En matière de politique économique, la communication avec les citoyens n’a plus rien d’un détail. Au contraire, la communication apparaît de plus en plus comme un outil stratégique à part entière. Certes, elle ne pourra jamais se substituer à des politiques de qualité ; mais si les réformes économiques ne sont pas comprises, admises et acceptées par les personnes qu’elles affectent, elles risquent davantage d’échouer, voire d’être détricotées. Ce principe vaut également pour d’autres politiques : monétaires, financières, budgétaires et structurelles.
Avec la prolifération des réseaux sociaux, jamais les citoyens n’ont été aussi nombreux à donner leur opinion sur les politiques publiques, et dans le monde entier, ils attendent des autorités qu’elles soient plus transparentes et prennent leurs responsabilités. Par conséquence, la pression monte pour que les législateurs expliquent mieux leur action à un plus large public et prouvent qu’ils méritent son soutien. En d’autres termes, ils doivent redoubler d’efforts pour se faire entendre, se faire comprendre et susciter l’adhésion.
Dans une nouvelle étude [link], les services du FMI s’appuient sur de vastes recherches pour donner aux autorités nationales une vue d’ensemble des nouveaux enjeux de la communication dans différents domaines. Bien sûr, chaque domaine d’action présente des difficultés spécifiques en matière de communication. Mais les points communs sont suffisamment nombreux pour que les responsables d’un domaine donné puissent s’inspirer de l’expérience de leurs homologues dans d’autres domaines. L’étude examine également la situation de certains pays afin de souligner les difficultés qui apparaissent et se reproduisent dans des systèmes politiques et des cadres stratégiques très variés.
L’importance de la confiance
La confiance est un thème central car elle est essentielle au fonctionnement de toute économie et à la réussite des réformes. Dans de nombreux pays, les sondages montrent que la confiance à l’égard des institutions et des experts s’amenuise depuis longtemps, et de plus en plus. Les effets profonds de la crise financière mondiale, la montée des inégalités, les clivages politiques et le manque d’attention portée véritablement aux besoins des citoyens y contribuent.
La communication peut jouer un rôle central dans le rétablissement et le maintien de la confiance. Toutefois, il n’est pas simple de regagner une confiance qui a été perdue : les efforts de communication seront vains s’ils sont perçus comme une tentative de manipulation ou d’embellissement de la réalité ; c’est au contraire la méfiance qu’ils susciteront. Pour réussir, les politiques et la communication doivent inspirer la confiance.
Les leçons de l’expérience
Une communication efficace est une communication qui tire les enseignements de l’expérience. C’est une communication qui s’adapte aux différents domaines politiques.
Par exemple, en matière de politique monétaire, la communication s’inscrit souvent dans un cadre politique bien établi et joue un rôle central pour gérer les anticipations inflationnistes. L’influence de la communication dans ce contexte a fait l’objet de nombreuses recherches empiriques.
En revanche, pour ce qui est de la stabilité financière, le cadre politique est encore mouvant et des inconnues subsistent quant à la meilleure façon de communiquer. La difficulté ici consiste notamment à trouver le juste dosage de transparence afin d’éviter de déstabiliser les marchés financiers.
S’agissant des politiques budgétaires et structurelles, les considérations d’économie politique — quels sont les bénéficiaires, les modalités et les échéances — sont souvent au premier plan : la communication doit à la fois être à l’écoute de l’opinion publique et en mesure de l’influencer. Ainsi, le Brésil a été l’un des pionniers de la participation citoyenne au processus budgétaire, un modèle qui s’est propagé dans toute l’Amérique latine. Il est aujourd’hui obligatoire, dans bien des pays, d’écouter et de consulter les organisations de la société civile pour établir les priorités budgétaires.
Et lors de crises, il peut être nécessaire d’intervenir simultanément dans de nombreux domaines d’action. Une approche coordonnée de la communication, axée sur des messages cohérents, peut contribuer à maintenir la confiance et à réduire en définitive le coût de la crise.
De nouvelles capacités de communication
Malgré la variété des domaines d’action, il est crucial pour tous les pays de communiquer efficacement avec un large public. Pour réussir, il sera de plus en plus important d’améliorer sans cesse les capacités de communication, en exploitant les nouvelles technologies, en recourant à divers supports et en utilisant de nombreuses voies de communication entre émetteur et destinataire. Toucher le public directement, sans intermédiaire, constitue un objectif essentiel. C’est d’autant plus vrai dans les pays où la presse économique spécialisée est encore en train de se constituer, ou ceux dans lesquels un projet politique spécifique domine.
La panoplie des outils de communication peut également comprendre des analyses comportementales et le recours éthique à des techniques telles que la segmentation des publics, facilitée aujourd’hui par les médias sociaux. Des messages en prise avec les besoins et les intérêts des publics visés, adaptés en fonction du support et du contenu, peuvent également contribuer à améliorer la compréhension. Par exemple, la Banque de Jamaïque a lancé une campagne de communication innovante expliquant par le reggae, musique jamaïcaine par excellence, les avantages d’une inflation stable et faible, sur les réseaux sociaux, à la télévision et à la radio.
Il est fondamental de bien faire comprendre les politiques pour que celles-ci soient efficaces. L’amélioration de la communication peut contribuer à la réussite des réformes menées par les pays. À cet effet, l’expérience des autres pays et institutions peut constituer une source d’inspiration enrichissante.
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Gerry Rice est devenu directeur du département de la communication (COM) du Fonds monétaire international en décembre 2011. Il y était auparavant directeur adjoint (2006–2011), quand le département s’appelait encore le département des relations extérieures.
À la tête du département de la communication, M. Rice est responsable de la stratégie du FMI en matière d’interaction avec les médias et les principaux interlocuteurs du FMI, dont les autorités et les parlements, les représentants syndicaux, les groupes de la société civile et le monde universitaire, ainsi que de la communication interne de l’organisation. Il collabore étroitement avec la directrice générale et les membres de la direction sur les questions de communication relatives aux activités du FMI, notamment les décisions en matière de stratégie et de prêt.
Olga Stankova est assistante spéciale du directeur du département de la communication du FMI. Elle dirige actuellement les activités d’assistance technique pour la communication en matière de politique économique et mène des recherches dans ce domaine, et elle gère les opérations de communication sur les travaux du FMI en matière de stratégie et de politique. Elle était auparavant responsable de la communication sur les Perspectives de l’économie mondiale et le Rapport sur la stabilité financière dans le monde, ainsi que sur les politiques monétaires et du secteur financier. Elle a également été attachée de presse principale pour tous les pays de l’ex-Union soviétique, dont l’Ukraine, ainsi que pour certains pays d’Europe et du Moyen-Orient, dont l’Égypte, l’Irlande et le Royaume‑Uni. Elle a travaillé à la Banque centrale européenne pendant la crise financière mondiale, a été directrice du marketing à la banque d’investissement russe Troika Dialog, et a dirigé la division secteur bancaire et investissement de l’antenne moscovite de l’Agence américaine pour le développement international.