Credit IMF Photo/Amanuel Sileshi

Afrique subsaharienne : une croissance stable, les finances publiques à rude épreuve

L’accroissement des recettes publiques et l’amélioration de la gestion de la dette peuvent favoriser la résilience et accélérer la croissance

Over the past six months the realignment of global priorities and increasingly turbulent external conditions have continued to test sub-Saharan Africa. Yet the region’s economies are proving resilient. As our recent economic outlook for the region shows, economic growth is projected to hold steady at 4.1 percent this year, with a modest pickup to 4.4 next year. Such steadiness reflects years of important reform efforts across key economies. 
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Plusieurs pays dont les taux de croissance sont parmi les plus élevés au monde (Côte d’Ivoire, Éthiopie, Ouganda et Rwanda) se situent dans la région. Cela étant, les États dépendants des ressources naturelles et touchés par un conflit peinent à maintenir la dynamique. Pour eux, la progression du revenu par habitant reste modeste, avec une moyenne d’environ 1 % par an, voire moins dans les pays les plus pauvres. 

Cette divergence s’explique en partie par les fluctuations contraires des marchés des produits de base : les cours du pétrole ont fléchi depuis avril, tandis que ceux du cacao, du café, du cuivre et de l’or sont en hausse. Les pays doivent en outre faire face à des coûts d’emprunt élevés, bien qu’ils soient inférieurs aux coûts enregistrés plus tôt cette année. L’Angola, le Kenya, le Nigéria et la République du Congo ont récemment fait leur retour sur le marché obligataire international. 

L’environnement mondial en matière de politique commerciale et d’aide au développement s’est également détérioré. Les droits de douane frappant les exportations vers les États-Unis ont augmenté et l’accès préférentiel au marché au titre de la loi sur la croissance et les perspectives économiques de l’Afrique (African Growth and Opportunity Act) est arrivé à son terme. Si le volume des échanges soumis à des droits de douane est relativement modeste pour la plupart des pays de la région, il est probable que les effets des tensions commerciales se fassent sentir sous l’effet de la détérioration des perspectives de croissance mondiale et de la volatilité des prix des produits de base. 

Parallèlement, la forte baisse de l’aide étrangère touche plus durement les États pauvres et fragiles. Les gouvernements qui tentent de redéfinir leurs priorités en matière de dépenses sont également confrontés à des goulets d’étranglement et à une marge de manœuvre budgétaire limitée. 

Une résilience mise à rude épreuve 

Si la résilience de l’Afrique subsaharienne est encourageante, les facteurs de vulnérabilité se sont accumulés et continueront de mettre la région à rude épreuve. De nombreux gouvernements doivent maintenant faire face à un ensemble complexe de pressions budgétaires, monétaires et extérieures qui menacent les  réformes arrachées de haute lutte et pourraient compliquer les ripostes en cas de chocs futurs. 

Les coûts du service de la dette augmentent rapidement, donnant un tour de vis budgétaire et resserrant la marge de manœuvre relative aux dépenses de développement. La fragilité budgétaire continue de peser sur la région, en particulier sur les pays à faible revenu. Vingt pays sont à présent surendettés ou risquent de le devenir. De plus, alors que les gouvernements se tournent vers l’emprunt intérieur, les banques sont davantage exposées au risque lié à la dette publique. 
 

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L’inflation, bien que marquant le pas dans l’ensemble, dépasse encore 10 % dans environ un cinquième des pays de la région. Par ailleurs, si certains pays ont reconstitué leurs réserves internationales, celles-ci restent sous tension dans une grande partie de la région. 

Dans ce contexte difficile, nous distinguons deux grandes priorités stratégiques. 

Dégager des recettes 

Tout d’abord, augmenter les recettes. Les besoins de développement de la région restent immenses ; pour autant, les financements extérieurs sont rares et le fardeau de la dette pèse lourd. La mobilisation des recettes intérieures est un moyen essentiel pour assurer un espace budgétaire durable, tandis qu’une meilleure gestion de la dette peut réduire les coûts d’emprunt et élargir l’accès aux fonds. 
 

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Améliorer la perception de l’impôt constitue un défi depuis longtemps pour les finances publiques de la région. Les efforts déployés par le passé montrent ce qui fonctionne ou non. Pour qu’une réforme soit efficace, il faut porter attention à la politique fiscale (l’impôt à percevoir et le taux d’imposition) et à l’administration fiscale (la manière de percevoir l’impôt). Les pays qui sont allés de l’avant, tels que le Ghana, le Rwanda et la Tanzanie, y sont parvenus en dématérialisant leurs systèmes fiscaux, en mettant des réformes à l’essai, en apportant un soutien aux fonctionnaires des impôts et en associant les citoyens. D’autres ont appris qu’un soutien public limité pouvait faire échouer des prélèvements mal conçus. L’enseignement à en tirer est clair : les progrès dépendent autant de la confiance et de l’ordonnancement des réformes que des solutions techniques. 

La population étant plus disposée à payer des impôts lorsqu’elle constate que les fonds publics sont dépensés à bon escient, les gouvernements doivent associer la réforme des recettes à une amélioration visible des services fournis, à un contrôle plus strict des dépenses, et à des efforts visant à lutter contre la corruption et à renforcer l’obligation de rendre compte. Sans ces améliorations, les augmentations des recettes s’avéreront éphémères. 

Gérer la dette 

Il est également essentiel d’améliorer la gestion de la dette. Des institutions de gestion de la dette transparentes et crédibles peuvent réduire les coûts d’emprunt et attirer les investisseurs. La publication de données complètes sur la dette, un dialogue ouvert avec les créanciers et le renforcement des procédures d’approbation et de contrôle constituent les premières étapes essentielles. 

Une meilleure gestion de la dette favorise également l’accès à des financements innovants. Des instruments, tels que le financement mixte, qui combine des fonds concessionnels et des fonds privés, peuvent orienter l’investissement vers les énergies vertes, la santé et les infrastructures. Les accords entre États et créanciers qui visent à remplacer la dette souveraine existante par des engagements comprenant des dépenses affectées à un objectif de développement précis, appelés échanges de créances contre des programmes de développement, peuvent favoriser les progrès sur le plan social ou environnemental, et ont été mis à l’essai en Côte d’Ivoire, entre autres. 

En revanche, pour transposer ces initiatives à plus grande échelle, les gouvernements ont besoin d’une réglementation crédible, de données transparentes et de procédures simplifiées. Utilisés à bon escient, ces outils peuvent aider à jeter les bases d’une croissance plus résiliente et plus inclusive. 

— Le présent billet s’inspire de l’édition d’octobre 2025 des Perspectives économiques régionales pour l’Afrique subsaharienne « Tenir bon », rédigé par Cleary Haines, Athene Laws, Maurizio Leonardi, Nikola Spatafora et Felix Vardy, sous la direction de Montfort Mlachila, Amadou Sy et Antonio David.