Surmonter la crise : pourquoi nous avons besoin de transparence dans les finances publiques

Carlo Cottarelli, Directeur, Département des finances publiques, FMI
Publié le 1er novembre 2012 par le blog du FMI - "iMFdirect"

Sans données budgétaires de qualité, les gouvernements ne peuvent pas comprendre les risques budgétaires auxquels ils font face, ni prendre de bonnes décisions budgétaires. Et, si ces données ne sont pas rendues publiques, les citoyens et les parlements ne peuvent rendre les gouvernements comptables de ces décisions.

La transparence des finances publiques — c'est-à-dire la diffusion en temps voulu de données fiables et pertinentes sur la situation des finances publiques dans le passé, le présent et l'avenir — est donc le fondement d'une bonne gestion budgétaire.

Une nouvelle étude du FMI sur la transparence, la responsabilisation et le risque dans le domaine des finances publiques examine les progrès que nous avons accomplis en ouvrant la « boîte noire » de l'élaboration de la politique budgétaire au cours des dix dernières années, les enseignements de la crise récente sur le plan des normes et des pratiques d'information budgétaire, ainsi que les mesures que nous devons prendre pour relancer l'effort de transparence budgétaire à l'échelle mondiale.

Révéler les mystères des finances publiques — quels progrès avons-nous accomplis?

Au cours des dix dernières années, de meilleures normes d'information budgétaire ont été établies, par exemple les Normes comptables internationales du secteur public de la Fédération internationale des comptables, ainsi que le Code des bonnes pratiques en matière de transparence des finances publiques et le Manuel des statistiques de finances publiques du FMI.

Par exemple, l'étude du FMI note que, sur les 184 pays membres de l'institution, le nombre de pays en mesure de communiquer des données budgétaires portant sur l'ensemble des administrations publiques est passé de 48 à 78 au cours des six dernières années. Les pays ont amélioré aussi le délai de production de leurs données budgétaires : un peu plus de 80 pays déclarent aujourd'hui des données budgétaires sur une base mensuelle.

Par ailleurs, il subsiste de sérieuses lacunes dans l'observation par les pays des normes d'information budgétaire, dans les normes elles-mêmes et dans la surveillance de l'observation de ces normes par les pays.

Voici quelques exemples.

Depuis plus de dix ans, les normes d'information pour les statistiques et les comptes budgétaires exigent des pays qu'ils déclarent leurs recettes et leurs dépenses sur la base des droits constatés et qu'ils publient des bilans faisant apparaître leurs actifs et leurs passifs. Aujourd'hui, cependant, seuls 12 pays sont en mesure de déclarer toutes leurs données sur la base des droits constatés et seulement 14 communiquent un bilan intégral incluant les actifs et les passifs fixes et financiers.

Au moins, il existe des normes internationales pour ce type de rapports budgétaires rétrospectifs : il n'y a pas de normes pour les prévisions budgétaires. Il peut donc être difficile de savoir comment interpréter ces prévisions ou juger de leur crédibilité. Pourtant, le budget est probablement le rapport le plus important dans le domaine des finances publiques, et il est certainement celui qui suscite le plus l'intérêt des parlements et du public.

Enfin, il faut améliorer la surveillance multilatérale de l'observation de ces normes par les pays. Par exemple, le nombre d’examens de la transparence des finances publiques effectués par le FMI est tombé de plus de 20 en 2012 à 1 seulement l'an dernier. En outre, le bilan de ces examens pour ce qui est de la détection des problèmes de transparence qui ont contribué à la crise récente est clairement mitigé.

Transparence des finances publiques et crise : qu'avons-nous appris?

Ces carences latentes dans les normes et les pratiques en matière de transparence des finances publiques n'ont pas été la cause principale de la crise économique et financière qui a commencé en 2008, mais elles l'ont aggravée dans de nombreux pays.

L'étude examine les dix pays qui ont enregistré la plus forte hausse inattendue de la dette publique déclarée au lendemain de la crise : il est noté qu'un peu moins d'un quart de cette hausse tient à une mauvaise appréciation de la situation budgétaire de la part des autorités concernées.

Ces manquements dans l'information budgétaire rétrospective ont été les plus manifestes en Grèce, où les rendements sont montés en flèche lorsqu'il est apparu clairement que les autorités avaient sous-déclaré largement leurs dettes et leurs déficits.

Un manque de données crédibles sur l'évolution et les risques budgétaires a aussi entravé la riposte des pays face à la crise. Peu importe qu'un gouvernement cherche à réduire sa dette ou à stimuler l'économie, il a besoin d'estimations fiables sur l'évolution de ses finances à politique inchangée, sur l'impact budgétaire de toute modification de sa politique et sur les risques auxquels est exposé un scénario de référence.

Cependant, l'étude note que seulement un tiers des pays distinguent systématiquement l'impact budgétaire de la politique actuelle et d'une nouvelle politique dans leurs prévisions. Par ailleurs, même parmi les pays avancés, moins de la moitié établit le type de relevé des risques budgétaires qui est nécessaire pour donner aux citoyens et aux marchés l'assurance que les paramètres de la politique budgétaire pourraient résister à un certain nombre de chocs plausibles.

Enfin, le processus d'ajustement budgétaire exige, dans de nombreux cas, que les gouvernements établissent des objectifs ambitieux pour la réduction du déficit et de la dette. Nous savons d'expérience que, dans ces conditions, les gouvernements sont souvent tentés de recourir à des artifices comptables afin d'éviter, même si c'est temporaire, d'opérer les choix budgétaires difficiles que ces objectifs impliquent.

À titre d'illustration, au cours des quatre dernières années, l'encours des obligations garanties par l'État émises par des établissements financiers privés et publics a été multiplié par plus de 10. Dans la grande majorité des pays, la valeur de ces garanties n'apparaît pas dans les indicateurs globaux du déficit ou de la dette publique.

Il est donc essentiel de relancer l'effort de transparence pour s'attaquer aux lacunes des normes et des pratiques d'information budgétaire qui ont été révélées par la crise, orienter la riposte des pouvoirs publics face à la crise et éviter une résurgence de l'opacité budgétaire au lendemain de la crise.

Prochaines étapes

Le document du FMI examine comment on peut améliorer les normes existantes en exigeant la consolidation d'un éventail plus large d'entités publiques, en prenant en compte une gamme plus large d'actifs, de passifs et de flux, et en publiant plus fréquemment des données budgétaires abrégées. Ces améliorations de l'information budgétaire rétrospective doivent aller de pair avec des améliorations de l'information budgétaire prospective. Le document préconise donc d'établir une nouvelle norme sur les prévisions budgétaires et la divulgation des risques.

L'étude examine aussi comment les pays peuvent être encouragés à adopter ces normes d'information révisées. Au niveau national, il faut opérer des réformes institutionnelles pour encourager l'action d'institutions solides qui favorisent la transparence, tels que les parlements, les institutions supérieures de contrôle des finances publiques et les conseils consultatifs indépendants.

Au niveau régional, il faut améliorer la surveillance budgétaire du type de celle qui est incluse dans les directives budgétaires de l'Union européenne, de l'Union économique et monétaire ouest-africaine et de la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale.

Au niveau international, le FMI et les autres prestataires d'assistance technique doivent fournir davantage de recommandations pratiques sur des questions telles que le passage de la comptabilité de caisse à la comptabilité sur la base des droits constatés et la surveillance budgétaire des sociétés publiques.

Enfin, l'étude examine comment le FMI peut mieux détecter les problèmes d'information budgétaire et mieux aider les gouvernements à les résoudre. Nous travaillons maintenant sur la révision de notre Code de bonnes pratiques en matière de transparence des finances publiques et nous solliciterons bientôt les commentaires du grand public sur nos idées. Par ailleurs, nous avons l'intention de réviser nos évaluations de l'observation du code par les pays.

Nous tenons à veiller à ce que ces rapports sont adaptés aux besoins particuliers de chaque pays et non seulement examiner la qualité de leurs processus et de leurs procédures, mais aussi évaluer dans quelle mesure les chiffres qui sont déclarés sur les dettes et les déficits reflètent la réalité.

Il y a beaucoup de travail à effectuer, et il est important de bien le faire.



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