Belgique: Conclusions des services du FMI à l’issue de leur mission 2025 au titre de l’article IV
le 5 février 2025
Les conclusions décrivent les observations préliminaires des services du FMI au terme d’une visite ou mission officielle dans un pays membre. Les missions sont effectuées dans le cadre des consultations périodiques au titre de l’article IV des statuts du FMI, dans le contexte d’une demande d’utilisation des ressources du FMI, dans le cadre des discussions sur les programmes de suivi des services du FMI ou d’autres formes de suivi de l’évolution économique.
Les autorités ont consenti à la publication de la présente déclaration. Les avis exprimés dans cette déclaration sont ceux des services du FMI et ne représentent pas nécessairement ceux du Conseil d’administration. Sur la base des conclusions préliminaires de cette mission, les services du FMI prépareront un rapport qui, sous réserve de l’approbation de la direction du FMI, sera soumis à l’examen et à l’approbation du Conseil d’administration du FMI.
L’équipe du FMI remercie les autorités belges et les autres parties prenantes pour le dialogue constructif et la collaboration productive. Elle félicite le nouveau gouvernement pour sa nomination et se réjouit à l’idée de travailler avec lui dans un avenir proche.
******
L’économie belge a bien résisté à une série de chocs, mais la croissance s’est ralentie et la désinflation a subi des vents contraires. Le marché du travail a été solide bien qu’il montre des signes d’essoufflement. La compétitivité-coût de la main-d’œuvre a diminué car la croissance des salaires a excédé la faible progression de la productivité. Sans changement de politique, les pressions exercées par le vieillissement démographique pèseront sur le modèle social de la Belgique et alourdiront encore le déficit budgétaire et la dette publique, ce qui accroîtra la vulnérabilité à tout retournement du sentiment des marchés financiers. Les perspectives sont hautement incertaines, compte tenu des risques susceptibles d’affaiblir la croissance et de faire grimper l’inflation, notamment une aggravation de la fragmentation géoéconomique et commerciale ou une évolution défavorable des prix de l’énergie.
- Un assainissement budgétaire continu est nécessaire pour soutenir la désinflation, reconstituer des marges de manœuvres, réduire les vulnérabilités de marché et faire face aux pressions sur les dépenses liées au vieillissement et à la transition écologique. Toutes les entités fédérales et fédérées doivent contribuer à l’ajustement. Rationaliser les dépenses courantes tout en préservant (ou en renforçant) les investissements publics dans les infrastructures, le secteur de la santé et l’éducation et en améliorant leur efficacité est une priorité.
- Pour préserver la stabilité macrofinancière, les exigences actuelles en matière de coussins de fonds propres et les limites prudentielles sur les prêts hypothécaires devraient être maintenues. Les progrès récemment enregistrés en matière de renforcement de l’évaluation des risques systémiques, de la surveillance prudentielle, du cadre macroprudentiel, ainsi que de la gestion des crises et de la planification de la résolution sont à saluer et doivent être poursuivis.
- Des réformes s’imposent pour renforcer le potentiel de croissance grâce à une plus grande participation de la population active, à une productivité accrue et à une allocation plus efficace des ressources. Au nombre des priorités figurent l’élargissement du différentiel de revenu entre emploi et non-emploi au travers de réformes de la fiscalité et des prestations sociales, la refonte du mécanisme de fixation des salaires et le relèvement des compétences de la main-d’œuvre. Parallèlement aux efforts déployés avec les partenaires de l’UE pour approfondir le marché unique, de nouvelles réformes des marchés de produits visant à réduire les obstacles à l’entrée, à favoriser une plus grande concurrence et à améliorer le régime d’insolvabilité seront de nature à améliorer la dynamique des entreprises et la diffusion de l’innovation. Appuyer la transition verte requiert un engagement fort et une coordination plus poussée entre le gouvernement fédéral et ceux des régions.
Perspectives et risques économiques
La croissance devrait être stable en 2025, tandis que l’inflation reviendrait lentement vers son objectif. La production devrait croître de 1,1 % en 2025 et augmenter légèrement d’ici 2027 à la faveur de l’assouplissement de la politique monétaire et d’une contribution plus importante des exportations nettes. L’inflation refluerait progressivement à mesure que la croissance des salaires s’atténue et que la baisse prévue des prix internationaux de l’énergie se répercute sur les prix de détail. Le compte courant extérieur devrait redevenir légèrement excédentaire à moyen terme, grâce au recul des prix de l’énergie et à la hausse de la demande extérieure. À politiques inchangées, les pressions exercées par le vieillissement de la population creuseraient encore le déficit budgétaire, lequel ressortirait à 7 % environ, et porteraient la dette publique à quelque 125 % du PIB en 2030, ce qui accentuerait les vulnérabilités.
Le scénario de référence est soumis à des risques importants, orientés à la baisse pour la croissance et à la hausse pour l’inflation. La croissance pourrait se révéler plus faible si la reprise attendue de la demande extérieure s’essoufflait dans un contexte d’escalade des tensions géoéconomiques et de fragmentation des échanges commerciaux. L’inflation pourrait quant à elle dépasser les prévisions en raison d’évolutions défavorables des prix de l’énergie ou si une inflation sous-jacente durablement élevée influait sur les anticipations. Des préoccupations quant à la soutenabilité budgétaire pourraient apparaître et entraîner une forte progression des coûts de financement – en particulier si l’aversion pour le risque venait à augmenter au niveau mondial –, ce qui nécessiterait un assainissement budgétaire brutal, avec des conséquences négatives pour la croissance et potentiellement pour la stabilité financière.
Reconstituer des marges budgétaires en dépit des tensions
Un assainissement budgétaire significatif est nécessaire pour remédier aux déficits structurels considérables et à l’alourdissement de la dette publique, qui ont été exacerbés par la pandémie et par la crise énergétique. À court terme, l’assainissement contribuera à faire baisser davantage l’inflation, malgré une croissance des salaires toujours élevée et une politique monétaire plus souple. Cela aiderait également à aborder les risques haussiers substantiels qui pèsent sur l’inflation. Il est essentiel de réduire durablement les déficits budgétaires afin d’atténuer la vulnérabilité à un retournement du sentiment de marché, de reconstituer une marge de manœuvre permettant d’absorber d’éventuels chocs futurs, de faire face aux pressions à long terme sur les dépenses et, in fine, de préserver le cœur du modèle social belge, qui accorde une grande importance à la solidarité et à l’équité.
L’assainissement à réaliser selon le nouveau cadre de gouvernance économique de l’UE renforcerait sensiblement la soutenabilité budgétaire. Compte tenu de l’ampleur de l’ajustement requis, le plan budgétaire et structurel à moyen terme établi en vertu du cadre de gouvernance économique gagnerait à être fondé sur une trajectoire d’ajustement sur sept ans plutôt que sur quatre ans, accompagnée de réformes propices à la croissance, qui soient crédibles et appliquées sans délai. Dans le cadre d’un tel ajustement, une réduction annuelle du solde primaire structurel de quelque 0,5 point de pourcentage du PIB s’imposera jusqu’en 2031, afin d’atteindre un déficit global inférieur à 3 % du PIB en 2031 et de le maintenir jusqu’en 2041, conformément au cadre de gouvernance économique.
L’ajustement budgétaire devrait être axé sur la rationalisation des dépenses courantes, tout en créant de l’espace pour les investissements publics. Il est essentiel de rationaliser les prestations sociales et la masse salariale du secteur public pour réaliser des économies budgétaires. Les investissements publics devraient être préservés ou, idéalement, augmentés afin d’atténuer l’incidence de l’assainissement budgétaire sur la croissance, de soutenir la transition écologique et de renforcer la capacité de production de l’économie.
Il est crucial d’améliorer l’efficacité des investissements publics dans un contexte où les demandes de ressources abondent. Il s’agit notamment de définir des stratégies claires en matière d’investissement dans les infrastructures, de renforcer l’évaluation, la sélection et la gouvernance des projets, et d’améliorer la coordination au sein des entités fédérale et fédérées, et entre celles-ci. Dans le domaine de la santé, mettre davantage l’accent sur la prévention et réformer l’organisation et le rôle des hôpitaux concourrait à absorber une partie de l’alourdissement prévu des dépenses liées au vieillissement et à mieux préparer le système à l’évolution des besoins d’une population plus âgée. Des réformes de l’éducation pourraient contribuer à obtenir les mêmes résultats scolaires à moindre coût ou à améliorer les résultats sans augmenter les dépenses.
Des réformes du système des retraites sont essentielles pour faire face à la pression des coûts liés au vieillissement. L’accent devrait être mis sur le relèvement de l’âge effectif de la retraite en fonction de l’espérance de vie en bonne santé et sur l’allongement de la durée d’emploi grâce à l’apprentissage tout au long de la vie et au développement des compétences. En outre, il conviendrait de revoir les critères d’éligibilité à certains régimes de retraite (p. ex. la pension d’invalidité) et de limiter la hausse des prestations de retraite en revoyant l’indexation automatique. Un réexamen des dispositions spéciales (p. ex. pour les emplois pénibles) pourrait servir de base à des réformes visant à trouver un équilibre entre équité et coûts.
Les réformes fiscales devraient viser à transférer une partie de la charge fiscale du travail vers le capital, sans perte de recettes, et à réduire les exonérations fiscales. La Belgique présente le coin fiscal sur le travail le plus élevé de l’OCDE. Réduire la fiscalité sur le travail contribuera à accroître le taux d’emploi. Tous les revenus du capital (p. ex. les intérêts, les dividendes et les plus-values) devraient être taxés de la même manière afin de garantir la neutralité des décisions d’investissement, idéalement en intégrant ces revenus dans le revenu imposable global soumis à l’impôt des personnes physiques. La réduction des régimes et des traitements préférentiels dans le système fiscal, source importante de pertes de recettes, doit également faire partie du paquet de réformes. Il conviendrait que les réformes fiscales soient coordonnées entre l’État fédéral et les entités fédérées en fonction de leur incidence en termes de recettes et de répartition.
Le nouveau cadre de gouvernance économique offre une opportunité de renforcer le cadre budgétaire belge au travers d’un conseil budgétaire redynamisé et d’une plus grande responsabilisation des entités fédérées. La mise en œuvre de l’accord de coordination de 2013 entre l’État fédéral et les entités fédérées s’est avérée difficile, compte tenu de la complexité du fédéralisme budgétaire belge. Le nouveau cadre de gouvernance économique offre une nouvelle occasion d’instaurer des règles contraignantes en vue de partager la charge de l’ajustement budgétaire, des responsabilités claires étant conférées au gouvernement fédéral et à toutes les entités fédérées. Un conseil budgétaire renforcé (p. ex. avec des effectifs accrus et des rapports soumis directement aux parlements) contribuerait à garantir que le comportement budgétaire du gouvernement fédéral et de chaque entité fédérée soit conforme aux engagements européens de la Belgique.
Préserver la stabilité macrofinancière
Les risques systémiques globaux dans le secteur financier demeurent modérés mais ils évoluent actuellement sous l’effet des changements des conditions macroéconomiques et de marché. Alors qu’on observe un ralentissement de l’économie et des marchés immobiliers, les taux d’intérêt se replient. L’endettement des ménages s’est stabilisé et celui des entreprises s’est réduit, d’importants investissements ayant été largement financés par des liquidités. Les faillites d’entreprises ont progressé mais restent alignées sur les tendances antérieures à la pandémie. Les risques liés à l’immobilier résidentiel se sont atténués, tandis que l’activité sur le marché de l’immobilier commercial a fortement chuté et que le nombre de locaux vacants est en hausse, reflétant la faible demande d’espaces de bureaux. Dans l’ensemble, les expositions à l’immobilier demeurent globalement stables.
Le niveau des risques pour la stabilité financière étant considéré rester inchangé, les coussins de fonds propres et les limites prudentielles sur les prêts hypothécaires résidentiels devraient être maintenus. Depuis l’année dernière, les politiques macroprudentielles ont été resserrées, les coussins de fonds propres ayant été sensiblement accrus. La BNB a aussi adéquatement encouragé les banques à allonger les échéances des nouveaux prêts hypothécaires afin d’alléger la charge de remboursement de dette des ménages et de prévenir des difficultés chez les emprunteurs. Des progrès ont été accomplis dans la mise en œuvre des recommandations du Programme d’évaluation de la stabilité financière (PESF) de 2023 et il conviendrait d’accélérer ces efforts maintenant qu’un nouveau gouvernement a été mis en place et que les modifications législatives requises peuvent être apportées.
Renforcer les marchés du travail
La fragmentation et la rigidité du marché du travail en Belgique entravent le potentiel de croissance. La coexistence de poches locales ou sectorielles enregistrant à la fois de nombreux postes vacants et un chômage élevé met en évidence des inefficacités dans l’allocation de la main-d’œuvre qui brident la croissance potentielle. Les écarts de taux d’emploi des travailleurs peu qualifiés, des travailleurs âgés, des femmes, ainsi que des personnes issues de l’immigration et de celles présentant un handicap restent importantes. Favoriser un marché du travail plus inclusif améliorera les performances économiques globales et atténuera les pressions budgétaires.
Il est essentiel de renforcer les incitants sur le marché du travail. Les réformes du marché du travail, de la fiscalité et des prestations sociales devraient systématiquement viser à accroître l’écart de revenu entre emploi et non-emploi et à diminuer les coûts d’embauche et de licenciement. Réduire la durée des allocations de chômage et lier les prestations sociales aux niveaux de revenus encourageraient le retour sur le marché du travail. Les efforts de politique devraient également se concentrer sur la facilitation de la réintégration des malades de longue durée.
Réformer le mécanisme de fixation des salaires contribuera à augmenter l’efficacité du marché du travail, à améliorer la compétitivité et à réduire les coûts budgétaires. L’indexation automatique des salaires et des prestations sociales a protégé le pouvoir d’achat des ménages durant le choc inflationniste. Cependant, elle a également creusé les déficits budgétaires structurels et entraîné des hausses du coût de la main-d’œuvre supérieures à celles des principaux partenaires commerciaux si l’on tient compte du différentiel de productivité, ce qui a pesé sur la compétitivité. Il faudrait réfléchir à l’abolition de l’indexation automatique et de la loi sur les salaires de 1996 qui, conjointement, définissent un plancher et un plafond pour la hausse des salaires, ce qui ne permet ni d’affecter la main-d’œuvre de façon optimale ni de relever l’emploi. Le marché du travail bénéficierait à tout le moins déjà de réformes telles que l’ajustement de la base d’indexation aux fins d’exclure les prix volatils, l’élargissement du groupe de pays de comparaison dans le cadre de la loi sur les salaires, le recours à la croissance des salaires corrigée de la productivité comme base de comparaison et la possibilité pour les entreprises d’indexer partiellement les salaires en fonction des conditions locales et sectorielles spécifiques du marché du travail.
Des réformes dans les domaines de l’enseignement et de la formation tout au long de la vie s’imposent pour améliorer les compétences des forces de travail, relever les taux d’emploi et stimuler la croissance. Si les performances de la Belgique en matière d’enseignement sont comparables à celles de ses pairs, celles-ci sont néanmoins obtenues à un coût plus élevé. Pour remédier à la pénurie d’enseignants, réduire les taux de redoublement et parvenir à une plus grande égalité des résultats scolaires quel que soit l’origine socioéconomique, il faudra réformer en profondeur le système éducatif. Les actions menées devraient viser à aligner l’enseignement sur les besoins des entreprises belges, à tirer un meilleur parti du temps dont disposent les enseignants et à renforcer le soutien apporté aux étudiants en difficulté. Ces réformes contribueraient à accroître l’emploi et la productivité ainsi qu’à créer et à diffuser l’innovation.
Accroître la productivité
Pour stimuler la productivité, il faudra poursuivre les réformes des marchés de produits afin d’améliorer la dynamique des entreprises et la diffusion de l’innovation. Malgré des investissements substantiels dans l’innovation, la productivité à long terme de la Belgique ralentit plus que celle de ses pairs, ce qui suggère qu’il est possible d’améliorer la transmission de l’innovation aux gains de productivité. La faiblesse de la productivité tient à une dynamique insuffisante (entrée, croissance et sortie) des entreprises, la Belgique affichant des taux d’entrée et de sortie parmi les plus faibles de l’UE. L’amélioration de la productivité et de la dynamique passera par de nouvelles réformes des marchés de produits destinées à réduire les barrières réglementaires et administratives et à améliorer le régime d’insolvabilité.
L’approfondissement du marché unique européen et l’avancement de l’union des marchés de capitaux seraient bénéfiques aux entreprises belges. La suppression des derniers obstacles aux échanges au sein de l’UE et l’harmonisation des règlements et des cadres de faillite permettraient aux entreprises belges d’accéder à une clientèle beaucoup plus large, de même qu’elles renforceraient la concurrence et la dynamique des entreprises et créeraient des tampons contre les risques de géofragmentation. De plus, le développement du capital-risque dans le cadre d’une poussée à l’échelle de l’UE vers l’union des marchés de capitaux contribuerait à élargir les options des entreprises belges en matière de financement de la croissance.
Soutenir la transition écologique
Malgré les progrès engrangés, de nombreux efforts devront encore être déployés pour atteindre les objectifs climatiques. L’élargissement du système d’échange de quotas d’émission de l’UE devrait s’accompagner de la mise en œuvre en temps voulu d’une taxation du carbone et de la suppression des subventions aux combustibles fossiles, tout en garantissant un soutien aux groupes vulnérables de la population. Il sera essentiel de consolider les efforts fédéraux et régionaux en matière de climat au sein d’une stratégie nationale cohérente et homogène. Une meilleure coordination entre les gouvernements fédéral et régionaux et un renforcement de leurs responsabilités faciliteront la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques climatiques. Des investissements idoines dans la transition verte seront nécessaires pour que la Belgique atteigne ses objectifs climatiques et contribue au pacte vert pour l’Europe.
Département de la communication du FMI
RELATIONS AVEC LES MÉDIAS
ATTACHÉ DE PRESSE: Camila Perez
TÉLÉPHONE:+1 202 623-7100COURRIEL: MEDIA@IMF.org