Des prix très élevés pour le carbone

Par Ian Perry, Département des finances publiques du FMI
Affiché le 21 avril 2016 par le blog du FMI

Tandis que les dirigeants mondiaux vont commencer à signer demain (le 22 avril est le Jour de la Terre) aux Nations Unies à New York l’accord historique de Paris sur le changement climatique, les pays vont s’atteler à résoudre la question qui pourrait être difficile et controversée de la tarification des émissions de gaz à effet de serre, principalement de dioxyde de carbone (CO2). Selon nos estimations approximatives, la plupart des gros émetteurs devront faire payer entre 50 et 100 dollars la tonne ou plus (à prix courants) d’ici 2030 pour tenir leurs engagements en matière de réduction des émissions de carbone.

Ces chiffres sont très élevés : par exemple, un prix de 50 dollars la tonne de CO2 relèverait de douze centimes au litre le prix à la pompe de l’essence. Et cela triplerait quasiment les prix mondiaux du charbon.

Comme indiqué dans un blog antérieur, il est notoire (il suffit de poser la question dans le monde des affaires et de la finance) que, en moyenne et au fil du temps, le meilleur moyen de tenir les engagements de réduction des émissions de CO2 consiste à établir le prix de ces émissions de manière robuste et prévisible. Et le meilleur moyen d’appliquer cette tarification, et d’encourager de manière globale l’investissement dans les technologies propres, est de faire payer le contenu en carbone des carburants fossiles.

Quelques informations générales : plus de 190 pays se sont réunis en décembre dernier pour s’engager à jouer leur rôle dans la lutte contre le réchauffement de la planète. Ils ont arrêté aussi des procédures d’évaluation des progrès et de mise à jour de ces engagements. Un engagement typique consiste à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’environ 30 % d’ici 2030 par rapport aux émissions d’une année de référence.

Niveau de la tarification du carbone

Les chiffres ci-dessus proviennent de calculs très simplifiés qui sont présentés dans le tableau ci-dessous (en supposant que la tarification du carbone est le principal instrument d’atténuation pour mettre en œuvre les engagements de Paris). Tous les pays n’auront peut-être pas besoin d’un prix de 100 dollars la tonne. Par exemple, les prix nécessaires pour atteindre les objectifs en Russie sont plus bas que dans d’autres pays, car les émissions russes ont déjà diminué considérablement par rapport à 1990, l’année de référence.

Mais nous ne devons nous faire aucune illusion quant à l’ampleur de l’action nécessaire : seulement 12 % des émissions mondiales sont aujourd’hui couvertes par des systèmes de tarification, et généralement avec des prix inférieurs à 10 dollars la tonne.

Qu’en est-il des recettes qui pourraient être tirées de la tarification du carbone ? Généralement, ces recettes sont largement supérieures à 1 % du PIB (voir tableau). Ces recettes considérables pourraient permettre par exemple de réduire sensiblement les lourds impôts sur le travail et le capital.

cadre

Une démarche à deux étapes

Comment évaluons-nous le prix nécessaire ? Premièrement, nous projetons l’utilisation future de charbon, de gaz naturel et de produits pétroliers par un pays en l’absence de nouvelles mesures d’atténuation. Cela donne un niveau d’émissions de CO2 « en statu quo » et dépend de la croissance du revenu, de l’évolution du rendement énergétique, des changements éventuels dans l’utilisation respective des carburants du fait des progrès technologiques et des fluctuations des prix, etc. Deuxièmement, nous déduisons la relation entre les prix et les émissions de CO2 à l’aide d’hypothèses concernant la sensibilité de l’utilisation des carburants au prix du CO2 ; de nombreuses études empiriques donnent une idée de ces réactions des prix des carburants sur la base de données du passé.

Inévitablement, ces estimations de prix sont entourées d’une grande incertitude. Les pays auront donc besoin de règles transparentes et prévisibles pour ajuster périodiquement les trajectoires des prix du CO2 si les systèmes énergétiques évoluent de manière inattendue. Il convient aussi d’ajuster les prix des émissions de manière progressive pour permettre aux entreprises et aux ménages de s’adapter ; cela limiterait les risques de mettre au rebut du matériel existant bien avant la fin de sa durée de vie utile. Par exemple, un pays qui a besoin d’un prix estimé de 75 dollars la tonne d’ici 2030 pourrait prévoir de relever le prix des émissions de 5 dollars la tonne chaque année à compter de cette année.

Dans leur propre intérêt

La bonne nouvelle, c’est que de nombreux pays se rendent compte que la tarification du carbone peut être dans leur propre intérêt. Les avantages d’un air plus pur peuvent être considérables sur le plan des finances publiques et de la santé, avant même de considérer les effets bénéfiques sur le climat mondial. Et, grâce à l’accord de Paris, une pression mutuelle considérable sera exercée sur les gouvernements pour qu’ils démontrent les progrès accomplis sur la voie de leurs engagements de réduction des émissions, ce qui pourrait créer une dynamique importante en faveur de la tarification du carbone.

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Ian Perry

Ian Parry est un expert principal en politique budgétaire et environnementale au sein du Département des finances publiques du FMI. Ses domaines de spécialité sont l’analyse budgétaire du changement climatique, l’environnement et les questions relatives à l’énergie. Avant d’entrer au FMI en 2010, il était titulaire de la chaire Allen V. Kneese en économie de l’environnemental au sein du groupe Resources for the Future.



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