Canada : Conclusions préliminaires de la mission de consultation au titre de l'article IV, menée au Canada par le Fonds monétaire international pour 2008

le 17 décembre 2007

La déclaration de fin de mission résume les constats préliminaires effectués par les représentants du FMI à l'issue de certaines missions (visites officielles, dans la plupart des cas dans les pays membres). Ces missions s'inscrivent dans le cadre des consultations périodiques (en général annuelles)au titre de l'Article IV des Statuts du FMI, ou sont organisées lorsqu'un pays demande à utiliser les ressources du FMI (à lui emprunter des fonds), ou encore dans le contexte des discussions sur les programmes suivis par le services du FMI, ou d'autres exercices de suivi de la situation économique.


Le 17 décembre 2007

1. Le Canada a affiché une performance enviable sur le plan macroéconomique dans la dernière décennie. Sous l'effet de politiques macroéconomiques prudentes, de réformes structurelles et de conditions extérieures favorables, le produit intérieur brut (PIB) du pays a connu une croissance plus rapide que celui des autres pays du Groupe des Sept (G7), le taux d'inflation est demeuré faible et stable, et les soldes budgétaires ont été excédentaires. La solidité du cadre stratégique aidera les décideurs à agir dans le contexte plus difficile qui s'annonce, et elle appuiera la stabilité financière et macroéconomique.

Perspectives et risques

2. Après cinq ans de forte croissance, l'économie devrait ralentir dans les prochains trimestres. Dans les dernières années, des améliorations des termes de l'échange liées aux prix des produits de base ont stimulé les revenus réels et la demande intérieure; ce phénomène a été renforcé par des conditions favorables sur le plan des capitaux et sur le marché du travail. Nonobstant un certain contrepoids exercé par l'appréciation de la devise et le ralentissement afférent des exportations nettes, l'économie a fonctionné au-delà de son potentiel. Pour l'avenir toutefois, l'effet de freinage causé par des facteurs externes devrait s'intensifier en raison de l'affaiblissement de l'économie des États-Unis et de la récente appréciation de la devise, tandis que la demande intérieure devrait modérer à mesure que les conditions financières se resserreront et que la croissance du revenu réel retournera à la normale (figure 1).

3. Malgré l'effet d'une forte demande intérieure, les risques à la baisse demeurent prépondérants. La demande intérieure pourrait demeurer plus forte que prévu, compte tenu de la récente poussée des revenus réels attribuable aux prix du pétrole et à l'appréciation de la devise. Néanmoins, les importants risques de baisse de la croissance vont amoindrir de plus en plus l'important potentiel de hausse, compte tenu de la possibilité d'une récession aux États-Unis et de risques que les conditions financières mondiales se resserrent davantage.

Défis stratégiques

4. Selon nous, les principaux défis macroéconomiques sont les suivants :

Gérer les risques concurrents de la demande intérieure et des conditions extérieures ou financières.

S'adapter à l'appréciation de la devise et favoriser une croissance rapide de la productivité.

Protéger la stabilité financière, compte tenu des pressions à ce chapitre, tout en favorisant l'innovation.

Améliorer le régime fiscal tout en conservant une situation budgétaire solide.

Gérer les risques concurrents

5. La politique monétaire a changé de cap, comme il se doit, pour se fonder sur la protection contre les risques croissants de baisse à court terme. Par suite d'une augmentation du taux directeur en juillet en raison de préoccupations relatives à l'augmentation graduelle de l'inflation de base, à la raréfaction de l'offre sur le marché du travail, et à la solidité de la demande intérieure, la Banque du Canada a maintenu son taux directeur jusqu'au 4 décembre avant de le réduire. Entre les dates de fixation des taux, la Banque communiquait rapidement aux marchés et au public les répercussions des changements sur les risques à court terme.

6. La réduction du taux d'intérêt annoncée en décembre a été bien accueillie. Vu la parité du dollar canadien par rapport au dollar américain, le processus de détermination des prix s'est déroulé de façon étonnamment rapide et dynamique jusqu'au niveau des consommateurs, ce qui a permis d'atténuer les préoccupations relatives à l'inflation, même si la production demeure supérieure au potentiel de l'économie. La Banque a repositionné sa politique comme elle le devait, compte tenu de l'évolution de la conjoncture économique mondiale et de l'affaiblissement des perspectives extérieures. Les décisions futures reposeront en partie sur les données à venir, puisque les indicateurs du commerce pointent vers un ralentissement de l'activité tandis que le marché du travail montre encore des signes de croissance soutenue.

7. La Banque du Canada a réussi à garder le taux du financement à un jour près de la cible, mais les écarts des taux interbancaires s'élargissent. La liquidité du marché interbancaire au Canada a diminué dans le contexte des perturbations financières mondiales qui sévissent à l'heure actuelle. Les opérations habituelles de la Banque en matière de prêts à un jour ont permis de stabiliser le taux de ces prêts à des niveaux près du taux directeur cible. Comme ailleurs, cela n'a pas empêché les écarts des taux interbancaires de différentes échéances de s'élargir. Tout en reconnaissant que la capacité de la Banque d'influer sur ces écarts peut être limitée, la mission se réjouit de la décision de cette dernière qui, de concert avec d'autres grandes banques centrales, a choisi d'atténuer les fortes pressions observées sur le marché du financement à court terme au moyen d'opérations de liquidités à terme assorties d'un élargissement du choix des titres pouvant être offerts en garantie.

S'adapter à l'appréciation de la devise et favoriser la croissance de la productivité

8. Au pair avec le dollar américain, et compte tenu des prix actuels du pétrole, le cours du dollar canadien semble, de façon générale, concorder avec les données fondamentales de l'économie, mais certaines mesures portent à croire à une légère surévaluation. L'appréciation du dollar observée depuis 2002 découle en grande partie des pressions liées à la flambée des prix des produits de base sur l'utilisation des ressources intérieures et de l'amélioration du bilan externe, et elle a permis de rééquilibrer la demande. Cependant, l'appréciation rapide observée en 2007 a aussi été stimulée par des achats momentum de la devise et par la faiblesse générale du dollar américain. En fait, compte tenu de la nature flottante du régime de changes, la devise canadienne a assumé une part disproportionnée du fardeau du rajustement du dollar américain. Dans les dernières semaines, le dollar canadien, surévalué suivant la plupart des mesures, est heureusement redescendu de ses niveaux records à des niveaux plus réalistes.

9. La mission appuie le cadre d'évaluation des fluctuations de change adopté par la Banque du Canada. Le cadre établit une distinction entre les fluctuations qui rééquilibrent la demande interne et externe face aux chocs extérieurs, d'une part, et les autres fluctuations, d'autre part. Ces dernières peuvent exiger la prise de mesures de politique monétaire dans le contexte du régime de cibles d'inflation. En communiquant son évaluation des taux de change, y compris dans le cadre d'allocutions prononcées par des membres du Conseil de direction, la Banque peut aider les marchés à mieux comprendre sa position stratégique, la façon dont elle perçoit les risques, et les perspectives qu'elle entrevoit, comme elle l'a fait dernièrement.

10. Grâce à la souplesse du marché du travail, le rajustement intérieur à l'appréciation de la devise s'est remarquablement fait sans trop de heurts, même si la compétitivité demeure source de préoccupation. La croissance de l'emploi dans les secteurs des services, de la construction et de l'exploitation minière, ainsi que la migration interprovinciale, ont plus que neutralisé les pertes d'emploi du secteur manufacturier dans les provinces du centre du pays. Néanmoins, malgré d'importants gains de productivité dans certains secteurs, la compétitivité accuse un recul, en particulier dans le secteur manufacturier. Comme l'a reconnu le gouvernement, l'une de ses priorités stratégiques doit consister à soutenir la croissance de la productivité et la compétitivité en abolissant les derniers obstacles à l'investissement.

11. La mission appuie le programme de politique structurelle du gouvernement exposé dans Avantage Canada. Ce programme souligne l'importance de favoriser l'investissement, y compris dans la recherche-développement, en réduisant les taux effectifs marginaux d'imposition du capital, qui sont actuellement élevés, et en élargissant l'accès aux services financiers. En outre, pour stimuler la productivité, il faut aussi mettre davantage l'accent sur la réforme du marché des produits. Les restrictions imposées relativement à l'investissement étranger direct dans les secteurs canadiens fonctionnant en réseaux nuisent à la croissance de la productivité, vu les bienfaits de la propriété étrangère à ce chapitre. Des entraves au commerce interprovincial des biens et des services et à la mobilité de la main-d'œuvre nuisent aussi à la concurrence et à l'innovation. La récente Entente sur le commerce, l'investissement et la mobilité de la main-d'œuvre conclue entre l'Alberta et la Colombie-Britannique établit un modèle qui pourrait susciter des progrès ailleurs.

Protéger la stabilité financière tout en favorisant l'innovation

12. Dans l'ensemble, le système financier semble être en mesure d'affronter la turbulence. La situation actuelle en matière de capitaux permet aux banques canadiennes d'éponger des pertes comptables importantes, et l'exposition des banques aux contrats hypothécaires à haut risque des États-Unis et aux produits de crédit structurés est considérée, de façon générale, comme étant relativement limitée. Comme ailleurs toutefois, les conditions de financement se sont resserrées avec la réévaluation mondiale du risque de crédit. En raison de l'augmentation du risque de crédit qui résulte du ralentissement de l'économie intérieure et de l'exposition des banques aux marchés des États-Unis, il devrait en résulter une compression du financement offert aux sociétés et aux ménages.

13. Le dénouement désordonné des programmes de papier commercial adossé à des actifs (PCAA) non bancaire demeure un risque de premier plan pour la confiance des investisseurs. La période d'arrêt qui a débuté en août s'explique par le fait que la condition de « perturbation générale du marché » (PGM) dont dépendent les garanties de liquidité a permis aux banques étrangères d'échapper à leurs engagements lorsque les programmes ont été frappés par des problèmes de renouvellement du crédit. Fondamentalement toutefois, ce résultat découlait de la combinaison d'une faible diligence des investisseurs, de cotes qui ne tenaient pas compte des risques de liquidité, et d'une transparence insuffisante dans le contexte de marchés au sein desquels la réglementation sur la suffisance des fonds propres avait donné lieu à un système de soutien des liquidités semblable à celui qui est adopté en période de PGM. La mission se réjouit des efforts déployés par le gouvernement afin d'appuyer une restructuration ordonnée des programmes de PCAA non bancaire, ce qui raffermirait la confiance des investisseurs sur les marchés canadiens et éviterait l'imposition de pressions additionnelles sur les marchés des produits de crédit structurés, déjà en manque de liquidités.

14. Même si les pratiques en matière de réglementation et de supervision des banques respectent largement les pratiques exemplaires, la mission continue de croire que les marchés des valeurs mobilières profiteraient de la création d'un organisme unique de réglementation. Le système fragmenté de réglementation provinciale des valeurs mobilières impose des coûts élevés aux émetteurs et aux investisseurs. La reconnaissance automatique des décisions de l'organisme de réglementation de la province d'origine, dans le cadre d'un système de passeports, représente un grand pas en avant. Néanmoins, comme dans les dernières années, la mission estime que la création d'un organisme unique de réglementation constitue la meilleure façon d'abaisser les coûts, d'assurer des interventions stratégiques rapides, et de favoriser une application uniforme des lois et des règlements. De façon plus générale, les organismes de réglementation devront s'attaquer à de nouveaux défis issus de l'innovation sur les marchés financiers, dont celui d'assurer une transparence suffisante relativement aux nouveaux produits.

15. La tolérance des banques au risque de pertes comptables est particulièrement utile dans la période actuelle, mais elle est aussi en partie le reflet d'une concurrence insuffisante qui réduit probablement l'accès aux services financiers. Dans le système bancaire universel qui existe au Canada, la règle selon laquelle les grandes banques doivent être à propriété élargie assure une protection contre les prises de contrôle (y compris de l'étranger), empêchant par le fait même des concurrents éventuels d'accéder au marché à grande échelle au moyen de l'acquisition de réseaux existants. Cette absence de contestabilité a entraîné des rendements élevés et de faibles risques comptables, mais elle a limité les incitations à l'innovation financière et aux services aux emprunteurs à haut risque, y compris les petites et moyennes entreprises (PME) à forte croissance. Selon la mission, la réduction des entraves à l'acquisition de grandes banques, y compris par des entités étrangères, favoriserait la contestabilité et l'innovation au sein du système financier.

Améliorer le régime fiscal

16. L'application d'une politique fiscale solide a permis au Canada de se placer dans une position enviable qui laisse entrevoir l'élimination de la dette nette globale de l'ensemble des administrations publiques du pays d'ici 2021. Le Canada est plus près de la viabilité budgétaire à long terme que les autres pays industrialisés, par suite de 10 années consécutives d'excédent budgétaire. Faisant observer qu'en vertu des politiques actuelles, les dépenses provinciales consacrées aux soins de santé publics sont susceptibles d'augmenter rapidement, la mission se réjouit du fait que le gouvernement ait réaffirmé son objectif d'élimination de sa dette nette globale d'ici 2021. Jumelée à la réforme des soins de santé, cette réussite permettra d'atténuer les pressions à long terme résultant du vieillissement de la population.

17. La mission partage le point de vue du gouvernement selon lequel la performance budgétaire très solide permet d'accorder des allégements fiscaux tout en affichant de légers excédents budgétaires. Avec une croissance du PIB nominal et des rentrées d'impôt sur le revenu des sociétés plus élevées que prévu dans l'exercice en cours, l'excédent fédéral, dans un scénario de maintien des politiques actuelles, devrait dépasser l'excédent budgétaire prévu de ¾ de point de pourcentage. Même si elle reconnaît le risque qu'une partie des gains récents au chapitre des revenus ne puisse être permanents, la mission accueille favorablement la proposition d'allégements fiscaux et de réduction additionnelle de la dette inscrite dans l'Énoncé économique de 2007. Même si son effet positif sur la demande en 2008 sera relativement peu important, il n'en sera pas moins bien accueilli, compte tenu des perspectives d'une croissance plus faible.

18. Comme l'a fait observer la mission l'an dernier, la marge de manœuvre financière dégagée devrait être affectée à la réduction des taux effectifs marginaux d'imposition du capital, de l'épargne et du travail. Malheureusement, la principale mesure d'allégement fiscal prévue dans l'Énoncé est une réduction d'un point de pourcentage de la taxe sur les produits et services (TPS) fédérale, qui est ramenée à 5 %. La mission est toutefois ravie des progrès réalisés sur le plan de la réduction des taux effectifs marginaux d'imposition, y compris la réduction proposée d'un point de pourcentage du taux de l'impôt fédéral des sociétés en 2008, et du fait que ce taux sera ensuite ramené graduellement à 15 % d'ici 2012, de la réduction du taux le moins élevé de l'impôt sur le revenu des particuliers, et de l'instauration d'une prestation fiscale pour le revenu de travail. La mission est d'accord avec le gouvernement sur une réduction substantielle des taux effectifs marginaux d'imposition du capital au moyen de l'harmonisation de l'assiette de la taxe de vente de certaines provinces avec celle de la TPS fédérale, et elle invite le gouvernement à faciliter ce processus en offrant des incitations budgétaires formelles.

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