School children in Chad: a healthy fiscal position would help the country refocus spending on investment and priority areas like health and education to improve social conditions (photo: yoh4nn/iStock)

Écoliers au Tchad : Une position budgétaire saine aiderait le pays à réorienter ses dépenses vers les investissements et les priorités telles que la santé et l'éducation, afin d'améliorer les conditions sociales. (photo : yoh4nn/iStock)

Stabilité en perspective pour le Tchad

le 7 octobre 2018

Pays à faible revenu en Afrique subsaharienne, le Tchad est confronté à de grands problèmes de développement qui se sont aggravés récemment, à cause de la diminution des recettes du pétrole et de l'augmentation des dépenses de sécurité. Le pays est également affligé par la sécheresse et envahi par les réfugiés des pays voisins, qui multiplient les pressions sur une économie tchadienne fragile au départ.

Notre équipe s'est entretenue récemment avec Saïd Bakhache, chef de mission au Tchad, de ce que fait le pays pour relever ces défis et des mesures adoptées pour remettre l'économie sur la voie de la reprise.

À quelles difficultés économiques le Tchad est-il confronté depuis quelques années ?

La chute brutale des prix du pétrole depuis la fin de 2014 a eu de graves répercussions sur l'économie tchadienne. En même temps que la diminution des recettes pétrolières, le fardeau du service de la dette extérieure s'est considérablement alourdi, principalement au profit de Glencore, société de commerce de produits de base qui a accordé des prêts garantis par le pétrole tchadien en 2013 et 2014 contre de futures exportations de pétrole. Cette situation a entraîné une forte contraction des dépenses publiques en 2015 et 2016.

Cet ajustement et l'accumulation d'importants arriérés intérieurs ont déclenché un cercle vicieux de contraction de l'activité économique, des recettes intérieures et des dépenses publiques. Par conséquent, le revenu par habitant, qui a culminé à 1 239 dollars en 2014, est tombé à 810 dollars en 2017.

Ces problèmes budgétaires sont aggravés par une situation sécuritaire sous tension, en particulier dans le bassin du lac Tchad. Les forces de sécurité tchadiennes ont dû être déployées dans tout le pays pour entreprendre des opérations régionales de maintien de la paix, dont le coût a pesé sur le budget national.

La forte sécheresse et l'insécurité alimentaire qui en résultent aggravent aussi les problèmes du pays. La crise humanitaire régionale a également des répercussions sur le Tchad, qui accueille un grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées.

Face aux problèmes considérables de son endettement, quelles mesures le gouvernement prend-t-il pour les résoudre et améliorer plus généralement la résilience financière du Tchad ?

Dans ce contexte difficile, un assainissement budgétaire accru n'est plus possible. Afin de soutenir les politiques de réforme, il est nécessaire de procéder à un ajustement plus progressif des finances publiques, basé sur les recettes, en plus du soutien financier de la facilité élargie de crédit (FEC) du FMI et de l'aide d'autres donateurs.

La restructuration de la dette envers Glencore — qui devrait être entièrement remboursée d'ici 2026 selon les prévisions actuelles des cours du pétrole — a contribué à rétablir sa viabilité et a engendré des ressources dont le gouvernement avait grand besoin. Le nouveau contrat d'emprunt prévoit une échéance beaucoup plus longue, des taux d'intérêt et des frais moins élevés, ainsi que des mécanismes d'action conjoncturelle pour ajuster le service de la dette en fonction des revenus pétroliers, afin de maintenir la viabilité de la dette dans différents scénarios.

Les résultats sont encourageants pour les finances publiques. Les recettes non pétrolières se sont nettement améliorées en 2017 et le gouvernement a fait preuve de discipline dans ses dépenses. On s'attend à un rebond progressif du PIB non pétrolier cette année et à une atténuation des pressions déflationnistes.

Des progrès sont également en cours pour renforcer le secteur bancaire, qui montrait des signes de vulnérabilité avec d'importants prêts non productifs et une liquidité restreinte. En plus de s'attaquer aux vulnérabilités particulières des banques nationales, le programme appuyé par le FMI permet de réduire progressivement la dette publique intérieure des banques et de régler les arriérés intérieurs, deux mesures qui devraient contribuer à améliorer la liquidité des banques et à soutenir la reprise de l'économie.

Les fonctionnaires ne sont-ils pas lésés par ces ajustements ? Pourquoi le gouvernement a-t-il réduit les avantages sociaux et les allocations, malgré la montée des tensions sociales ?

Le gouvernement reconnaît que l'augmentation continue de la masse salariale, qui comprend d'importants avantages et allocations, réduit la capacité d'affectation des ressources à d'autres catégories de dépenses principales qui répondraient aux besoins de tous les Tchadiens. En fait, au cours des trois dernières années, les dépenses liées à la masse salariale ont augmenté alors que toutes les autres catégories de dépenses ont été considérablement réduites. En conséquence, la masse salariale globale en 2017 représentait plus de 50 % des dépenses primaires financées sur ressources intérieures et dépassait les recettes fiscales non pétrolières, soit un niveau nettement supérieur à la moyenne des pays d'Afrique subsaharienne et parmi les plus élevés de la CEMAC (la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale, dont le Tchad fait partie).

C'est pourquoi le gouvernement a pris des mesures en 2018 pour contenir la masse salariale tout en affectant davantage de ressources à d'autres secteurs. Cet objectif a été atteint surtout en limitant les avantages et les allocations, sans réduire les salaires eux-mêmes. Il convient de préciser que l’accord FEC avec le Tchad n'impose aucune condition sur la masse salariale. Cependant, le FMI appuie les initiatives du gouvernement dans ce domaine, car il est essentiel de rétablir sa capacité à mettre en œuvre sa politique budgétaire et à augmenter son aide aux pauvres.

 Chad

Qu'est-ce que le gouvernement compte faire pour venir en aide aux personnes les plus vulnérables de la société ?

Le gouvernement vise à limiter la baisse des dépenses publiques, à rétablir la stabilité macroéconomique et à renforcer la position budgétaire. Ces mesures devraient permettre d'accroître les dépenses affectées aux investissements et aux secteurs sociaux prioritaires, y compris la santé et l'éducation, qui sont nécessaires pour améliorer les conditions sociales.

Afin de protéger les pauvres, notamment à une époque où les ressources sont rares, la FEC prévoit des seuils trimestriels pour les dépenses dans les secteurs sociaux. Ces objectifs visent à augmenter régulièrement la part des dépenses totales affectée aux besoins sociaux.

Le fléau de la corruption touche de nombreux pays, en particulier les pays à faible revenu et en développement. Que fait le Tchad pour résoudre ses problèmes de gouvernance ?

Il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la gouvernance au Tchad et réduire le potentiel de corruption. Le gouvernement reconnaît l'importance des réformes dans ce domaine, pour contribuer à rétablir la stabilité macroéconomique et favoriser une croissance inclusive.

Le FMI et d'autres partenaires visent à soutenir les initiatives en cours pour accroître la transparence, notamment en ce qui concerne la déclaration des revenus pétroliers, à améliorer la gestion des finances publiques et à renforcer l'administration fiscale et douanière. En outre, la récente ratification de la Convention des Nations Unies contre la corruption constitue une étape importante qui devrait être suivie d'autres mesures destinées à réduire la corruption et à améliorer le climat des affaires.

Qu'est-ce que l'avenir réserve au Tchad ?

Malgré les grands progrès économiques et le soutien de la communauté internationale,  d'importants risques et vulnérabilités subsistent : l'activité économique non pétrolière n'a pas encore repris et les besoins en développement sont considérables. Des efforts déterminés de la part du gouvernement dans de nombreux domaines, ainsi qu'un soutien financier et technique continu de la part des partenaires étrangers du Tchad, sont nécessaires pour tirer parti des premiers signes de stabilisation et parvenir à une croissance durable et inclusive. Le maintien de la prudence budgétaire, le renforcement du secteur bancaire et l'amélioration du climat pour le secteur privé sont essentiels à cet égard.