ce qu’il est convenu d’appeler la LBC/FT) visent à prévenir l’utilisation abusive du système financier. Leurs modalités consistent à détecter et communiquer les flux financiers suspects, à en confisquer le produit et à sanctionner les coupables.

Ce travail fait partie des activités du FMI depuis près de deux décennies, sous la forme d’analyses et de conseils, d’évaluations des politiques nationales par rapport aux normes de LBC/FT et d’un renforcement des capacités institutionnelles et opérationnelles.

Nous avons contribué aux progrès accomplis jusqu’à présent en collaborant étroitement avec nos pays membres et avec l’organisme normalisateur, le Groupe d’action financière (GAFI). Mais il reste du chemin à parcourir pour veiller à ce que les systèmes financiers accompagnent la croissance économique sans s’exposer à une utilisation abusive.

Notre action doit notamment porter sur trois fronts.

Premièrement, nous devons aider les pays à intensifier la lutte contre la corruption et la fraude fiscale. Nous publierons bientôt les résultats d’une nouvelle analyse qui montrent qu’une corruption systémique peut compromettre gravement la capacité d’un pays à assurer une croissance durable et inclusive.

Une fraude fiscale à grande échelle est également préjudiciable, car elle signifie généralement moins d’investissements dans la santé, l’éducation et d’autres services publics. Elle implique aussi un creusement des inégalités économiques, car les couches les plus vulnérables de la population sont les plus touchées par une baisse des dépenses sociales.

La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme peut contribuer à briser ce cycle économique vicieux. La Grèce en est un bon exemple : le renforcement du dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux, avec l’aide du FMI, y a facilité la saisie de centaines de millions d’euros provenant de délits fiscaux.

Deuxièmement, nous devons encourager la mise en place de moyens plus efficaces pour combattre le financement du terrorisme. Il s’agit de s’appuyer sur notre expérience. Très récemment, au Soudan, nous avons collaboré avec le gouvernement pour établir un dispositif d’application de sanctions financières ciblées.

Mais cela n’est pas suffisant. Les gouvernements doivent s’employer de plus en plus à exploiter les atouts de la technologie financière. Si la technologie financière peut être mal utilisée, notamment du fait du caractère anonyme des monnaies virtuelles, elle peut aussi être un puissant outil de renforcement de nos défenses face au financement du terrorisme.

Pensons à l’apprentissage machine et à d’autres outils d’intelligence artificielle qui pourraient être utiles pour détecter des tendances de flux financiers suspects, y compris des transactions de très faible montant. Et pensons à la technologie des plates-formes décentralisées («distributed ledger») qui pourrait protéger les systèmes financiers du cyberterrorisme.

Troisièmement, nous devons veiller à ce que les pays de petite taille et les pays fragiles aient accès à des services de correspondants bancaires qui les relient au système financier mondial. On craint vivement que les banques opérant à l’échelle mondiale réduisent leurs activités de correspondants bancaires de manière systématique afin de limiter le risque de contrevenir aux règles relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

Cela compromettrait le bien-être économique de plusieurs pays, notamment en Afrique, au Moyen-Orient, en Europe émergente, en Amérique latine et dans les Caraïbes. De nouvelles études montrent que les relations de correspondants bancaires ont effectivement été mises sous pression dans bon nombre de régions entre 2011 et 2016.

Soyons clairs : cette question comporte de nombreuses dimensions, qui impliquent les organismes de réglementation, le secteur financier et les pays touchés eux-mêmes. La meilleure riposte consiste à encourager des efforts concertés de la part de toutes les parties prenantes.

La bonne nouvelle, c’est que le GAFI a précisé récemment les attentes réglementaires au titre de la norme LBC/FT. Cela pourrait réduire la probabilité d’une réduction systématique des relations de correspondants bancaires.

Le FMI, pour sa part, s’efforce de rassembler les banques locales, les banques opérant à l’échelle mondiale et les autres parties prenantes importantes pour formuler des solutions pratiques, comme ce fut le cas récemment dans les Caraïbes, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, ainsi que dans les îles du Pacifique. Nous aidons aussi des pays, par exemple l’Angola et Samoa, à concevoir et appliquer des mesures face à la baisse des relations de correspondants bancaires.

De manière plus générale, le FMI continue de soutenir l’ensemble des efforts déployés dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Par exemple,

• Nous collaborons avec le Costa Rica, le Pérou et l’Uruguay pour mettre en place des stratégies nationales de LBC/FT;

• Nous avons aidé récemment l’Ukraine à améliorer son contrôle dans ce domaine;

• Nous avons aidé la Mongolie à renforcer la gouvernance et la capacité de sa cellule de renseignements financiers.

Au total, nous avons fourni une assistance technique dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme à 120 pays. Et je suis fière que notre aide ait permis à des pays tels que Myanmar, le Népal et le Soudan de ne plus être surveillés par le GAFI et de se reconnecter au système financier mondial.

Dans tous ces domaines, nous avons besoin d’une coopération internationale renforcée pour pouvoir éradiquer dans tous les pays les fléaux du terrorisme, de la corruption, de la fraude fiscale et de l’exclusion financière. Bien entendu, la tâche est interminable car les délinquants sont généralement très motivés et très habiles et comptent une longueur d’avance.

Pour citer le romancier et poète Sir Walter Scott : «Oh! Quelle inextricable toile nous tissons, lorsque nous commençons à nous exercer au mensonge».

Je suis convaincue que, tous unis, nous pouvons déchirer l’inextricable toile des transactions suspectes et traduire les fraudeurs en justice. L’intégrité financière en sortira renforcée, au même titre que la croissance, inclusive et profitant à tous.
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Christine Lagarde est Directrice générale du Fonds monétaire international. Après un premier mandat de cinq ans, elle a été reconduite dans ses fonctions en juillet 2016 pour un deuxième mandat. De nationalité française, elle a auparavant occupé le poste de ministre des Finances de son pays entre juin 2007 et juillet 2011. Elle a aussi été ministre d’État chargée du Commerce extérieur pendant deux ans.

Par ailleurs, Mme Lagarde a poursuivi une longue et remarquable carrière d’avocate spécialiste du droit de la concurrence et du travail en qualité d’associée dans le cabinet international Baker & McKenzie, dont elle a été élue présidente en octobre 1999. Elle l’est restée jusqu’en juin 2005, date à laquelle elle a été nommée à son premier poste ministériel en France. Mme Lagarde est diplômée de l’Institut d’études politiques (IEP) et de la faculté de droit de l’université Paris X, où elle a aussi enseigné avant de rejoindre Baker & McKenzie en 1981 en 1981.



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