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01/07
Faut-il annuler l'intégralité de la dette? La réponse du FMI et de la Banque mondiale

Services du FMI et de la Banque mondiale

Juillet 2001

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La stratégie de lutte contre la pauvreté
État d'avancement de l'initiative en faveur des PPTE
L'annulation totale de la dette par les institutions multilatérales contribuerait-elle au combat contre la pauvreté dans le monde?
Rester en mesure de financer le développement
Aller de l'avant


À la fin du dernier millénaire, la communauté internationale a atteint un objectif ambitieux et important dans le combat que nous menons tous contre la pauvreté. En 1999, nous nous sommes engagés à alléger de manière plus rapide et plus substantielle la dette d'un plus grand nombre de pays, chacun d'eux pouvant alors utiliser les ressources ainsi libérées pour améliorer le sort des plus démunis de ses citoyens. À la fin de juin 2001, le dispositif était en place, et 23 pays, dont 19 en Afrique bénéficiaient d'un allégement effectif de leur dette totalisant près de 34 milliards de dollars. Nous sommes déterminés à aider les autres pays pauvres très endettés (PPTE) à faire le nécessaire pour obtenir un allégement de la dette dans le cadre de cette initiative.

Les progrès accomplis jusqu'à présent constituent une étape cruciale dans la lutte contre la pauvreté, mais il reste beaucoup à faire. Les vives préoccupations de la société civile dans de nombreux pays ont incité la communauté internationale à agir dans le cadre de l'initiative en faveur des PPTE. Aujourd'hui, certains demandent l'annulation totale des dettes de ces pays. Certains prennent pour cible les institutions financières internationales. Est-ce vraiment le meilleur moyen de garantir la disponibilité de ressources pour mener le combat contre la pauvreté et promouvoir le développement dans les pays à faible revenu?

Cette note examine les conséquences de l'annulation intégrale de la dette multilatérale que d'aucuns prônent. Premièrement, elle replace l'allégement de la dette dans le contexte d'une stratégie globale de lutte contre la pauvreté. Deuxièmement, elle examine l'approche actuelle de l'allégement de la dette des pays pauvres dans le cadre de l'initiative en faveur des PPTE. Troisièmement, elle aborde la question fondamentale de savoir ce qu'apporterait l'annulation totale préconisée. Enfin, elle analyse les conséquences pour le financement du développement, et notamment la question de savoir qui en supporterait les coûts.

I. La stratégie de lutte contre la pauvreté

Les causes de la pauvreté dans les pays en développement sont multiples : leur histoire économique et politique, la mauvaise gestion économique, le manque de rigueur de la gestion des affaires publiques, les conflits armés et des facteurs extérieurs tels que la détérioration des termes de l'échange et la climatologie. Pour la moitié environ des quatre-vingts pays les plus pauvres, l'endettement extérieur excessif est aussi devenu un obstacle majeur au développement.

La lutte contre la pauvreté est aujourd'hui le principal défi du développement. Pour combattre la pauvreté, nous devons appliquer une stratégie globale, qui repose sur deux piliers : d'une part les efforts déployés par les PPTE eux-mêmes pour créer des conditions propices à une croissance soutenue, au bénéfice des pauvres et, d'autre part, l'appui plus décisif de la communauté internationale.

Les dirigeants africains ont réaffirmé qu'il appartient à chaque pays de s'attaquer aux obstacles endogènes à la réduction de la pauvreté. Ils savent qu'il est important que les réformes aient des effets durables pour éviter une accumulation excessive de dettes et pour rétablir la confiance des investisseurs. Ils doivent s'appliquer à mener une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et de croissance. Pour ce faire, il faut développer les canaux de transmission de la politique sociale, mieux maîtriser les dépenses et assembler bien d'autres éléments de réforme sur le plan économique, social, politique et institutionnel. Quant à la communauté internationale, elle doit fournir davantage d'aide publique au développement à des conditions appropriées, ouvrir ses marchés aux exportations des pays pauvres, les aider à renforcer leurs capacités et cibler correctement l'allégement de la dette.

L'initiative en faveur des PPTE fait partie intégrante de cette approche globale. Elle aplanit l'obstacle du surendettement dans le combat des pays pauvres contre la misère. Elle donne aux pays qui en ont la ferme volonté les moyens de surmonter, avec l'appui de la communauté internationale les autres obstacles et de briser le cercle de la pauvreté.

II. État d'avancement de l'initiative en faveur des PPTE

Combinés à d'autres sources d'allégement de la dette, le dispositif mis en place pour les vingt-trois pays mentionnés plus haut réduit leur dette totale des deux tiers, et ramène leur endettement à un niveau inférieur à la moyenne de l'ensemble des pays en développement. Sur le plan du service de la dette, les économies sont également substantielles — environ 1,1 milliard de dollars par an sur les trois prochaines années. Les paiements à ce titre vont diminuer de manière spectaculaire, aussi bien en pourcentage des exportations que du PIB ou des recettes publiques.

Il s'agit là de progrès réels. Une des raisons importantes du succès de l'initiative est que, pour la première fois, l'allégement de la dette est accordé dans un cadre transparent et global, qui, surtout, prévoit une participation équitable de toutes les parties intéressées. En outre, l'allégement est accordé uniquement aux pays qui ont démontré la volonté et la capacité d'utiliser efficacement les ressources ainsi dégagées. L'allégement de la dette a donc bien un prix. Dans un monde où les ressources consacrées au développement sont rares, il est essentiel de veiller à ce que l'allégement de la dette transforme effectivement la vie des pauvres.

Ces pays reçoivent en moyenne environ 10 milliards de dollars par an sous forme de dons et de prêts concessionnels. Après l'allégement de la dette au titre de l'initiative, leurs obligations au titre du service de la dette tomberont à moins de 2 milliards de dollars par an (dont 10 % sont dus à la Banque mondiale et 12 % au FMI). En outre, un certain nombre d'États créanciers ont indiqué récemment qu'ils avaient l'intention d'accorder une remise de dette supplémentaire, en sus de celle déjà accordée dans le cadre de l'initiative. Ces mesures sont les bienvenues, mais il est essentiel que l'allégement ne soit pas accordé au prix d'une réduction des flux d'aide. Les chiffres ci-dessus montrent qu'il est important de maintenir de nouveaux flux d'aide pour que l'allégement de la dette vienne effectivement compléter les efforts de lutte contre la pauvreté : une baisse de 10 % seulement des nouveaux flux d'aide effacerait les bienfaits de l'allégement de la dette au titre de l'initiative et l'annulation totale de la dette serait contrebalancée par une diminution de 20 % des flux d'aide. L'annulation totale de la dette exigerait une action concertée de la part de tous les créanciers, dont beaucoup continuent à fournir de l'assistance; elle risquerait donc de faire sérieusement baisser le total des flux d'aide financière aux pays les plus pauvres.

III. L'annulation totale de la dette par les institutions multilatérales contribuerait-elle au combat contre la pauvreté dans le monde?

Quel est l'argumentaire des partisans de l'annulation totale de la dette? Certains estiment qu'une réduction supplémentaire du service de la dette permettrait aux PPTE d'investir davantage dans la lutte contre la pauvreté. Mais l'initiative en faveur des PPTE est déjà en train de modifier les données du problème. Jusqu'à présent, compte tenu de l'allégement de la dette, les dépenses sociales des 23 PPTE susmentionnés augmenteront — d'après les projections — d'environ 1,7 milliard de dollars par an en moyenne pendant la période 2001-2002. Ces ressources seront consacrées pour la plupart à la santé, à l'éducation, aux programmes de lutte contre le VIH/SIDA, aux infrastructures de base et à la réforme de la gestion publique. Contrairement à ce que certains prétendent, les PPTE dépenseront en moyenne beaucoup plus — et non moins — pour ces investissements sociaux prioritaires que pour le service de la dette. Après l'allégement au titre de l'initiative, ils consacreront environ 2 % de leur PIB au service de leur dette — soit bien moins que les autres pays en développement — contre environ 7 % du PIB pour les dépenses sociales.

Il est clair que les PPTE doivent continuer à cibler leurs investissements en faveur des pauvres. Mais la question essentielle est de savoir si l'annulation de la dette dans son intégralité est le moyen le plus efficace et le plus équitable d'appuyer ces efforts.

La réduction de la dette au titre de l'initiative en faveur des PPTE doit être considérée comme un acte qui n'est pas appelé à se répéter, comme une première étape en vue de permettre à ces pays de voler de leurs propres ailes. Leurs stratégies de croissance et de lutte contre la pauvreté ont besoin d'un appui financier, ce qui, pour nombre d'entre eux, signifie qu'ils auront besoin d'une aide publique concessionnelle bien plus élevée pendant de longues années encore. À terme, ils gagneront accès aux capitaux privés internationaux, sous forme notamment d'investissements directs et de nouveaux prêts.

Le crédit est un moyen indispensable de financement du développement et, pendant des décennies, il a aidé les pays en développement à devenir des acteurs de l'économie mondiale. Cependant, il doit être accordé dans un climat de confiance mutuelle et à des conditions appropriées, ne doit pas être utilisé avec excès et ne doit pas devenir ingérable pour le débiteur. De même, les créanciers doivent être convaincus que les prêts pourront être remboursés et le seront effectivement.

Certains rejettent l'idée que les pays pauvres empruntent pour se développer. Mais l'emprunt reste un élément crucial de l'aide extérieure. En fait, les PPTE reçoivent déjà des transferts nets considérables d'aide sous la forme de prêts très concessionnels, en particulier de la part des institutions multilatérales. La plupart de celles-ci, notamment la Banque mondiale par l'intermédiaire de l'IDA et le FMI par l'intermédiaire de la FRPC, utilisent le canal d'accords de coopération pour aider les pays pauvres à des conditions très concessionnelles. Il s'agit d'une source unique de financement concessionnel pour les pays les plus pauvres, qui fonctionne selon le principe que les pays en développement empruntent et remboursent à un fonds commun de ressources. Étant donné leur statut de créanciers privilégiés, le FMI, la Banque mondiale et les autres institutions financières internationales peuvent continuer à offrir durablement une aide financière aux pays membres, même dans des circonstances très difficiles.

Bien entendu, l'emprunt n'a pas donné de bons résultats partout. Pour une multitude de raisons différentes, certains pays n'en ont pas tiré d'avantages notables. Dans le cas des PPTE, cela s'est soldé par un endettement excessif. La communauté internationale doit impérativement s'attaquer à ce problème. C'est à quoi tend l'initiative en faveur des PPTE. Mais nous devons aussi appuyer les besoins de développement futurs de tous les pays. C'est pourquoi l'initiative vise à aider les pays à ramener leur dette à un niveau tolérable et s'adresse spécifiquement aux pays pauvres les plus endettés. L'annulation totale de la dette de ces pays uniquement se ferait au détriment d'autres pays emprunteurs, y compris de pays qui ne peuvent pas bénéficier de l'initiative, mais où vivent 80 % des pauvres du monde en développement. Ceux qui préconisent l'annulation totale de la dette des PPTE uniquement doivent admettre que ce serait inéquitable pour les autres pays pauvres.

IV. Rester en mesure de financer le développement

Les partisans de l'annulation totale de la dette ne doivent pas dissimuler le coût de l'opération. La dette extérieure publique des pays à faible revenu totalise 460 milliards de dollars environ. Pendant de longues années encore, les PPTE et nombre d'autres pays pauvres auront besoin de concours extérieurs pour financer leurs besoins de développement. Une part croissante de ces besoins est couverte par des créanciers bilatéraux et multilatéraux à des conditions concessionnelles. L'annulation totale de la dette risque de compromettre ces concours. Elle ébranlerait aussi la confiance des investisseurs existants et potentiels, dont les fonds sont essentiels pour le développement à long terme des pays à faible revenu.

Le seul financement concessionnel autre que les apports de fonds des donateurs bilatéraux vient des organisations multilatérales, essentiellement des banques multilatérales de développement et du FMI. Ces flux concessionnels sont financés principalement par des crédits budgétaires des pays industrialisés et par le remboursement des prêts concessionnels accordés antérieurement par ces organisations. Bien entendu, l'ensemble des actionnaires pourrait créer une enveloppe budgétaire spéciale qui couvrirait le coût d'un allégement de la dette supplémentaire ou d'un nouveau financement des organisations multilatérales, mais à l'heure actuelle cette idée ne recueille guère d'adhésion dans les pays donateurs. Dans ces conditions, quel serait l'effet sur ces organisations de l'annulation intégrale de la dette qui leur est due?

L'IDA finance près de la moitié de ses nouveaux engagements (environ 6,5 milliards de dollars par an) au moyen des remboursements qu'elle reçoit et du revenu de ses investissements. L'IDA ne constituant pas de provision pour les pertes sur ses crédits aux pays membres, l'annulation totale des dettes réduirait proportionnellement sa capacité d'accorder de nouveaux crédits aux pays pauvres. En fait, ses crédits diminueraient de moitié. Ou alors, pour les maintenir au niveau actuel, il faudrait que les pays industrialisés doublent leurs contributions, ce qui semble fort peu probable.

Les banques régionales de développement (BID, BAfD, BAsD) accordent aussi des prêts à des conditions favorables et font face à des contraintes plus strictes encore, puisqu'elles dépendent aussi des contributions des pays industrialisés. En fait, la BAfD a encore du mal à obtenir le financement intégral de sa part des coûts de l'initiative en faveur des PPTE dans le cadre des mécanismes actuels. L'annulation totale de la dette paralyserait probablement ces institutions.

La facilité du FMI pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance est financée elle aussi par des contributions et des emprunts. Bien qu'elle soit maintenant presque une facilité permanente, ses opérations futures seront financées uniquement par les remboursements de prêts déjà accordés. L'annulation de la dette épuiserait les ressources du compte de fiducie de la FRPC et forcerait à fermer cette facilité. Aucune ressource ne serait disponible pour de futurs prêts concessionnels du FMI et celui-ci ne pourrait plus accorder d'aide concessionnelle à ses pays membres les plus pauvres.

Quid des ressources non concessionnelles des organisations multilatérales? Les facilités de prêt non concessionnelles des banques multilatérales de développement et du FMI peuvent-elles couvrir l'allégement de la dette fourni par les guichets de prêt à des conditions de faveur — au delà des contributions substantielles à l'IDA et à l'initiative en faveur des PPTE qui proviennent déjà du revenu net de la BIRD? Le fait est que les facilités de prêt non concessionnelles s'appuient déjà sur le capital versé et les réserves qui sous-tendent les prêts aux pays membres en développement. Des provisions sont constituées pour les pertes éventuelles sur les engagements figurant au bilan des banques multilatérales de développement et ne peuvent être utilisées pour éponger des pertes sur d'autres bilans sans menacer de faillite l'institution concernée.

Pour chaque dollar de fonds propres, la BIRD emprunte cinq dollars en émettant des obligations cotées AAA. Sa capacité de prêt serait donc réduite de cinq dollars pour chaque dollar utilisé pour l'allégement de la dette à l'égard des prêteurs concessionnels. Par ailleurs, il est probable que l'annulation de la dette affaiblirait les fonds propres de la Banque et entraînerait donc une augmentation du coût de l'emprunt pour les pays créanciers. Avec une baisse substantielle des emprunts et une hausse de leur coût, l'annulation de la dette aurait donc un impact notable sur les emprunteurs admissibles aux concours de la BIRD, où vivent 80 % des habitants les plus pauvres du monde.

Quant au FMI, l'annulation totale de la dette sans financement intégral par les donateurs bilatéraux modifierait fondamentalement son rôle d'ancrage du système financier international, qui repose sur la rotation de ses ressources. L'annulation de la dette aurait pour effet non seulement de mettre fin aux prêts de la FRPC, mais aussi de compromettre l'intégrité financière de l'institution elle-même. Ses réserves d'or sont un des fondements de sa solidité financière : elles lui offrent une plus grande crédibilité et lui permettent d'aider ses pays membres en situation de crise. La décision prise par les pays membres en 1999 d'utiliser exceptionnellement le revenu de placement du produit de ventes d'or limitées hors marché pour financer la contribution du FMI à l'initiative en faveur des PPTE a coûté cher à l'institution et à ses pays membres. Des ventes supplémentaires risquent d'ébranler la confiance des pays membres dans la solidité du FMI et donc de compromettre sa capacité de prêt.

V. Aller de l'avant

Nous avons bien progressé dans l'application de l'initiative renforcée en faveur des PPTE, mais il reste beaucoup à faire. Il s'agit maintenant de faire progresser les dossiers de l'allégement de la dette des pays qui n'ont pas encore été admis à recevoir un allégement au titre de l'initiative en raison de conflits ou de graves problèmes de gestion publique. Si les pays sont attachés à la paix et à la stabilité, nous sommes d'avis que l'allégement de la dette au titre de l'initiative peut contribuer à assurer la transition d'une situation de conflit à un développement durable et nous espérons aller de l'avant avec ces pays aussi vite que possible. Mais nous ne voulons pas simplement alléger leur dette : nous espérons aussi appuyer leur développement à long terme.

Nous pensons que le meilleur moyen pour la communauté internationale de soutenir les stratégies que les pays à faible revenu établissent pour combattre la pauvreté consiste à ouvrir leurs marchés aux exportations de ces pays et à accroître les nouveaux flux d'aide concessionnelle. MM. Köhler et Wolfensohn ont indiqué qu'ils seraient heureux de joindre leurs efforts à une campagne dont l'objectif serait de convaincre les pays industrialisés de respecter d'ici dix ans l'objectif fixé il y a longtemps par les Nations Unies, à savoir porter l'aide publique au développement à un niveau équivalant à 0,7 % du PNB, contre 0,24 % environ aujourd'hui. L'écart entre ces deux chiffres représente 100 milliards de dollars par an, bien plus que les flux nets qu'engendreraient les plus ambitieuses propositions d'allégement de la dette. Ce financement doit être complété par un accès plus large aux marchés des pays industrialisés, de manière à ce que les pays en développement puissent s'intégrer d'eux-mêmes à l'économie mondiale. Ce sont là des buts qui valent la peine d'être poursuivis pour atteindre les objectifs de développement international.