La taxation internationale du pétrole, du gaz et des minéraux pose des problèmes aux pays en développement

Par Philip Daniel, Michael Keen, Artur Swistak et Victor Thuronyi
9 février 2017

70 % des personnes les plus pauvres du monde vivent dans des pays qui sont riches en pétrole, en gaz naturel ou en minéraux : la taxation efficace de ces industries extractives est donc essentielle pour faire reculer la pauvreté et réaliser une croissance soutenue. Mais les frontières nationales rendent cette tâche bien plus difficile, en offrant des possibilités d’évasion fiscale aux multinationales et en soulevant des questions difficiles sur le plan des compétences lorsque les ressources passent d’un pays à l’autre.

Des problèmes familiers, mais bien plus importants

Les pays les plus riches en ressources ne sont généralement pas ceux qui les utilisent le plus. Il n’est donc pas surprenant que certaines des premières multinationales du monde étaient des entreprises extractives, par exemple Standard Oil et Royal Dutch Shell, ni que les multinationales représentent la grande majorité des recettes publiques tirées de ce secteur (sauf là où les entreprises publiques prédominent). Toutes les techniques d’évasion fiscale liées aux activités multinationales — qui sont l’objet du projet du G20 et de l’OCDE sur L’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices — sont présentes dans les industries extractives. Mais si les problèmes sont similaires à ceux observés dans d’autres secteurs, ils se posent souvent à plus grande échelle, et présentent des caractéristiques particulières.

Prenons par exemple les problèmes liés à l’application du principe de pleine concurrence aux prix de transfert que les multinationales utilisent pour répartir leurs bénéfices imposables dans les différents pays où elles opèrent. Selon le principe de pleine concurrence, les prix de transfert devraient être les mêmes que les prix qui auraient été fixés par des parties non apparentées.

On pourrait penser qu’il serait plus facile d’établir ces prix dans les industries extractives que dans beaucoup d’autres secteurs. Parfois, comme pour le pétrole, les marchés actifs des produits de base fournissent effectivement de bons points de départ pour les prix de transfert. Et des éléments intangibles dont le prix est difficile à établir (brevets, marquage, etc.) jouent généralement un rôle moindre que dans le secteur pharmaceutique par exemple.

Mais des problèmes importants surviennent dans les industries extractives. Pour certaines ressources (telles que le brome, un minéral utilisé dans les colorants et les produits ignifuges, ainsi que ses composés), il n’y a pas de communication régulière des prix de marché. Et les taux d’imposition élevés qui sont appliqués dans le secteur peuvent encourager fortement la manipulation des prix de transfert ; il en va de même pour la nécessité d’arriver à des évaluations non seulement pour les impôts sur les bénéfices, mais aussi pour les redevances (commissions sur la valeur de la production), qui sont communes dans les industries extractives.

Ces questions techniques, entre autres, sont abordées dans un nouveau livre, intitulé International Taxation and the Extractive Industries, qui s’appuie sur les conseils que le FMI fournit à ses pays membres. L’une de ces questions donne une idée des problèmes qui, s’ils ne sont pas propres aux industries extractives, occupent une place très importante dans ce secteur. Il s’agit des « transferts indirects d’intérêts », à savoir l’utilisation d’une chaîne d’entreprises pour réaliser des plus-values dans un pays où elles seront imposées modérément, plutôt que là où se trouve l’actif qui génère la plus-value. Les montants en jeu peuvent être énormes : en Mauritanie, par exemple, un gain potentiel de 4 milliards de dollars relatif à une transaction sur or n’a pas été imposé sur place.

Oléoducs, voies ferrées et frontières

La géographie présente des problèmes particuliers. L’acheminement des ressources vers les marchés peut impliquer la construction d’infrastructures qui s’étendent sur plusieurs pays, par exemple un oléoduc ou une voie ferrée qui relie une mine à un port dans un pays voisin. Notre ouvrage examine la législation internationale en la matière et en particulier les difficultés rencontrées pour appliquer le principe de pleine concurrence. Comme noté dans l’un des chapitres, l’éventail des issues possibles lorsque l’on cherche à appliquer cette législation est si large qu’il peut compromettre la crédibilité du principe lui-même.

Les ressources qui traversent des frontières posent des problèmes de coordination entre les pays, ainsi qu’un risque de conflit. Nous examinons les divers types d’«accords de groupement» qui peuvent être conclus lorsque les pays arrêtent des frontières maritimes et les zones de développement conjoint lorsqu’elles n’en arrêtent pas.

Notre ouvrage aborde bien d’autres questions. Par exemple, comment peut-on évaluer l’impact des conventions fiscales internationales sur les incitations à investir dans les industries extractives ? Nous ne pouvons pas prétendre que ce livre est fascinant. Mais nous espérons qu’il aidera ceux qui — dans les administrations publiques, la société civile, les entreprises ou les milieux universitaires — doivent gérer ces questions, qui sont tout aussi importantes qu’elles sont difficiles à comprendre.


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Philip Daniel est professeur honoraire au Centre for Energy, Petroleum and Minerals Law and Policy, à l’université de Dundee, et chercheur principal au Natural Resource Governance Institute. Il préside le conseil consultatif du Oxford Centre for the Analysis of Resource Rich Economies à la faculté d’économie de l’université d’Oxford. Auparavant, M. Daniel a travaillé pendant neuf ans au Département des finances publiques du FMI comme Chef adjoint de la Division politique fiscale et comme conseiller au bureau de la direction du département. Il est co-éditeur de l’ouvrage The Taxation of Petroleum and Minerals: Principles, Problems and Practice.

Michael Keen est Directeur adjoint du Département des finances publiques du FMI. Avant de rejoindre le FMI, il a été professeur d’économie à l’université d’Essex et professeur invité à l’université de Kyoto. Il a reçu le prix CESifo-IIPF Musgrave en 2010 et est président honoraire du International Institute of Public Finance. M. Keen a dirigé des missions d’assistance technique dans plus de 30 pays et est co-auteur des ouvrages The Modern VAT, the Taxation of Petroleum and Minerals et Changing Customs.

Artur Swistak est économiste au Département des finances publiques du FMI, où il travaille sur des questions relatives à la politique fiscale. Il est actif dans le domaine de la politique fiscale depuis plus de 10 ans. Il a donné des conseils à de nombreux pays sur une série de questions relatives à la politique fiscale, y compris la taxation des ressources naturelles. Avant de rejoindre le FMI en 2011, il a travaillé pour le Ministère des finances de la Pologne en tant que Chef de la Division analyse de la politique fiscale. Il a occupé aussi divers postes de consultant et d’enseignant. M. Swistak a obtenu une maîtrise en droit à l’université de Lodz. Il détient une maîtrise en études professionnelles, un diplôme de l’École nationale d’administration publique de Pologne et un doctorat en économie de l’école d’économie de Varsovie.

Victor Thuronyi  est diplômé de l’Université de Cambridge et de la faculté de droit de Harvard. Il a exercé le droit fiscal, travaillé au Département du Trésor des États-Unis et enseigné le droit fiscal avant de rejoindre le FMI en 1991. Il a travaillé sur les réformes fiscales de nombreux pays. Il est l’auteur de Comparative Tax Law (2003) et d’autres études sur la législation et la politique fiscales. En 2014, il a pris sa retraite du FMI où il occupait le poste de conseiller juridique principal (fiscalité).



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