Allocution prononcée par M. Rodrigo de Rato, Directeur général du FMI, au Symposium international Productivité, compétitivité et globalisation organisé par la Banque de France

le 4 novembre 2005

Allocution prononcée par M. Rodrigo de Rato
Directeur général du Fonds monétaire international
au Symposium international Productivité, compétitivité et globalisation
Organisé par la Banque de France
Séance Ajustement et réponses de politique économique
Paris, 4 novembre 2005

Texte préparé pour l'intervention

1. Bonjour. Je souhaiterais tout d'abord remercier la Banque de France de m'avoir invité à cet important symposium. Le sujet qui nous intéresse cet après-midi est celui de l'ajustement économique et des réponses de la politique économique. Nos intervenants sont invités à répondre aux questions suivantes, que je me permets de reprendre textuellement : «de quelle façon le secteur privé peut-il agir face aux déséquilibres mondiaux ?», et «quel rôle devraient jouer les politiques économiques pour assurer un ajustement ordonné et non déstabilisateur ?». Je laisse le soin à nos intervenants de répondre à l'essentiel de ces questions, mais permettez-moi de vous donner brièvement mon point de vue.

2. Nous savons que les déséquilibres des balances des paiements à l'échelle mondiale et de manière plus générale, le profil géographique actuel de la croissance de l'économie mondiale ne sont pas soutenables à long terme. Les États-Unis doivent accroître leur épargne nette — tant publique que privée — et l'inverse doit se produire dans d'autres pays. Si le déficit du solde des transactions courantes des États-Unis se maintenait à son niveau actuel, cela signifierait une croissance indéfinie de leur endettement extérieur, or il est difficile de croire que les investisseurs privés et les banques centrales qui devraient alors détenir des avoirs américains, acceptent cet état de chose. Mais pour que la croissance mondiale soit durable, non seulement les États-Unis, mais d'autres pays également devront s'atteler à la tâche.

3. Bien entendu, même sans ajustements par le biais de la politique économique, le secteur privé peut modifier son comportement et entraîner une correction graduelle des déséquilibres. Un accroissement de l'épargne privée aux États-Unis et une diminution de l'épargne doublée d'une augmentation de l'investissement ailleurs — notamment dans les pays émergents d'Asie — pourraient ainsi permettre de surmonter sans heurts la situation actuelle.

4. Pour que cela se produise il faudrait cependant que plusieurs conditions soient remplies. Par exemple, les particuliers, les entreprises et les banques centrales en dehors des États-Unis doivent sans doute être disposés, pendant un certain temps, à détenir un volume croissant d'avoirs américains sans bénéficier d'une prime de risque substantielle. Le moins que l'on puisse dire c'est que cela ne sera pas chose aisée.

5. Le risque principal est celui d'un ajustement brutal et désordonné — une chute soudaine de la demande d'avoirs américains entraînant une forte diminution de leur valeur et de celle du dollar, de même qu'une forte poussée des taux d'intérêt aux États-Unis. L'effet de cet ajustement ne se limiterait pas aux États-Unis : il se ferait sentir chez les exportateurs qui desservent les marchés américains et chez les emprunteurs des pays à marché émergent qui souffriraient de la montée des taux. Cet ajustement annoncerait une période de grave instabilité pour les marchés financiers et pour l'économie mondiale.

6. À ce risque s'ajoute un autre, qui n'est pas formulé de manière explicite dans les questions de cet après-midi, mais, sur lequel nous devons toutefois porter notre attention. En l'absence d'une réaction internationale concertée aux déséquilibres mondiaux, ce n'est pas uniquement le secteur privé qui risque de réagir de façon fragmentaire et déstabilisatrice mais aussi les gouvernements.

7. Le FMI est issu des durs enseignements tirés de l'effondrement de l'économie mondiale des années 1930. Cette sombre décennie nous a montré que les crises économiques et financières, les déséquilibres des balances des paiements et les perturbations de taux de change relevaient de la sphère internationale et que toute tentative d'un pays de trouver une échappatoire nationale plutôt qu'une solution internationale à ses problèmes économiques — ce qu'il est convenu d'appeler l'«égoïsme sacré» —, n'appauvrit pas uniquement ses voisins mais aussi sa propre population. Rien d'étonnant à ce que la dépression de l'entre-deux guerres ait été à la fois le produit et la cause d'un regain de nationalisme. Nous vivons aujourd'hui dans un monde intégré, nous vivons à l'heure de la mondialisation, mais nous ne sommes pas à l'abri du nationalisme. Que dire en effet de certains débats sur la constitution européenne ou bien encore du discours protectionniste qui s'élève du Congrès des États-Unis ? Et nous ne pouvons qu'imaginer les pressions que subissent en Chine ceux qui préconisent une vision internationale de la politique économique. Qui plus est, le sentiment d'insécurité que beaucoup de gens ressentent face aux effets de la mondialisation les rend encore plus vulnérables au nationalisme. C'est l'une des raisons pour lesquelles je souhaite axer le travail du FMI sur l'aide aux pays membres pour qu'ils recueillent les fruits de la mondialisation économique et financière tout en en réduisant les risques. Il est donc d'autant plus urgent de s'attaquer aux déséquilibres mondiaux.

8. S'agissant des mesures que les gouvernements devraient prendre, les recommandations du FMI, auxquelles s'associent d'ailleurs nos pays membres, sont claires. En Europe, les gouvernements doivent se doter de stratégies globales de promotion de la croissance pour faire face au chômage et au vieillissement démographique, en réduisant les rigidités qui pèsent sur les marchés du travail, des produits et des services. Les pays émergents d'Asie doivent assouplir leur régime de change et prendre des mesures pour accroître l'investissement dans certains cas et l'améliorer dans d'autres. Les pays producteurs de pétrole qui jouissent d'un cadre macroéconomique et budgétaire solide peuvent contribuer à réduire les déséquilibres mondiaux en augmentant les dépenses productives dans des secteurs prioritaires. Les États-Unis, quant à eux, doivent réduire leur déficit budgétaire, en prenant — de l'avis général — des mesures de mobilisation des recettes, notamment en élargissant l'assiette fiscale.

9. Ces grandes orientations sont amplement partagées. Elles ont reçu l'appui du G-7, du G-20, du CMFI et de pratiquement toutes les instances internationales. Comme nos intervenants aujourd'hui, on peut privilégier telle mesure plutôt que telle autre et l'on peut parfois préconiser des mesures complémentaires, mais il existe un consensus sur la nécessité d'agir ensemble. Des progrès — certes modestes — ont récemment été accomplis qui devraient réduire les déséquilibres, mais il reste beaucoup de chemin à parcourir.

10. Nous avons la chance d'avoir parmi nous aujourd'hui certaines des personnes qui ont enrichi la réflexion sur les déséquilibres mondiaux et qui sont à même de traduire cette réflexion en actes concrets. Kristin Forbes et Agnès Bénassy-Quéré sont des universitaires reconnues par les autorités de leur pays et par leurs pairs pour l'acuité et la profondeur de leur analyse. De plus, il se trouve que Kristin Forbes est la plus jeune économiste à avoir jamais siégé au Comité des conseillers économiques du Président des États-Unis. Yi Gang, Sous-gouverneur de la Banque populaire de Chine, conseiller éclairé du Gouverneur, assume d'importantes responsabilités dans les domaines de la politique monétaire et de la politique de change. Otmar Issing, membre du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne, a de ce fait une perspective de l'économie européenne et de l'économie mondiale au service de la pratique. M. Issing sera notre premier intervenant et je l'invite à ouvrir notre débat.

11. Merci de votre attention.





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