Des recettes publiques pour bâtir des économies résilientes

le 12 février 2017

Bonjour —Sabah Al-Khair.

Mesdames et messieurs les ministres et gouverneurs, je vous remercie de l’honneur que vous me faites d’intervenir devant un auditoire aussi distingué.

Je suis très heureuse d’être parmi vous ici à Dubaï à l’occasion de ce deuxième Forum arabe des finances publiques, après une première édition couronnée de succès l’an dernier.

Je tiens à exprimer ma sincère gratitude à Monsieur le Ministre Al-Tayer, qui nous accueille si généreusement, mais aussi au Fonds monétaire arabe et à M. Al-Hamidy, qui ont collaboré avec le FMI pour organiser cette importante rencontre.

Quelques bonnes nouvelles pour commencer. Après de nombreuses années de croissance poussive, le FMI table désormais sur une reprise de l’activité économique mondiale cette année et l’année prochaine, tant dans les pays avancés que dans les pays émergents.

Cependant, cela ne signifie pas que nous soyons au bout de nos peines : les conflits et la baisse des prix du pétrole continueront de peser sur la croissance et, partant, sur les recettes publiques. Même si le cours du baril a récemment rebondi, nous ne pensons pas qu’il renouera avec les niveaux d’avant 2014. Bien entendu, à cela s’ajoutent les phénomènes géopolitiques qui touchent de nombreuses régions du monde.

Face à cette incertitude, les pays doivent conforter leur résilience . Des finances publiques solides font partie des moyens d’instaurer cette résilience. De fait, les gouvernements de la région et d’ailleurs, doivent redoubler d’efforts pour s’assurer des flux de recettes plus solides et plus fiables.

C’est dans ce contexte que je voudrais reprendre le dialogue que nous avions entamé l’an dernier à propos de la construction des économies du XXI e siècle et d’une plus grande mobilisation de recettes publiques dans un environnement en rapide mutation.

Un proverbe arabe rappelle très justement que «l’arbre commence par une graine» [1] .

Aujourd’hui, j’aimerais donc poser une question : que peuvent faire les pays pour accroître leur capacité fiscale et ainsi planter les graines d’une économie saine et inclusive , dans l’intérêt de tous les citoyens?

La dynamique en faveur de la mobilisation des recettes et les travaux engagés dans ce domaine à l’échelle internationale ouvrent de vastes perspectives pour la région. En créant des systèmes fiscaux de pointe, les pays peuvent dégager les ressources qui permettront de relever les défis futurs, et le faire de façon efficiente et équitable.

Pour cela, il faut bien entendu disposer d’une stratégie claire et globale qui fasse le lien entre la réforme de la politique fiscale et la réforme de l’administration des recettes. Autrement dit, il faut à la fois définir la matière imposable et les assujettis mais aussi préciser les modalités de recouvrement de l’impôt.

1. Réforme de la politique fiscale

Examinons d’abord les étapes nécessaires de la conception d’une politique fiscale globale. Au FMI, nous estimons qu’il convient d’abord de définir une cible de recettes à l’horizon de cinq à dix ans. Il faut ensuite mettre en place un plan de réformes global axé sur le renforcement des institutions à long terme et non sur des palliatifs à court terme. Enfin, il est vital de recueillir et de diffuser des données pertinentes pour une prise de décision éclairée.

Objectifs de recettes

Pourquoi définir des objectifs de recettes? Ce sont là les repères essentiels qui vous aideront à aligner vos recettes sur vos dépenses, aussi bien à court qu’à long terme.

L’Algérie constitue un bon exemple. Pour la première fois, la loi de finances de 2017 prévoit un cadre à moyen terme qui fixe des objectifs de recettes et de dépenses pour les trois exercices à venir.

Priorités fondamentales de la réforme fiscale

Pour faire aboutir les réformes fiscales, et atteindre leurs objectifs, les dirigeants devront centrer leur politique fiscale sur certaines priorités fondamentales.

Dans les pays exportateurs de pétrole, cela suppose de diversifier les sources de recettes pour ne plus dépendre du pétrole ou du gaz.

Dans un premier temps, les pays mettent en place une TVA et d’autres taxes sur la consommation, par exemple sur le tabac et sur les boissons sucrées. À terme, les pouvoirs publics peuvent également envisager de tirer d’autres recettes de la fiscalité des revenus et des biens fonciers.

Les pays du Golfe, par exemple, préparent aujourd’hui l’adoption d’une TVA harmonisée pour 2018. Ce travail, auquel le FMI a apporté son assistance technique, pourrait permettre de mobiliser des recettes de l’ordre de 1 à 2 % du PIB en partant de l’hypothèse d’un taux de TVA de 5 %.

Notre expérience dans d’autres régions du monde souligne les effets positifs de la diversification. Le Mexique, par exemple, a réussi à accroître ses recettes non pétrolières de plus de 3 % du PIB en élargissant l’assiette de la TVA et en relevant les impôts sur l’énergie et sur le revenu des personnes physiques.

Dans les pays importateurs de pétrole, la grande priorité consiste à dégager des recettes plus importantes en élargissant l’assiette des impôts existants. Ces réformes sont de nature à simplifier les systèmes fiscaux et à les rendre plus efficients et plus équitables.

Cela passe, par exemple, par une rationalisation des taux de TVA multiples ou d’autres avantages fiscaux. Citons comme mesures particulièrement porteuses la simplification des barèmes et la suppression d’exonérations, de trêves fiscales et d’autres niches qui ne profitent qu’à une minorité et ouvrent la porte aux arbitrages.

L’Égypte, par exemple, a décidé l’an dernier de remplacer son ancienne taxe générale sur les ventes par une nouvelle taxe sur la valeur ajoutée. Une fois qu’elle sera pleinement mise en œuvre, cette nouvelle TVA permettra de mobiliser 1,5 % du PIB de recettes supplémentaires par rapport à l’ancienne taxe.

La Jordanie et le Liban sont deux autres bons exemples. Une TVA bien conçue et bien administrée a permis d’adopter d’autres mesures propices à la croissance, dont la réduction des tarifs douaniers et la diminution des impôts sur le travail et sur le capital.

Dans certains pays, la réforme fiscale signifie également une plus grande progressivité des régimes fiscaux, en relevant le taux marginal supérieur d’imposition des revenus des personnes physiques. Enfin, il va de soi que les lois fiscales existantes doivent être appliquées de manière systématique et cohérente.

Transparence

De manière plus générale, la transparence des finances publiques et le partage de données fiables sont essentiels au bien-être de tous les pays. Pourquoi? Cela permet de renforcer la responsabilisation des pouvoirs publics mais aussi de doper la résilience de l’économie, ce qui comprend notamment la réduction des coûts d’emprunt.

Par exemple, une nouvelle étude des services du FMI [2] montre qu’une plus grande transparence en matière de données — ce qu’encouragent les initiatives de normes statistiques du FMI — permet d’aboutir, au bout de trois de mois, à une réduction de 15 % des écarts de taux des obligations souveraines des pays émergents.

Bien entendu, un meilleur recueil et un meilleur partage des données aident les décideurs à concevoir des stratégies de réforme et à les mettre en œuvre efficacement.

2. Intégration des réformes de la politique et de l’administration fiscales

Ces considérations m’amènent à la deuxième étape requise pour mettre en place une stratégie de recettes fiscales, à savoir l’intégration des réformes de la politique fiscale et des réformes de l’administration fiscale.

Cette démarche coordonnée et simultanée peut aider les pays à éviter certaines des longues difficultés du passé. La formule classique consistait à mettre d’abord en place de nouvelles politiques fiscales et à s’intéresser plus tard aux capacités administratives. En agissant sur ces deux fronts dès le début, les pays peuvent «brûler les étapes» et passer directement à un stade de développement plus avancé.

La Mauritanie, par exemple, a adopté une série de mesures concertées, avec l’appui du FMI, pour simplifier et améliorer son système fiscal tout en renforçant son administration fiscale. Cette stratégie a contribué à une augmentation remarquable des recettes totales de l’État : de 20 % du PIB en 2009 à 28 % en 2014.

Comment y parvenir? En renforçant l’administration fiscale dès les premières phases du processus de réforme. Cela est essentiel pour l’efficience et la conformité. En nous appuyant sur l’expérience des autres pays, nous voyons deux grandes priorités.

La première concerne la simplification des codes et des règlements . Cela concerne non seulement les lois sur les taux d’imposition, mais aussi le droit procédural qui fixe les attributions du fisc et les droits des contribuables.

La deuxième consiste à améliorer les compétences des agents et les moyens techniques pour assurer un plus grand civisme fiscal et proposer un meilleur service aux contribuables. C’est ici que vos pays peuvent tirer parti des innovations technologiques pour «plonger» directement dans l’ère numérique.

La modernisation des infrastructures informatiques, comme on le voit en Arabie Saoudite et ailleurs, permet de simplifier les déclarations et le paiement de l’impôt, y compris grâce à la technologie mobile. Elle augmente également les moyens de contrôle du respect des obligations, en recourant aux données émanant de tierces parties.

Nous trouvons un autre bon exemple dans l’union douanière du CCG, qui a fait appel à la technologie pour collecter et gérer les droits de douane communs.

J’en profite pour préciser que le prochainForum des finances publiques qui aura lieu à Washington sera placé sous le thème des Révolutions numériques dans les finances publiques. J’espère que vous pourrez tous vous y rendre et participer aux débats durant les Réunions de printemps du FMI.

3. Tirer parti de l’expérience du FMI comme partenaire des réformes

Je souhaiterais maintenant expliquer en quoi le FMI peut aider à définir et mettre en œuvre des réformes fiscales et à améliorer l’administration des recettes. Le renforcement des capacités dans les différents pays est à mon sens l’une des missions quotidiennes les plus importantes du FMI.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples des activités menées durant ces 12 derniers mois :

  • En Algérie, nous avons fourni des conseils sur les moyens de renforcer le civisme fiscal et la qualité des services aux contribuables.

  • En Égypte, nous avons aidé l’administration fiscale à se préparer à la mise en place de la TVA.

  • En Iraq, nous avons dressé un bilan diagnostique des administrations fiscale et douanière.

  • En Jordanie, nous avons aidé à améliorer l’exactitude des données sur les contribuables, ce qui peut renforcer le civisme fiscal et réduire les arriérés fiscaux.

  • Au Liban, nous avons fourni des conseils pour combattre la fraude sur le remboursement de TVA et avons aidé à renforcer les procédures de gestion des risques.

    Autrement dit, nous ne ménageons aucun effort dans ces pays et dans beaucoup d’autres pour répondre à une demande croissante d’assistance technique et de formation.

C’est une immense fierté pour nous d’être à votre service, vous, nos pays membres. Et nous nous efforçons de faire de notre mieux, par le biais de nos équipes à Washington ou de nos structures locales, telles que le Centre d’assistance technique du Moyen-Orient à Beyrouth ou le Centre économique et financier au Koweït qui offre régulièrement des cours sur les thèmes dont nous traitons aujourd’hui.

Conclusion

Je voudrais conclure en revenant à mon point de départ, à savoir la nécessité de planter les graines d’une économie plus viable et plus inclusive. Les efforts que vous déployez pour renforcer les capacités fiscales sont d’une importance vitale pour atteindre cet objectif. Vos économies et vos sociétés récolteront les fruits des réformes.

Cela passe avant tout par la mise au point d’une stratégie globale qui fasse le lien entre la réforme de la politique fiscale et la réforme de l’administration fiscale, pour produire un niveau de recettes plus élevé et plus fiable.

Cela permettra d’améliorer la résilience des finances publiques et de bâtir des économies au service de tous les citoyens, ici, dans cette région, mais aussi dans le monde entier.

Shukran!




[1] أول الشجرة بذرة

[2] Sangyup Choi et Yuko Hashimoto. Document de travail du FMI : «The Effects of Data Transparency Policy Reforms on Emerging Market Sovereign Bond Spreads», (à paraître : 2017).

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