Comme la demande s’améliore, il est temps d’agir davantage sur l’offre

Par Olivier Blanchard, Conseiller économique et Directeur, Département des études, FMI
iMFdirect"
Le 8 avril 2014

Les dynamiques qui se dégageaient lorsque l’édition d’octobre 2013 des Perspectives de l’économie mondiale a été publiée deviennent plus visibles. En deux mots, la reprise s’affermit.

Dans notre dernière édition des Perspectives de l’économie mondiale, nous prévoyons une croissance mondiale de 3,6 % cette année et de 3,9 % l’an prochain, contre 3,0 % l’an dernier.

Dans les pays avancés, la croissance devrait atteindre 2,2 % en 2014, contre 1,3 % en 2013.

La reprise qui commençait à s’installer en octobre devient non seulement plus vigoureuse, mais repose aussi sur une assise plus large. Les divers freins qui entravaient la croissance se relâchent lentement. Le rééquilibrage des finances publiques ralentit, et les investisseurs s’inquiètent moins de la viabilité des dettes. Les banques se renforcent progressivement. Bien que la reprise soit loin d’être complète, la normalisation de la politique monétaire, conventionnelle et non conventionnelle, est maintenant à l’ordre du jour.

Cependant, les freins se relâchent à des rythmes différents, et la reprise reste inégale.

Elle est la plus forte aux États-Unis, où la croissance devrait être de 2,8 % en 2014.

Elle est vigoureuse aussi au Royaume-Uni et en Allemagne, où des déséquilibres persistent, mais où nous attendons une croissance de 2,9 % et de 1,7 %, respectivement.

Au Japon, où la croissance devrait s’établir à 1,4 % en 2014, la relance budgétaire a joué un rôle important, et la vigueur de la reprise dépend de la capacité de la demande privée à prendre le relais.

Pour en revenir à la zone euro, la bonne nouvelle est que, pour la première fois en deux ans, l’activité dans les les pays de la périphérie du Sud devrait progresser, même si la croissance restera faible. Mais, si leurs exportations sont généralement dynamiques, leur demande intérieure demeure faible, et elle doit s’affermir pour que la reprise soit durable.

Les pays émergents et les pays en développement continuent d’enregistrer une croissance vigoureuse, certes plus faible qu’avant la crise, mais néanmoins élevée. Nous prévoyons que leur croissance atteindra 4,9 % cette année, légèrement en hausse par rapport aux 4,7 % de l’an dernier. En particulier, nous attendons une croissance de 7,5 % en Chine et de 5,4 % en Inde. Les résultats de l’Afrique subsaharienne sont à noter en particulier, avec une prévision de croissance de 5,4 %.

Les pays émergents et les pays en développement doivent cependant opérer dans un environnement mondial qui évolue. L'affermissement de la croissance dans les pays avancés implique une hausse de la demande de leurs exportations. Cependant, la normalisation de la politique monétaire américaine implique un durcissement des conditions financières et de l'environnement financier. Les investisseurs étrangers sont moins indulgents, et les faiblesses macroéconomiques sont plus coûteuses. Et il pourrait de nouveau y avoir des turbulences financières, telles que celles que nous avons observées l’été dernier et plus tôt dans l’année.

Les risques extrêmes ont diminué, mais les risques n’ont pas disparu.

Le Japon devra mettre en œuvre les trois composantes de son programme économique pour à la fois maintenir la croissance et préserver la viabilité de ses finances publiques. Dans le sud de la zone euro, l'ajustement et la reprise ne peuvent être tenus pour acquis, surtout si l'inflation dans l'ensemble de la zone euro reste faible ou même, pire, se transforme en déflation, ce qui compliquerait le rétablissement de la compétitivité dans le sud de la zone. Comme indiqué dans le Rapport sur la stabilité financière dans le monde (Global Financial Stability Report), les réformes financières sont incomplètes, et le système financier reste exposé. Les risques géopolitiques ont augmenté, bien qu'ils n'aient pas encore eu de répercussions macroéconomiques à l'échelle mondiale.

De plus en plus, la priorité doit être d’agir sur l’offre, et je tiens à souligner trois points :

Premièrement, la croissance potentielle dans beaucoup de pays avancés est très faible. C'est une mauvaise chose en soi, mais cela complique aussi l'ajustement budgétaire. Il est donc d'autant plus important de relever la croissance potentielle : il s'agirait notamment de repenser les institutions du marché du travail, d'accroître la concurrence et la productivité dans un certain nombre de secteurs de biens non échangeables, de repenser la taille de l'État et de réexaminer le rôle de l'investissement public.

Deuxièmement, bien que les données ne soient pas encore claires, la croissance potentielle dans beaucoup de pays émergents semble aussi avoir fléchi. Dans certains pays, comme la Chine, ce fléchissement est peut-être en partie un effet secondaire souhaitable d'une croissance plus équilibrée. Dans d'autres pays, il est manifestement possible d'opérer des réformes structurelles afin d'obtenir de meilleurs résultats.

Enfin, à mesure que les effets de la crise financière s'estompent lentement, une autre tendance pourrait occuper le devant de la scène : il s'agit de l'augmentation des inégalités de revenu. Bien que les inégalités aient toujours été considérées comme un problème important, on ne pensait pas, jusqu'il y a peu, qu'elles aient des implications majeures sur le plan macroéconomique. Cette idée est de plus en plus remise en question. L'examen des retombées des inégalités sur la macroéconomie et sur la conception de la politique macroéconomique sera probablement un point de plus en plus important de notre programme de travail.

Biographie :


Olivier Blanchard
, ressortissant français, a fait carrière à Cambridge (États-Unis). Après avoir obtenu un doctorat en économie au Massachusetts Institute of Technology en 1977, il a enseigné à l’université Harvard, puis est retourné en 1982 au MIT, qu’il n’a plus quitté. Il détient la chaire de professeur d’économie Class of 1941 et a été directeur de la faculté d’économie. Il est actuellement en congé du MIT et occupe les fonctions de Conseiller économique et Directeur du Département des études du Fonds monétaire international.

Il est spécialiste de la macroéconomie et a travaillé sur des sujets très variés — rôle de la politique monétaire, nature des bulles spéculatives, nature du marché du travail et facteurs déterminants du chômage, ou encore transition dans les anciens pays communistes. Ce faisant, il a travaillé avec un grand nombre de pays et d’organisations internationales. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles, dont deux manuels de macroéconomie, l’un écrit en collaboration avec Stanley Fischer pour les étudiants de troisième cycle, l’autre destiné aux étudiants des premier et deuxième cycles.

Il est membre de l’Econometric Society et siège à son Conseil, il a été vice-président de l’American Economic Association et il est membre de l’American Academy of Sciences.



DÉPARTEMENT DE LA COMMUNICATION DU FMI

Relations publiques    Relations avec les médias
Courriel : publicaffairs@imf.org Courriel : media@imf.org
Télécopie : 202-623-6220 Télécopie : 202-623-7100