Cause commune pour la stabilité et la croissance durable en Afrique centrale

Abebe Aemro Selassie
août 2017

Travaux des champs à Bafut, Cameroun. Six pays d’Afrique centrale ont adopté une stratégie pour redresser leur économie, avec le concours du FMI (photo : Heiner Heine/imageBroker/Newscom).

Six pays d’Afrique centrale ont été frappés de plein fouet par la chute des prix des matières premières. Les cours du pétrole se sont effondrés, la croissance économique a marqué le pas, la dette publique s’est alourdie et les réserves de change ont fondu. La riposte retardée des pouvoirs publics et un conflit régional ont aggravé davantage la situation pour les populations.

Les pays membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale sont leGabon, le Cameroun, le Tchad, la République centrafricaine , la République du Congo et la Guinée équatoriale . Ils partagent une même monnaie — le franc CFA — qui est rattachée à l’euro, et ont une banque centrale commune qui détient les avoirs en réserves de change de la région.

Face à leurs profondes difficultés économiques actuelles, les pays ont tracé une stratégie de redressement. Sa réussite dépendra de la mise en œuvre de politiques judicieusement coordonnées tant au plan national que régional.

Les pays de la région ont également fait appel à l’appui du FMI. Durant ces dernières semaines, le FMI a approuvé de nouveaux accords avec le Gabon, le Cameroun et le Tchad en vue d’appuyer leurs programmes, et une augmentation des financements en faveur de la République centrafricaine. Des entretiens ont par ailleurs été engagés avec la République du Congo et la Guinée équatoriale.

Chute des cours du pétrole

Le pétrole représente environ 60 % des exportations de la région. La chute des cours en 2014 a donc représenté un coup dur pour son économie, les recettes publiques tirées des exportations de pétrole ayant diminué de moitié entre 2014 et 2016. Le déficit du solde des transactions courantes de la région s’est ainsi nettement creusé, de 3,9 % du PIB en 2014 à 9,3 % du PIB en 2016.

Malgré une certaine compression des dépenses publiques pour compenser la diminution des recettes, la dette publique s’est alourdie, passant de 29 % du PIB en 2014 à 47 % du PIB en 2016.

Aux difficultés économiques sont venus s’ajouter les menaces sécuritaires de Boko Haram dans la région du Lac Tchad et le conflit civil en République centrafricaine.

Les pays ont initialement tardé à réagir à ces chocs et à la fin 2016, les réserves officielles de change avaient chuté de 10 milliards de dollars, pour ne représenter que près de deux mois d’importations, soit nettement en dessous du niveau requis, surtout pour une région dotée d’une parité est fixe.

Un front uni

Reconnaissant la gravité de la situation et la nécessité d’agir de manière urgente, les Chefs d’État réunis à Yaoundé en décembre dernier ont décidé d’adopter les mesures nécessaires pour faire face aux difficultés économiques et jeter les bases d’une reprise graduelle. Le maintien de la parité fixe est au cœur de cette stratégie économique qui s’appuie notamment sur l’importante décision des Chefs d’État en vertu de laquelle tous les pays prendraient les mesures requises pour résoudre leur problème commun. Cette décision a été déterminante car seule une action concertée permettra à l’économie de l’ensemble de la région de commencer à se redresser.

Chaque pays définira ses propres politiques mais la stratégie globale insiste sur quatre domaines de réformes :

  • Mobiliser davantage de recettes non pétrolières par le biais de réformes budgétaires, mieux hiérarchiser les dépenses pour contribuer à stabiliser les niveaux d’endettement public, et accroître la transparence et l’efficience des dépenses publiques.
  • Préserver les dépenses sociales et adopter de nouveaux programmes de protection pour atténuer l’impact de la crise économique sur les populations pauvres.
  • Renforcer le secteur financier pour promouvoir la stabilité et l’inclusion.
  • Améliorer le climat des affaires et promouvoir la diversification de l’économie pour s’affranchir d’une dépendance excessive à l’égard du pétrole.

Accompagnement du FMI

Le FMI apporte son soutien par le biais de concours financiers, de conseils de politique économique et d’une assistance technique.

Financement. Conjointement à celui des autres partenaires au développement, le financement que nous fournissons permettra d’opérer une correction plus graduelle des déséquilibres. Il accordera en outre plus de temps aux pays pour mettre en œuvre les réformes économiques dont ils ont tant besoin, afin d’accroître leur résilience face aux chocs et aux crises futurs.

Nos conseils de politique économique et notre assistance technique couvrent un large éventail de domaines mais trois d’entre eux revêtent une importance primordiale pour la réussite des réformes :

-> Coordination des politiques entre pays et avec les institutions régionales . Tous les pays doivent mettre en œuvre leurs programmes de réformes de manière cohérente afin d’éviter les comportements opportunistes. Par ailleurs la banque centrale régionale doit rester déterminée à accompagner les programmes nationaux et à relever les taux d’intérêt en cas de besoin pour aider à reconstituer les réserves de change et soutenir la parité fixe. Le secteur financier a également besoin d’être renforcé, notamment en améliorant le cadre de supervision bancaire et sa mise en application.

-> Des réformes budgétaires inclusives et propices à la croissance . Les pays peuvent atténuer les effets des compressions de dépenses en adoptant des mesures capables d’accroître l’efficience des dépenses publiques et de protéger les populations pauvres. Les réformes ont plus de chances de recevoir l’appui de la société si les gouvernements parviennent à montrer que l’ajustement budgétaire est réparti équitablement et que les couches de population vulnérables sont protégées.

-> Lutte contre la corruption et transparence accrue dans l’utilisation des ressources publiques . La corruption peut gravement obérer les ressources publiques au demeurant limitées et freiner la croissance économique. Les six pays peuvent démontrer que les réformes en cours peuvent corriger les faiblesses du passé par des mesures concrètes. Par exemple, entre autres mesures, nous engageons les pays à s’associer à l’ Initiative pour la transparence dans les industries extractives qui encourage la déclaration d’informations sur les recettes issues des matières premières.

En dernière analyse la bonne mise en œuvre des réformes par les pays et l’adoption de ripostes judicieuses aux chocs futurs seront déterminantes pour la réussite de leur stratégie. Le FMI se tient prêt à accompagner les pays dans les efforts qu’ils déploient pour améliorer les perspectives économiques de leur population.

Principales caractéristiques des programmes nationaux

Cameroun

  • Préserver la viabilité de la dette publique en alignant les projets d’emprunt sur la capacité à exécuter les investissements et en hiérarchisant les projets d’infrastructure capables de contribuer au développement national. Accroître les recettes non pétrolières en élargissant la couverture de l’impôt foncier et en rationalisation les exonérations fiscales.
  • Promouvoir une croissance tirée par le secteur privé, en corrigeant le niveau élevé des créances improductives et en opérant la résolution des banques insolvables, et en levant les obstacles administratifs au développement du secteur privé.
  • Allouer 3,5 % du PIB au dépenses de santé et d’éducation et élargir la couverture des programmes de protection sociale.

Gabon

  • Maîtriser les dépenses publiques pour stabiliser la dette publique et la placer sur une trajectoire descendante à moyen terme.
  • Accroître la transparence et l’efficience des dépenses publiques à la faveur de réformes des finances publiques, y compris, par exemple, en améliorant les procédures de passation de marchés publics afin de tirer le meilleur parti des fonds investis.
  • Mettre les programmes sociaux essentiels à l’abri de l’ajustement budgétaire en veillant à ce qu’ils continuent d’être suffisamment financés, préserver la stabilité financière et adopter des politiques propres à promouvoir la diversification de l’économie. De manière plus précise, simplifier les procédures et réduire le temps nécessaire à la mise en marche d’une nouvelle entreprise, et agir sur les permis de construire, le transfert de propriété, le paiement des impôts et taxes et l’exécution des contrats permettra de promouvoir l’investissement privé et la création d’empl0is.

Tchad

  • Rétablir la viabilité de la dette en restructurant la dette extérieure commerciale.
  • Renforcer la mobilisation de recettes non pétrolières, améliorer la gestion des finances publiques et mener un travail de diversification de l’économie, tout en renforçant la stabilité du secteur bancaire.
  • Réaffecter des ressources à l’investissement public, apurer les arriérés de paiement intérieurs et accroître les dépenses sociales, en posant notamment comme cible une augmentation progressive à partir de 2017 pour atteindre 4,2 % du PIB.
République centrafricaine

  • Accélérer le remboursement des arriérés de paiement intérieurs et accroître les dépenses sociales pour promouvoir la cohésion sociale et la croissance.
  • Accroître les recettes intérieures de près de 3 % du PIB à l’horizon 2020 afin de créer une marge de manœuvre budgétaire pour les services sociaux et pour les projets d’infrastructure essentiels.
  • Améliorer la transparence et l’efficience des dépenses publiques grâce à la publication régulière de rapports d’exécution budgétaire.

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Abebe Aemro Selassie est le Directeur du Département Afrique du FMI. Avant d’occuper ce poste il a été Directeur adjoint du Département et a dirigé des équipes des services du FMI chargées des relations avec le Portugal et l’Afrique du Sud et de la production des Perspectives économiques régionales pour l’Afrique subsaharienne. Il a en outre travaillé sur la Thaïlande, la Turquie et la Pologne, ainsi que sur un grand nombre de dossiers de politique générale. Entre 2006 et 2009 il a été Représentant résident du FMI en Ouganda. Avant de rejoindre le FMI, M. Selassie a travaillé pour le gouvernement éthiopien.  



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