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Libéralisation du commerce mondial et pays en développement

Renseignements additionnels sur le fmi en français



02/03
Améliorer l'accès au marché :
pour une plus grande cohérence entre l'aide et le commerce

Services du FMI

mars 2002

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Español

I.   Aide et commerce

II.  Les barrières à l'accès au marché

III. Soutien à l'agriculture

IV. L'assistance technique liée au commerce

V.  La place du commerce dans les stratégies nationales de
      développement et de réduction de la pauvreté

VI. La voie à suivre en matière d'aide et de commerce

Références


L'intégration dans les marchés mondiaux peut contribuer à l'accélération de la croissance économique, à la création d'emplois bien rémunérés et à la réduction de la pauvreté. L'ouverture des marchés n'est certes pas suffisante en soi, mais les réussites enregistrées au cours des dernières décennies dans le domaine du développement étaient généralement liées à une ouverture vers l'extérieur. Cependant, un grand nombre de pays en développement très pauvres ont éprouvé des difficultés à tirer pleinement parti des opportunités offertes par le marché mondial. La réaction de l'offre a été faible pour diverses raisons structurelles, dont la faiblesse des capacités institutionnelles, mais aussi à cause d'un manque de soutien politique. Les pays industrialisés ont maintenu les barrières à l'accès au marché et les politiques agricoles qui pénalisent la production des pays en développement.

Une approche cohérente du développement et du commerce suppose la mise en œuvre de politiques commerciales capables de créer des débouchés au profit des pays en développement et de politiques de développement leur permettant d'en tirer parti. Les principales composantes d'une telle approche sont les suivantes :

  • Un accès au marché immédiat, généreux et prévisible pour les exportations des pays en développement, surtout les plus pauvres d'entre eux, dans le cadre d'une libéralisation multilatérale et sur la base de solides règles multilatérales.

  • Une réforme énergique des régimes agricoles des pays industrialisés visant à éliminer les distorsions commerciales portant préjudice aux pays en développement.

  • Une aide au renforcement des capacités des pays en développement, qui leur permette de mieux exploiter de nouveaux débouchés commerciaux.

  • De saines et cohérentes politiques commerciales (ou politiques liées au commerce) au sein même des pays en développement, qui devraient se refléter dans les programmes de développement et les stratégies de réduction de la pauvreté.

I. Aide et commerce

Le montant annuel de l'Aide publique au développement (APD) se situait entre 50 et 60 milliards de dollars EU durant les dernières années. En 2001, l'allégement de la dette dans le cadre de l'initiative PPTE était de 1,4 milliard de dollars EU. Dans le même temps, les politiques causant des distorsions commerciales ont empêché la création de revenus bien supérieurs à ces montants. Les bénéfices que procurerait en termes de bien-être économique l'élimination de toutes les barrières au commerce des marchandises sont considérables, puisqu'on estime qu'ils se situeraient entre 250 milliards et 680 milliards de dollars EU par an, dont le tiers reviendrait aux pays en développement. Ces bénéfices proviendraient en partie de l'élimination des barrières à l'accès aux marchés des pays industrialisés, mais en grande partie aussi de la réforme des régimes commerciaux des pays en développement eux-mêmes. Une ouverture énergique des marchés est une solution bénéfique à tout le monde -- pays industrialisés comme pays en développement.

Dans certains cas, les politiques commerciales en vigueur dans les pays industrialisés neutralisent directement les effets de l'aide. Le dumping d'excédents agricoles, sous forme d'aide alimentaire sans caractère d'urgence ou de subventions aux exportations, a porté préjudice à la production agricole d'un certain nombre de pays en développement, dont certains avaient fait l'objet d'un soutien attentif dans le cadre de programmes d'aide. Dans d'autres cas, les crêtes tarifaires et la progressivité tarifaire réduisent à néant les efforts consentis par les pays en développement pour diversifier leurs exportations. Il est donc essentiel d'introduire une plus grande cohérence entre les politiques d'aide et les politiques commerciales. En particulier, la réduction ou l'élimination des distorsions pénalisant les produits des pays en développement dans le cadre des politiques d'importation et des régimes agricoles des pays industrialisés accroîtrait l'efficacité aussi bien de l'aide -- y compris l'allégement de la dette -- que du commerce dans la lutte pour le développement.

II. Les barrières à l'accès au marché

Barrières tarifaires

Les exportations d'un pays en développement type se heurtent, aussi bien sur le marché des pays industrialisés que sur celui d'autres pays en développement, à des barrières plus élevées que les produits des pays industrialisés. Ces barrières prennent diverses formes. La moyenne simple des droits de douane appliqués aux importations de marchandises dans les pays industrialisés est d'environ 3 %; cependant, les droits de douane moyens se montent à 8 % pour les textiles et les vêtements et à 27 % pour les produits agricoles; or, ces produits représentent une portion relativement importante des exportations des pays en développement. Les droits de douane sur les produits importés dans d'autres pays en développement sont sensiblement plus élevés, sauf pour les produits agricoles.

Cependant, les droits de douane moyens ne représentent qu'une partie du problème. Les «crêtes» tarifaires1 existant parmi les catégories de produits et atteignant souvent des taux supérieurs à 50 % -- ou même 100 % dans l'agriculture -- sont concentrées dans les produits à fort coefficient de main d'œuvre, qui représentent un potentiel d'exportation important pour les pays en développement, en particulier les pays les moins avancés (PMA)2. Aux États-Unis et au Canada, les crêtes tarifaires se situent dans les textiles et les vêtements, tandis que dans l'UE et au Japon on les trouve plutôt dans l'agriculture et les produits alimentaires. La «progressivité» tarifaire -- selon laquelle les droits de douane imposés sur les produits finis sont plus élevés que les tarifs sur les produits bruts -- peut réduire de façon significative les revenus des entrepreneurs des pays en développement qui pratiquent des activités à forte valeur ajoutée3. Ce phénomène freine la diversification des exportations, limite l'accumulation des compétences et des capitaux et contribue donc à perpétuer la dépendance de ces pays vis-à-vis d'un nombre limité de produits non transformés, dont la demande augmente peu au niveau mondial et dont les cours se caractérisent par une grande instabilité. De ce point de vue, la structure tarifaire des importateurs des pays en développement diffère peu de celle des pays du «quadrilatère» (Canada, UE, Japon et États-Unis). Par exemple, les droits de douane de la Russie sur les produits textiles sont de 8 % sur les produits issus des phases de fabrication initiales, mais de 18 % sur les vêtements finis. Les droits de douane sont respectivement de 12 et 22 % dans les pays du Mercosur et de 2 et 20 % en Afrique du Sud.

La progressivité tarifaire sur les produits du cacao

L'Union européenne applique un tarif douanier zéro sur les fèves de cacao (matière première), mais soumet la pâte de cacao (produit semi-transformé) à une taxe de 9,6 % et taxe le chocolat avec un éventail de tarifs pouvant se monter globalement à 25 %. En partie pour cela, alors que 90 % des fèves de cacao sont cultivées dans les pays en développement, seulement 44 % de la liqueur de cacao et 29 % du cacao en poudre sont produits dans ces pays. En ce qui concerne le produit final -- le chocolat --, seulement 4 % de la production mondiale provient des pays en développement. Les droits de douane frappant les pays les moins avancés ont été éliminés aux termes de l'initiative «Tout sauf les armes» de l'UE, mais continuent de s'appliquer à de gros producteurs tels que le Ghana et la Côte d'Ivoire. Parce qu'ils dépendent des matières premières plutôt que des produits finis, ces pays sont plus vulnérables aux fluctuations de cours et autres chocs. Le cours mondial du cacao (London Cocoa Terminal) est soumis à de fortes fluctuations : le cours moyen est allé de 1,72 dollar américain la livre en 1977 à 0,50 dollar en 1992, 0,76 dollar en 1998 et 0,40 dollar en 2000.

Sources : Organisation internationale du cacao; estimations des services du Fonds à partir des barèmes de droits de douane.

Barrières non tarifaires

Les mesures non tarifaires renforcent les barrières auxquelles se heurtent les exportateurs des pays en développement et réduisent la transparence des conditions d'accès au marché. Aux termes des accords commerciaux multilatéraux de l'Uruguay Round, les contingents ont été sensiblement restreints et convertis en droits de douane équivalents, mais un ensemble complexe de contingents bilatéraux continue d'affecter le commerce des textiles et des vêtements aux termes d'un régime de transition qui arrivera à échéance en 20054. Les pays industriels ont exploité la latitude considérable dont ils disposent aux termes de ce régime pour concentrer leurs mesures de libéralisation à la fin de la période de transition; on estime qu'en 2004 les 11 principaux exportateurs des pays en développement se heurteront encore à des contingents sur plus de 80 % de leurs exportations de ce type de produits. Cette situation a fait craindre que la résistance politique à la libéralisation ne se durcisse dans les phases finales de la période de transition.

Le protectionnisme a montré qu'il tendait à réapparaître sous de nouvelles formes, lorsqu'il se heurtait aux accords multilatéraux. Les échappatoires préférées sont les «recours commerciaux», en particulier les mesures antidumping5. Près de la moitié des 499 enquêtes antidumping ouvertes par les pays industriels durant la période 1995-2000 visaient des pays en développement et un quart d'entre elles visaient les économies en transition5. Les mesures antidumping sont devenues aussi de plus en plus populaires auprès des pays en développement eux-mêmes, un tiers de ces mesures visant d'autres pays en développement. Les normes techniques, sanitaires et phytosanitaires sont de plus en plus complexes. De surcroît, elles sont généralement élaborées sans véritable participation des pays en développement et mettent à rude épreuve les capacités des pays en développement qui s'efforcent de les respecter. En outre, il est inquiétant de noter à quel point ces mesures peuvent être utilisées de façon discriminatoire. Collectivement, les mesures non tarifaires peuvent aggraver considérablement l'incertitude pesant sur l'accès au marché : un marché qui paraît accessible au moment de la mise en œuvre d'un investissement centré sur l'exportation peut se fermer quand cette activité réussit «trop» bien.

Mesures de sauvegarde touchant les champignons shiitake

Au début des années 90, au Japon, le prix élevé des champignons shiitake incita les entreprises japonaises à investir en Chine pour y introduire de nouvelles techniques de culture permettant d'élever la qualité des champignons chinois au niveau des normes japonaises. En conséquence, les exportations chinoises de champignons au Japon augmentèrent au point d'atteindre 120 millions de dollars par an et d'accaparer près de 40 % du marché nippon. Cependant, face à la menace à laquelle étaient confrontés ses producteurs de shiitake, le Japon imposa, en avril 2001, des surtaxes temporaires de 266 % et d'autres obstacles aux importations de champignons shiitake, restreignant ainsi fortement les exportations chinoises. La Chine riposta en imposant des droits de douane sur les voitures, téléphones mobiles et appareils de climatisation japonais. En décembre 2001, les deux pays parvinrent à un compromis aux termes duquel le Japon acceptait de ne pas maintenir ses mesures et les gouvernements annoncèrent la création de mécanismes de coopération visant à assurer la «stabilité» du commerce bilatéral des produits agricoles concernés.

Source : Banque mondiale, Global Economic Prospects 2002 (Perspectives économiques mondiales 2002); et www.chinadaily.com

Commerce de services

Les barrières aux échanges de services restent considérables dans les pays industrialisés comme dans les pays en développement. En général, les pays industrialisés ont pris des engagements de plus grande portée que les pays en développement en ce qui concerne l'accès aux services. Le degré de restriction des barrières aux échanges de services varie suivant les secteurs et les types de prestations de services, mais ces barrières sont plus restrictives en ce qui concerne les services nécessitant le mouvement transfrontalier temporaire d'individus, une forme d'exportation qui intéresse particulièrement les pays en développement, et moins restrictives dans les secteurs, tels que les télécoms et les services financiers, auxquels les pays industrialisés s'intéressent le plus. En même temps, les régimes de services restrictifs sont en partie responsables de l'inefficacité de l'infrastructure à vocation commerciale et, de ce fait, des coûts de transaction élevés dans les pays en développement.

La libéralisation et ses effets au sein des pays en développement

La plupart des prévisions sur les avantages potentiels de la libéralisation de l'accès aux marchés des pays industrialisés font apparaître des avantages importants pour les pays en développement. Ces avantages, cependant, se répartissent de façon inégale : dans l'ensemble, les pays en développement y trouvent un avantage, mais ce n'est pas forcément le cas de chaque pays, ni de chaque catégorie de produits. Ainsi, un certain nombre d'exportateurs, principalement originaires des pays les plus pauvres, bénéficient d'une protection de fait sur les marchés tiers grâce aux marges de préférence et aux contingents bilatéraux établis aux termes de l'Accord relatif aux textiles et aux vêtements (ATC) de l'Uruguay Round. Au fur et à mesure que la libéralisation érode ces préférences, ces pays peuvent être pénalisés par rapport à des fournisseurs plus compétitifs.

De ce point de vue, l'événement le plus significatif est peut-être la récente accession de la Chine à l'OMC, qui lui permettra finalement d'affronter à armes égales la concurrence des autres pays en développement6. Les contingents ATC sur les textiles et les vêtements ont particulièrement gêné les exportateurs chinois; lorsque ces contingents seront convertis en droits de douane multilatéraux, ces exportateurs devraient pouvoir ravir des parts de marché aux autres fournisseurs, y compris aux pays à faible revenu. La réaffectation de la production risquerait d'engendrer des coûts d'adaptation élevés, du fait de la part importante occupée par les textiles et les vêtements dans les exportations de nombreux pays, et exige une identification précoce des problèmes et des mesures propres à permettre la diversification des exportations et le renforcement de la compétitivité. Le report des mesures de libéralisation effective à la fin de la période de transition prévu par l'ATC est néfaste, car il a pour effet de concentrer brutalement l'ajustement à la fin de cette période au détriment d'un ajustement progressif -- pour les pays importateurs comme pour les pays exportateurs.

Programmes préférentiels

Pour atténuer les inquiétudes relatives à l'accès des produits des pays en développement au marché, on avance souvent l'argument selon lequel il existe des programmes préférentiels spécialement conçus pour aider ces pays à écouler leurs produits sur le marché des pays industrialisés. Il apparaît, cependant, que les marges prévues par un grand nombre de ces programmes sont plus faibles qu'elles ne le paraissent au départ; en outre, les «produits sensibles», qui intéressent au premier chef les pays en développement, ne sont souvent pas couverts par ces programmes. Des préférences de portée plutôt générale ont été accordées aux PMA aux termes de l'initiative «Tout sauf les armes» de l'UE, qui assure à la quasi-totalité des produits concernés un accès en franchise de droits et sans contingent, et, aussi aux termes de programmes similaires adoptés par la Nouvelle-Zélande, la Norvège et la Suisse7. Un autre programme important est la loi américaine «African Growth and Opportunity Act» (Loi sur la croissance et les opportunités en Afrique), aux termes de laquelle 35 pays PMA et non-PMA africains peuvent exporter librement leurs produits sur le marché américain, moyennant certaines restrictions sur l'habillement et d'autres produits «sensibles».

L'adoption par les pays du «quadrilatère» de programmes assurant aux PMA un accès sans restriction au marché peut présenter des avantages considérables sans causer de coûts excessifs aux autres fournisseurs, compte tenu de la très faible part du commerce mondial détenue par les PMA (environ 0,5 %). S'agissant des mesures préférentielles en faveur des PMA -- qui ne représentent qu'un coût politique limité pour les pays industrialisés -- il faut se garder de tomber dans une autosatisfaction excessive, qui consisterait à croire que ces mesures peuvent remplacer une libéralisation de grande ampleur. En fait, ces préférences risquent de créer un système d'intérêts particuliers, selon lequel les pays riches protectionnistes s'allieraient aux pays très pauvres pour maintenir les barrières commerciales dressées devant les pays intermédiaires, considérés par chaque partie comme une menace concurrentielle. Il faut donc inscrire fermement ces préférences dans le cadre d'une libéralisation multilatérale rapide, tout en accordant aux pays PMA le temps et l'aide nécessaires à leurs ajustements.

III. Soutien à l'agriculture

Mesures de soutien à la production et aux prix

Dans la plupart des pays de l'OCDE, le secteur agricole est fortement protégé face à la concurrence internationale et bénéficie d'une aide publique considérable. Les subventions peuvent, suivant leur type, porter un préjudice important aux producteurs des autres pays, ainsi qu'aux contribuables et consommateurs du pays concerné. En dépit des réformes introduites durant les dernières années pour dissocier les subventions de la production, plus de 70 % des aides aux producteurs continuent d'être fournies par le biais de mesures de soutien des prix du marché et de paiements par unité produite, liés en partie aux subventions à l'exportation. Du point de vue des pays industrialisés, cette aide est coûteuse et régressive, puisque ce sont les grandes exploitations agricoles qui en bénéficient le plus et que les mesures de soutien des prix pénalisent surtout les consommateurs à faibles revenus, puisque ceux-ci consacrent relativement plus de revenus aux dépenses d'alimentation que le reste de la population. Dans les autres pays, notamment les plus pauvres d'entre eux, incapables de compenser leurs pertes au moyen de mesures de rétorsion, la surproduction encouragée par ces soutiens réduit les prix et les recettes des produits touchés et les soumet à une plus grande instabilité8.

Les subventions américaines à la production de coton et les producteurs africains

Les cours mondiaux du coton baissent depuis le milieu des années 90. Les planteurs de coton des États-Unis reçoivent une «aide d'urgence» depuis 1997. On estime que le montant total des mesures de soutien était de 1,7 à 2 milliards de dollars EU en 2001. Outre les programmes de soutien renforcés dont bénéficient divers secteurs, les planteurs de coton étaient protégés des importations par des contingents et bénéficiaient d'aides à l'exportation et de subventions basées sur les prix. Ces avantages supplémentaires ont contribué à dissocier les décisions des producteurs de coton des variations relatives des prix. Parfois, le coton a enregistré des rendements relativement plus élevés que les cultures de substitution. En conséquence, alors que la surface totale cultivée dans le monde diminue depuis 1995, elle décrit une courbe en U aux États-Unis et a augmenté d'environ 10 % entre 1998 et 2001. Durant la saison 2001-02, les exportations américaines de coton devraient atteindre leur plus haut niveau depuis 1926-27, soit 35 % du commerce mondial de coton, alors que les exportations non américaines devraient tomber à leur plus bas niveau depuis 1984-85. Cette situation a contribué à faire baisser sensiblement les cours, pénalisant ainsi certains des pays les plus pauvres. Par exemple, la perte de recettes d'exportation causée par la chute des cours mondiaux durant les deux dernières années représente 3 % du PIB du Mali et du Bénin et entre 1 et 2 % du PIB du Burkina Faso et du Tchad. Par comparaison le montant annuel de l'allégement du service de la dette accordé à ces pays au titre de l'initiative PPTE se situait entre 0,81 % et 1,58 % du PIB en 2001.

Source : Cotton Advisory Committee (Commission consultative sur le coton); Cotton and Wool Outlook, USDA, 3/2002 (Perspectives sur le coton et la laine, Ministère américain de l'agriculture); estimations des services du FMI relatives à l'allégement PPTE.

Les niveaux de soutien et la tendance

Plusieurs indicateurs donnent une idée de l'ampleur de l'aide agricole dans les pays de l'OCDE. Le soutien total des pays de l'OCDE à l'agriculture, par le biais de mesures douanières et de transferts budgétaires, s'est monté à 327 milliards de dollars EU, soit 1,3 % du PIB, en 20009. En conséquence, les recettes agricoles brutes étaient supérieures de 52 % à ce qu'elles auraient dû être sans ces aides. La répartition de l'aide est cependant très inégale selon les pays et les produits. Ainsi, le niveau des soutiens est-il très bas en Australie et en Nouvelle-Zélande, mais bien au-dessus de la moyenne en Islande, au Japon, en Norvège, en Suisse et en Corée. Il est plus élevé dans l'UE, où les subventions ont relevé les revenus des producteurs de 62 % en moyenne en 2000, qu'aux États-Unis (28 %). Le riz, les produits laitiers, les céréales secondaires, le blé et le bœuf bénéficient des niveaux de protection les plus élevés.

L'Accord relatif à l'agriculture de l'Uruguay Round (URAA) a étendu la discipline multilatérale aux politiques nationales de soutien à l'agriculture et aux subventions directes à l'exportation. Il comprend des engagements en faveur d'une réduction des mesures globales de soutien pour les politiques de la «catégorie orange» -- celles qui sont supposées avoir le plus d'effet sur la production et le commerce -- de 20 % sur la période de mise en œuvre 1995-2000 par rapport à la période de référence 1986-88. L'URAA a contribué à la réduction des subventions à l'exportation, mais ses résultats apparaissent modestes dans l'ensemble. Dans la plupart des cas, en effet, les plafonds de soutien prévus par ces engagements se situaient bien au-dessus des niveaux réels. De plus, ces engagements étaient de nature générale et ne portaient pas sur des produits spécifiques, ce qui a autorisé une hausse sensible du soutien à certains produits.

Une tendance récente, que l'on retrouve par exemple dans les programmes de l'UE, consiste à lier le versement d'aides au respect d'objectifs écologiques et de stimuler le développement rural plutôt que la production agricole. Néanmoins, aucun des programmes ne propose de réduction à long terme des mesures de soutien. Le programme japonais a pour objectif de relever à 45 % d'ici à 2010 le taux d'auto-approvisionnement agricole du pays. Au Canada et aux États-Unis, les projets visant à dissocier la production et le soutien ont été compromis par le versement d'aides d'urgence en réponse à la chute des cours; ces paiements ont entraîné une augmentation de la production, plutôt qu'une réduction, contribuant ainsi à aggraver les déséquilibres du commerce mondial. En conséquence, la production américaine de soja et de coton a augmenté en dépit de la forte chute des cours mondiaux -- dont elle est en partie responsable.

Les effets de la libéralisation : consommateurs contre producteurs

Ces politiques causent des pertes de revenus aux producteurs des pays en développement qui cultivent les récoltes les plus protégées -- et affectent la croissance économique --, mais les consommateurs, qui vivent généralement dans des zones urbaines, tendent à bénéficier de la baisse des prix. L'aide alimentaire est le cas le plus évident. Dans les années 1980, par exemple, l'UE a puisé dans ses stocks pour fournir du lait en poudre aux programmes publics de distribution de lait dans les écoles et d'aide alimentaire au Nicaragua, pénalisant sévèrement du même coup les producteurs laitiers du pays. En conséquence, un grand nombre d'importateurs nets de produits alimentaires de pays en développement subiraient des pertes nettes, à court terme, si les pays industrialisés supprimaient leurs subventions agricoles sans réduire les restrictions à l'importation sur leurs marchés10. Cependant, si les restrictions à l'importation, tels que les droits de douane, étaient supprimées elles aussi, la plupart des pays en développement en tireraient un bénéfice important, surtout à long terme, car de nouvelles opportunités de production rentables encourageraient la réalisation d'investissements permettant un accroissement de la productivité11. Ces études soulignent l'importance d'une approche globale des réformes agricoles et de l'aide aux pays lésés par ces réformes. La politique commerciale, cependant, sera rarement le meilleur outil en matière d'aide.

IV. L'assistance technique liée au commerce

Une grande partie des avantages du commerce mondial et de sa libéralisation dépend de la capacité des producteurs des pays en développement de tirer parti des nouvelles opportunités de production et de commerce. Leur volonté d'entreprendre, cependant, se heurte souvent à la faiblesse de l'infrastructure institutionnelle et de l'infrastructure du marché dans le secteur commercial. Les préoccupations des producteurs des pays en développement, en outre, ne sont pas toujours intégrées aux accords internationaux, c'est-à-dire aux normes. Il en résulte des frais de transaction élevés et fluctuants, qui sont source d'incertitude et font implicitement office de taxes commerciales, parfois plus coûteuses que les barrières à l'accès au marché. Par exemple, les paiements officiels et officieux relatifs à l'administration des exportations réduit d'environ 15 % les prix à la ferme du riz produit par les cultivateurs cambodgiens12. En général, on obtient les meilleurs résultats en s'attaquant aux régimes douaniers et à la corruption connexe, en libéralisant les services portuaires et l'organisation du marché des transports et en renforçant les capacités institutionnelles pour respecter les normes techniques et sanitaires. Dans nombre de ces domaines, cependant, les pays en développement, surtout les plus pauvres d'entre eux, ont besoin d'assistance technique pour élaborer des solutions et développer des capacités de mise en œuvre.

Le coût des formalités douanières et frontalières

De nombreuses et complexes formalités et contraintes douanières engendrent des coûts importants. Selon une enquête, les opérations de dédouanement dans les pays en développement requièrent en moyenne 40 documents et 200 éléments d'information, dont 30 sont exigés au moins 30 fois et dont 60 à 70 % doivent être modifiés au moins une fois. Le coût des contrôles excessifs et des formalités de dédouanement inefficaces, ajouté au monopole dont jouissent les prestataires de services dans les ports et autres points d'accès clés, dépasse souvent le montant des droits de douane. On estime que les formalités administratives des services douaniers alourdissent considérablement le coût des importations : entre 7 et 10 % de la valeur de la transaction commerciale. Vers le milieu des années 1990, par exemple, les formalités de dédouanement au Moyen-Orient et en Afrique du Nord se composaient souvent de 25 à 30 étapes différentes et pouvaient durer plusieurs semaines. Les formalités d'évaluation en douane sont une grande source d'incertitude pour les importateurs, les douanes considérant généralement que les transactions sont sous-facturées. Dans certains pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, les douaniers contestent toutes les factures, afin d'imposer des amendes ou de recevoir des «récompenses» (en Jordanie, par exemple, la loi récompense les douaniers qui constatent de fausses déclarations et infligent des amendes aux importateurs).

Source : Hoekman et Kostecki (2001); Staples (1998); et OMC (S/C/W/60).

La Déclaration ministérielle de Doha prend en compte ces préoccupations particulières et, à travers elle, la communauté internationale s'est engagée à accroître sensiblement l'assistance technique liée au commerce. Il faut maintenant assurer le suivi de ces engagements en fournissant le financement requis et en obtenant des résultats. Une initiative prise à ce sujet et à laquelle participe le FMI aux côtés de cinq autres organisations internationales13 est le Cadre intégré. Le Cadre intégré est une approche coordonnée visant à identifier et à classer par ordre de priorité les besoins d'aide liés au commerce des PMA, ainsi que les projets de financement par les donateurs, et à intégrer les mesures relatives au commerce dans les stratégies nationales de développement et de lutte contre la pauvreté. Des études-diagnostics ont été réalisées dans trois pays pilotes (Cambodge, Madagascar et Mauritanie) et des travaux sont en cours pour étendre le programme à d'autres PMA durant les prochaines années.

V. La place du commerce dans les stratégies nationales de développement et de réduction de la pauvreté

L'amélioration de l'accès au marché et l'assistance technique peuvent contribuer de façon importante à l'intégration réussie des pays en développement dans le commerce mondial. Le troisième facteur -- et peut-être le plus important -- est le ferme engagement des pays en développement eux-mêmes à mettre en place des politiques et institutions adéquates. Dans de nombreux pays à faible revenu, les politiques et les priorités des donateurs sont supposées converger autour des stratégies nationales de lutte contre la pauvreté définies dans le DSRP (document de stratégie pour la réduction de la pauvreté). Selon une étude récente du dispositif des DSRP réalisée par le FMI et la Banque mondiale, il est possible d'approfondir considérablement le traitement des politiques commerciales et des politiques liées au commerce : la «première génération» des DSRP, intérimaires ou complets, avait mis l'accent avant tout sur les questions relatives à la gestion et à la mobilisation des ressources publiques.

Là où elles existent, les études-diagnostics et les recommandations faites dans le contexte du Cadre intégré peuvent servir de base à un débat national informé et pourraient être explicitement liées à l'approche participative du DSRP. Pour les pays qui ne font pas partie du Cadre intégré et du dispositif des DSRP, le Programme de développement de Doha fournit l'occasion d'un réexamen des objectifs et de l'efficacité des politiques commerciales en vigueur. L'analyse des avantages de la libéralisation de l'accès au marché mondial montre systématiquement qu'une grande partie de ces avantages proviendrait de l'adoption de régimes commerciaux plus ouverts par les pays en développement eux-mêmes, dont un grand nombre maintiennent en vigueur des politiques néfastes aux exportations et à l'agriculture (y compris aux ruraux pauvres) qui freinent la concurrence intérieure du fait des restrictions à l'importation. Bien souvent, les politiques en vigueur ne sont pas le fruit d'une approche cohérente et raisonnée du développement et de la réduction de la pauvreté, mais sont le reflet d'intérêts particuliers et d'idéologies anachroniques.

Un réexamen minutieux permettrait aussi d'identifier les effets des réformes sur les groupes les plus vulnérables et les mesures propres à les atténuer. Un tel réexamen prendrait aussi en compte l'incidence potentielle de la libéralisation commerciale sur les revenus, laquelle peut généralement être traitée en réorientant et en resserrant les régimes fiscaux.

VI. La voie à suivre en matière d'aide et de commerce

Les politiques d'aide et de commerce peuvent être des outils complémentaires dans la lutte pour le développement, mais elles manquent souvent de cohérence. Une approche cohérente suppose que les politiques commerciales créent des débouchés pour les pays en développement et que les politiques de développement leur permettent d'en tirer parti. Les communautés du commerce et du développement doivent collaborer plus étroitement qu'elles ne l'ont fait dans le passé. C'est là le principe même du Programme de développement de Doha de l'OMC, que l'on retrouve dans le projet de communiqué de la Conférence de Monterrey sur le financement du développement.

Ce programme est certes ambitieux. Une politique commerciale centrée sur le développement chercherait à obtenir des progrès généraux et prévisibles en matière d'accès au marché en faveur des exportations des pays en développement, ainsi que la mise en œuvre de mesures de libéralisation par les pays en développement eux-mêmes. Il faudrait donner la priorité à l'élimination des crêtes tarifaires et de la progressivité tarifaire, dont les effets sur les pays pauvres sont particulièrement néfastes. S'agissant de l'agriculture, il est nécessaire de prendre des mesures énergiques pour éliminer les mesures de soutien de la production et des prix, en particulier les subventions à l'exportation, et les restrictions douanières correspondantes. La réglementation relative aux barrières non tarifaires, en particulier aux recours commerciaux, doit être suffisamment rigoureuse pour qu'elle ne puisse pas être utilisée comme forme de protectionnisme indirect. Pour progresser dans ces domaines, les pays industrialisés doivent prendre conscience des conséquences et du coût des politiques en vigueur et renforcer l'aide aux pays lésés par la libéralisation. La libéralisation du commerce n'est pas un acte de charité, mais on tend souvent à l'oublier.

Une politique d'aide centrée sur le commerce doit prévoir la fourniture d'une assistance en faveur de la réduction du coût des transactions et de l'élimination des faiblesses institutionnelles qui font obstacle au commerce. Cette assistance doit aussi rendre les pays en développement plus capables de faire valoir et de défendre leurs intérêts dans les négociations multilatérales. Le renforcement des capacités représenterait un instrument important de la mise en œuvre d'une telle approche et nécessiterait un accroissement important du financement de l'assistance technique. Enfin, le programme demanderait que les pays en développement eux-mêmes s'engagent à créer un environnement propice au commerce et à l'investissement dans le cadre de leurs stratégies nationales de développement. Il faudrait développer une libéralisation indépendante en recourant à des formules permettant d'accorder des «crédits» aux pays qui ouvrent leurs marchés sans que cela n'affaiblisse leur position dans les négociations multilatérales.

Références

Banque mondiale, 2001, Global Economic Prospects 2002 (Washington, Banque mondiale).

Hoekman, Bernard M. et Michel M. Kostecki, 2001, The Political Economy of the World Trading System: The WTO and Beyond (Oxford; New York, Oxford University Press).

Organisation de coopération et de développement économiques, 2001, Politiques agricoles des pays de l'OCDE : suivi et évaluation, 2001 (Paris, OCDE).

Organisation mondiale du commerce, 2001, Integrated Framework Diagnostic Trade Integration Study: Cambodia (Genève : Organisation mondiale du commerce).

Staples, B. R., 1998, Trade Facilitation, Global Trade Negotiations Home Page, http://www1.worldbank.org/wbiep/trade/wto2000_BPs.html.


1 Les crêtes tarifaires sont définies comme étant des droits de douane de 15 % ou plus.
2 Les Nations-Unies ont classé 49 pays en développement dans la catégorie PMA.
3 Parmi les grands produits manufacturés, la progressivité tarifaire touche surtout les textiles et les vêtements, le cuir et les produits à base de cuir, les produits du caoutchouc, le bois, la pâte à papier, le papier, l'ameublement et les métaux.
4 Les pays en développement continuent eux-mêmes d'user de licences d'importation restrictives.
5 Les exportations des PMA, cependant, ont été peu affectées.
6 Les conditions de l'accession de la Chine à l'OMC comprennent des mesures de sauvegarde renforcées visant à protéger les autres membres de l'Organisation face aux exportations chinoises pendant la période de transition.
7 Aux termes du programme de l'UE, des restrictions seront maintenues sur les importations de bananes jusqu'en 2006 et sur les importations de sucre et de riz jusqu'en 2009.
8 Si la production des pays industrialisés est protégée de la conjoncture du marché mondial par des mesures de soutien, le fardeau de l'adaptation aux variations de l'offre et de la demande repose entièrement sur les autres producteurs, ce qui a pour effet de provoquer de fortes variations de prix.
9 Les données contenues dans la présente section proviennent de l'OCDE, «Politiques agricoles des pays de l'OCDE : suivi et évaluation», 2001.
10 Ceci est dû à l'augmentation du prix des marchandises dont les pays en développement sont importateurs nets et à une possible baisse du prix des marchandises dont ils sont exportateurs nets (en fonction du changement des types de production des exploitations agricoles des pays industrialisés).
11 La raison essentielle est que les restrictions à l'importation réduisent les opportunités d'exportation des fournisseurs étrangers sans subventionner leurs clients.
12 «Integrated Framework Diagnostic Trade Integration Study» (Étude-diagnostic du Cadre intégré sur l'intégration dans le commerce), Cambodge, 2001
13 CCI, CNUCED, PNUD, Banque mondiale et OMC. La création du Cadre intégré a précédé la Déclaration de Doha.