La fin de l’âge du pétrole, juste une question de temps.

De Reda Cherif, Fuad Hasanov et Aasim M. Husain
Le 12 septembre 2017


Des automobilistes font le plein dans une station essence en Californie : la demande de pétrole pourrait s’effondrer avec l’essor des renouvelables. (Xinhua/Newscom)

La révolution des transports qui est en cours pourrait métamorphoser le marché du pétrole dans les décennies à venir.

Lorsque le prix du pétrole, plus de 100 dollars le baril en 2014, a soudainement chuté de moitié, une étude du FMI a conclu que des facteurs du côté de l’offre tels que l’émergence du gaz de schiste et de nouvelles technologies, allaient tirer les prix du pétrole « plus bas, plus longtemps ». D’après des études plus récentes, d’autres nouvelles technologies, comme celles liées à l’expansion des véhicules électriques et de l’énergie solaire, pourraient affecter encore plus profondément le marché du pétrole et la demande à long terme. Pour reprendre les propos de Sheikh Zaki Yamani, ancien ministre saoudien du pétrole : « l’âge de pierre n’a pas pris fin par manque de pierres, et l’âge du pétrole ne prendra pas fin par manque de pétrole ».

Il y a cent ans, le charbon représentait près de 80% de la consommation énergétique aux États-Unis. En l’espace de 20 ans, cette part avait régressé à 50%, puis, 20 ans après, à seulement 20%, le pétrole ayant progressivement supplanté le charbon comme principale source d’énergie dans le monde. Ce phénomène s’est produit alors même que le charbon était moins onéreux que le pétrole, parce qu’il n’existait à l’époque aucune alternative pour alimenter les automobiles, un bien qui est rapidement passé d’objet de luxe à moyen de transport personnel de prédilection. Aujourd’hui, les voitures représentent environ 45% de la consommation de pétrole dans le monde.

Avec l’essor des voitures électriques et des énergies renouvelables, le monde est peut-être sur le point de connaître une révolution dans le domaine des transports et des technologies énergétiques, capable de provoquer une mutation du marché du pétrole, semblable à celle qu’a connu le marché du charbon il y a un siècle. Comme ce fut le cas pour le charbon, la part du pétrole dans la demande énergétique pourrait donc fortement baisser au cours des décennies à venir.

1917, l’année où Ford a mis en vente le premier véhicule de série à un prix abordable, a marqué un tournant. Il en est peut-être de même aujourd’hui pour les véhicules électriques : plusieurs marques proposent désormais des modèles à partir de 35.000 dollars, le prix actuel moyen d’une voiture neuve aux États-Unis.

Vu leur faible coût d’entretien et énergétique, il est indéniable que les véhicules électriques pourraient remplacer un nombre considérable de véhicules à moteur dans un avenir relativement proche. Ce n’est qu’une question de temps.

S’inspirant du sort qu’ont connu les chevaux au début du 20e siècle lorsqu’ils ont été substitués par les automobiles, un récent document de travail du FMI prévoit que les voitures électriques représenteront 90% du parc automobile dans les pays avancés et plus de 50% dans les pays émergents d’ici 2040. D’autres prédisent également le remplacement à grande échelle des voitures conventionnelles, mais à un rythme moins soutenu.

On pourrait penser que la hausse de la demande en électricité pour ce type de voitures doperait le marché du pétrole, nécessaire pour faire tourner les centrales. Pas tout à fait. La part qu’occupe le pétrole dans la production d’électricité et le chauffage est de moins de 20% mondialement, et risque de rétrécir davantage car une autre innovation est en train de gagner du terrain : l’énergie renouvelable.

Les renouvelables ont également connu un développement sans précèdent ces dix dernières années. Depuis 2008, Le coût de production a baissé de 80% pour le solaire et de 60% pour l’éolien. D’après les projections du Forum économique mondial, l’énergie solaire et éolienne non subventionnée, déjà compétitive dans 30 pays, devrait coûter moins cher que le charbon et le gaz naturel pour 60% du monde d’ici quelques années. Même en l’absence de nouvelles percées technologiques, le taux de pénétration des renouvelables augmentera à mesure que s’achèvent les projets d’infrastructure en cours d’exécution.

Que la rapidité d’expansion des renouvelables atteigne ou pas le niveau prévu, il est certain que la demande en pétrole s’en trouvera considérablement réduite au cours des 20 prochaines années. Si les inquiétudes à l’égard du changement climatique s’aggravent, la transformation du marché pétrolier pourrait même s’accélérer, et ce, sans compter l’effet que pourrait avoir le succès d’autres innovations telles que les piles à combustible, la production d’électricité à base d’hydrogène, les plateformes de covoiturage et la conduite autonome. Bien qu’il soit difficile de prédire les variations du cours du pétrole sur une semaine ou un mois, il est certain que le pétrole sera moins coûteux en 2040 et il se peut que le prix de 50 dollars le baril (en termes équivalents) paraisse alors exorbitant.

Compte tenu de ces perspectives, il n’est pas surprenant de voir les producteurs de pétrole et les constructeurs automobile se préparer à la fin de l’âge du pétrole. Un grand nombre d’entreprises automobiles investissent lourdement dans les technologies des véhicules électriques; l’annonce de Volvo de sa conversion à l’électrique pour tous les modèles d’ici 2019 en est un exemple. De même, beaucoup de pays exportateurs de pétrole, qui dépendent des recettes pétrolières pour financer leurs programmes publics et créer des emplois ont, à juste titre, lancé de vastes initiatives de diversification afin de préparer leurs économies à l’ère du pétrole bon marché.

Pour en savoir plus sur l’avenir du pétrole, lisez Breaking the Oil Spell et Learning to Live with Cheaper Oil.


Reda Cherif est économiste principal au Fonds monétaire international (FMI). Il a rejoint le FMI en 2008 et a travaillé pour plusieurs départements sur les questions budgétaires, les analyses macroéconomiques de divers pays et les formations de fonctionnaires nationaux en économie. Ses études se penchent sur l’économie du développement, la politique budgétaire et le commerce international. Il a récemment co-dirigé l’ouvrage Breaking the Oil Spell avec Fuad Hasanov et Min Zhu, dans lequel il examine la diversification économique au sein des pays exportateurs de pétrole. M. Cherif est titulaire d’un Doctorat en Économie de l’Université de Chicago.


Fuad Hasanov est économiste principal au Fonds monétaire international (FMI). Depuis qu’il a rejoint le FMI en 2007, il a été économiste chargé de plusieurs pays émergents et riches en ressources naturelles et a également dirigé des formations du personnel du FMI et de fonctionnaires nationaux. Avant d’entrer au FMI, M. Hasanov était professeur adjoint d’économie à l’Université Oakland à Rochester dans le Michigan de 2004 à 2007. Il est l’auteur d’articles sur la consommation et l’épargne, les rendements immobiliers, la croissance et les inégalités, la politique budgétaire et la dette et les ressources naturelles. Il a récemment co-dirigé l’ouvrage Breaking the Oil Spell avec Reda Cherif and Min Zhu, dans lequel il examine la diversification économique au sein des pays exportateurs de pétrole. M. Hasanov est titulaire d’un Doctorat en Économie de l’Université du Texas, à Austin.



Aasim M. Husain est actuellement Directeur adjoint du Département Moyen Orient et Asie centrale du FMI, où il dirige les travaux du département sur le Conseil de coopération du Golfe et plusieurs pays dans la région. Avant de rejoindre le Département Moyen Orient et Asie centrale en mars 2015, M. Husain a travaillé au Département Europe où il a dirigé les travaux sur les pays du Centre, de l’Est et du Sud-Est, et au Département de la stratégie, des politiques, et de l’évaluation, où il a dirigé les travaux d’élaboration des politiques relatives au flux de capitaux et a examiné les dossiers de plusieurs grand pays émergents. Auparavant, M. Husain a été chef de mission pour l’Italie, l’Égypte, la Jordanie et le Kazakhstan, et a également dirigé les travaux du FMI sur les questions liées aux produits de base et à l’énergie. M. Husain est originaire du Pakistan. Il est titulaire d’une Licence en Économie et en Mathématiques de l’Université Rice et d’un Doctorat en Économie de l’Université de Pennsylvanie. Il a rejoint le FMI en 1990.



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