France : Conclusions des services du FMI à l’issue de leur mission de 2025 au titre de l’article IV

le 22 mai 2025

Paris, France – 22 mai 2025

Une mission du Fonds monétaire international (FMI), dirigée par Manuela Goretti et composée de Florian Misch, Rasmane Ouedraogo, Maryam Vaziri, et Torsten Wezel, a mené des entretiens en France du 12 au 22 mai dans le cadre des consultations 2025 au titre de l’article IV. À l’issue de cette visite, la mission a publié les conclusions suivantes :

L’économie française a fait preuve de résilience en dépit d’une forte incertitude. Le processus de désinflation est bien engagé et le marché du travail reste robuste. Cependant, compte tenu du niveau élevé et croissant de la dette, ainsi que des vents contraires aux niveaux national et international qui freinent la reprise, il est nécessaire de redresser les finances publiques et de poursuivre des réformes structurelles pour stimuler une croissance durable. L‘engagement des autorités françaises à ramener le déficit en dessous de 3 % du PIB d’ici à 2029 est bienvenu et doit être étayé par un ensemble de mesures bien défini et crédible. Il est crucial d’avancer sur l’agenda de réformes structurelles de la France pour stimuler la productivité et faciliter la consolidation des finances publiques. Bien que le secteur financier demeure résilient, la France doit poursuivre ses bonnes pratiques de supervision afin de s’adapter à un paysage financier de plus en plus complexe. Les efforts continus de la France pour approfondir le marché unique européen demeurent essentiels pour soutenir son économie et renforcer sa capacité à résister aux chocs.

Perspectives économiques

La forte incertitude au niveau national et international devrait continuer de peser sur les perspectives économiques à court terme. La croissance du PIB réel devrait ralentir à 0,6 % en 2025, et atteindre 1 % en 2026. Ces projections traduisent une reprise tardive de la consommation et l’investissement privés en raison d’un faible niveau de confiance et de la consolidation budgétaire cette année, même si l’assouplissement de la politique monétaire a apporté un certain regain d’activité. L’affaiblissement de la demande extérieure, dans un contexte de tensions commerciales, de volatilité des marchés et d’incertitude géoéconomique, devrait continuer de peser sur les exportations et les perspectives d’investissement. Ces projections sont basées sur les hypothèses mondiales de l'édition d'avril des Perspectives de l'Economie Mondiale et ne reflètent pas les dernières annonces de politiques commerciales. À moyen terme, la croissance devrait s’élever autour de 1,2 % environ, avant de décélérer vers son potentiel à long terme de 1 %, reflétant les tendances démographiques et la nécessité de poursuivre les réformes structurelles. Le processus de désinflation se poursuit, avec une inflation (IPCH) prévue à 1,2 % en 2025, en raison d’effets de base et de la baisse des prix de l’énergie, et une inflation sous-jacente prévue à 1,9 %.

Les perspectives restent soumises à des risques significatifs, malgré de possibles facteurs de révision à la hausse. L’aggravation de la fragmentation géoéconomique et la montée des tensions commerciales pourraient perturber les flux financiers et commerciaux et freiner l’activité économique. Dans un tel contexte, l’incertitude augmenterait et les conditions financières pourraient se resserrer davantage, ce qui réduirait la demande intérieure et détériorerait la dynamique de la dette. La fragmentation politique et les tensions sociales pourraient retarder les efforts de consolidation budgétaire et de réformes, ce qui pèserait davantage sur la confiance et les perspectives économiques et augmenterait les risques budgétaires. À l’inverse, l'apaisement des tensions commerciales et une relance de la dynamique des réformes structurelles pourraient améliorer les perspectives de croissance à moyen terme. Les réformes pourraient être renforcées par une coordination et une intégration plus poussée au niveau européen. La consommation pourrait se redresser si le taux d’épargne des ménages diminuait plus rapidement sous l’effet d’une dissipation des incertitudes. L’investissement des entreprises et les performances des exportations pourraient également surprendre positivement, sous l’effet d’une augmentation de la demande, en France et dans le reste de l’Europe, y compris dans le domaine de la défense ainsi que des technologies numériques et vertes.

Politique budgétaire : réduire la dette tout en recentrant les priorités de dépenses

Dans la continuité de la loi de finances pour 2025, les autorités sont déterminées à mettre en œuvre leur Plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) afin de ramener le déficit au-dessous de 3 % du PIB d’ici à 2029. Bien que l'ajustement envisagé soit approprié pour améliorer la dynamique de la dette et renforcer la résilience de la France face aux chocs, il doit être étayé par un ensemble de mesures bien défini et crédible, et reste soumis à des risques de mise en œuvre, comme en témoignent les difficultés récentes. Dans un scénario à politique inchangée des services du FMI, qui intègre uniquement des mesures adoptées et clairement documentées, le déficit devrait diminuer à 5,4 % du PIB en 2025, conformément à l'objectif budgétaire du Gouvernement. Cependant, sans l’adoption de mesures additionnelles significatives, il resterait autour de 6 % du PIB à moyen terme et la dette publique continuerait d'augmenter jusqu'en 2030. Bien que les risques à court terme restent maîtrisables, la dynamique de la dette s'est significativement dégradée à la suite des dérapages budgétaires successifs en 2023 et 2024, et reste très sensible à la trajectoire des taux d’intérêt réels et de la croissance. Dans ce contexte, l’engagement de la France à poursuivre la consolidation budgétaire, en cohérence avec les règles européennes, constitue un facteur important d’atténuation des risques.

Des efforts budgétaires supplémentaires significatifs seront cruciaux pour reconstituer des marges de manœuvre. Cela permettra d’absorber les besoins de dépenses croissants, tout en plaçant la dette sur une trajectoire descendante. Les services du FMI recommandent un ajustement structurel important de 1,1 % du PIB en 2026, suivi d'environ 0,9 % du PIB par an en moyenne à moyen terme, soit une trajectoire d’ajustement conforme à celle prévue par les autorités. La trajectoire d’ajustement recommandée permettrait à la France de sortir de la procédure de déficit excessif d’ici fin 2029, conformément à l’objectif fixé par les autorités. L’analyse de soutenabilité de la dette réalisée par les services du FMI indique que la trajectoire budgétaire recommandée réduirait nettement les risques à moyen terme, permettant à la France d’atteindre le solde primaire stabilisant sa dette en 2027.

La mise en œuvre de cette consolidation budgétaire substantielle nécessitera des mesures décisives et des décisions difficiles pour garantir l’équité et la justice, impliquant des arbitrages délicats :

  • Compte tenu du taux de prélèvements obligatoires par rapport au PIB déjà élevé en France, toute nouvelle mesure fiscale devrait être ciblée sur la réduction des dépenses fiscales et sociales inefficientes et sur la lutte contre l’évasion fiscale tout en améliorant l’équité. Bien que des mesures exceptionnelles et temporaires sur les recettes puissent amorcer la nécessaire consolidation budgétaire, le niveau élevé d’imposition de la France - l’un des plus élevés en Europe - implique qu’un redressement continu des finances publiques de l’ampleur de l’effort prévu dans le plan à moyen terme de la France, qui passerait uniquement par la fiscalité, pèserait sur la confiance des entreprises, la consommation des ménages et le potentiel de croissance. En tenant compte des expériences récentes, les autorités devraient continuer à suivre et à évaluer les dépenses fiscales et sociales afin de remédier aux inefficiences par rapport aux objectifs visés et réaliser des économies. Cette approche simplifierait également le système fiscal et faciliterait les prévisions de recettes fiscales.

  • Les autorités devraient s’attacher à rationaliser les dépenses publiques et à en renforcer l’efficience, au moyen d’une action concertée à tous les niveaux d’administrations publiques : Etat, administrations de sécurité sociale, collectivités territoriales. La France affiche le ratio de dépenses publiques par rapport au PIB le plus élevé au sein de l’Union européenne. Il existe plusieurs possibilités pour rationaliser les dépenses publiques et améliorer leur qualité, tout en préservant l’investissement dans les domaines prioritaires favorables à la croissance et en atténuant les impacts redistributifs sur les plus vulnérables. L’élargissement prévu des revues de dépenses et les efforts pour minimiser les enchevêtrements entre les différents niveaux administratifs, y compris au sein des collectivités territoriales, peuvent contribuer à rationaliser la dépense publique en s’attaquant aux dépenses inefficientes et à la lourdeur administrative. En outre, il existe des marges pour améliorer le ciblage des prestations sociales, y compris en examinant l’éligibilité et la durée d’indemnisation des prestations d’assurance chômage, pour mieux cibler les politiques actives sur le marché du travail ainsi que pour simplifier et harmoniser les régimes de retraite, tout en garantissant l’équilibre du système dans la continuité de la réforme de 2023. Cela permettrait de promouvoir des carrières moins fragmentées et plus longues, tout en améliorant la viabilité et l’équité intergénérationnelle du système de Sécurité sociale. Le renforcement du pilotage et de la coordination budgétaires entre l’Etat et les collectivités territoriales peut aussi générer des économies aux niveaux local et national.

Les initiatives prises par les autorités à la suite des récents dérapages budgétaires pour renforcer les prévisions de finances publiques et les contrôles budgétaires sont bienvenues. Le plan d’action du Gouvernement de mars 2025 a pour objectif d’améliorer le pilotage des recettes fiscales, de promouvoir plus de transparence et de renforcer le rôle du Haut Conseil des Finances Publiques. Des efforts continus dans ces domaines sont essentiels pour identifier et prévenir de manière proactive les risques budgétaires, renforcer le pilotage des finances publiques et améliorer la crédibilité de la politique budgétaire. Les autorités devront également disposer de plans de contingence pour veiller à ce que les besoins de dépenses prioritaires, y compris dans le domaine de la défense, soient couverts sans compromettre les finances publiques.

Politiques macro-structurelles de soutien à l’emploi et à la croissance de la productivité

Stimuler la faible croissance de la productivité est essentielle pour soutenir les perspectives économiques de la France, compte tenu des besoins importants de consolidation budgétaire. L’écart de revenu par habitant entre la France et les États-Unis s’est creusé depuis le début des années 2000 et dépasse aujourd’hui 20 %, principalement en raison d’une productivité et d’un emploi plus bas en France. Les réformes macro-structurelles peuvent jouer un rôle crucial pour soutenir le potentiel de production, tout en facilitant les efforts de consolidation budgétaire. Par exemple, une augmentation de 0,3 point de pourcentage de la croissance potentielle du PIB pourrait contribuer à réduire la dette publique de près de 10 % du PIB à long terme.

La France peut capitaliser sur les transitions écologique et numérique en intensifiant ses efforts pour soutenir l’innovation et l’accès aux capitaux. L’avantage comparatif de la France dans les technologies à bas carbone et son potentiel pour devenir un pôle d’innovation européen dans l’intelligence artificielle peuvent contribuer à promouvoir le développement de nouvelles technologies et soutenir la croissance. Les efforts en cours du Gouvernement pour réviser et rationaliser les subventions aux entreprises et les crédits d’impôt pour la recherche et développement, en se concentrant sur les dispositifs ayant le plus d’impact et en ciblant davantage les critères d’éligibilité, peuvent stimuler l’innovation et contribuer à combler les écarts avec les pairs. Il est indispensable d’améliorer l’accès au financement et d’en réduire les coûts pour les entreprises productives mais qui rencontrent des difficultés d’accès au crédit. Cette mesure peut être soutenue par la promotion de l’Union de l’épargne et de l’investissement au niveau européen, qui peut accroître la disponibilité et l’efficience de l’allocation du capital.

Pour soutenir l’entrepreneuriat, les politiques devraient se concentrer sur la réduction des barrières réglementaires à l’entrée et la baisse de la charge administrative. Les performances de la France sont relativement bonnes en matière de régulation des marchés (PMR – product market regulation), mais la réduction des barrières administratives à l’entrée pour les entreprises, notamment dans certains secteurs de services, est cruciale pour stimuler le dynamisme des entreprises et la croissance de la productivité. Le projet de loi de simplification de la vie économique, actuellement en discussion, constituerait une étape importante pour réduire davantage la charge réglementaire et rationaliser les normes, en particulier pour les Petites et Moyennes Entreprises. Au niveau européen, l’approfondissement du marché unique, au travers de la suppression des barrières commerciales restantes au sein de l’UE et d’une plus grande harmonisation des réglementations, peut aider les entreprises à réaliser des économies d’échelle et encourager l’innovation en élargissant la taille du marché.

Des efforts soutenus pour promouvoir l’emploi et la qualité du travail restent essentiels pour faciliter les transitions verte et numérique en cours, dans un contexte de vieillissement de la main-d’œuvre, et stimuler la croissance de la productivité. Bien que les taux d’emploi aient augmenté, ils restent faibles dans certaines catégories de la population par rapport à d’autres pays. De nouvelles mesures pourraient être envisagées dans différents domaines, et notamment de nouvelles réformes des prestations sociales afin de renforcer les incitations à travailler et réduire la fragmentation des carrières, en particulier chez les jeunes et les personnes âgées. Ces mesures peuvent être complétées par des mesures destinées à accroître davantage le taux d’activité des femmes, y compris par des initiatives récentes visant à soutenir les carrières dans les STIM, et à mieux intégrer les immigrés au marché du travail. Des mesures visant à améliorer les compétences des salariés et à promouvoir le vieillissement en bonne santé contribueraient également à la qualité de l’emploi.

S’adapter à un paysage financier complexe

Le secteur bancaire a bien résisté aux récents chocs, soutenu par des normes de prêt prudentes et de solides coussins de précaution. Bien que la rentabilité reste inférieure à la moyenne européenne, les banques présentent des positions robustes en termes de solvabilité et de liquidité, avec des coussins adéquats. Des mesures prudentielles solides atténuent les risques du marché immobilier alors que les prix de l’immobilier se stabilisent. Les risques pour le secteur bancaire liés à l’endettement des entreprises et aux expositions souveraines restent aussi maîtrisables. Malgré une forte incertitude, les risques pour la stabilité financière restent contenus, les banques françaises faisant preuve de résilience lors de tests de résistance à partir de scénarios géopolitiques et de récessions sévères, appliqués dans le cadre du Programme d’évaluation du secteur financier (PESF) du FMI de 2025.

La France doit continuer à adapter son solide ensemble d’outils de supervision financière et politique macro-prudentielle à un paysage financier complexe et en évolution. Conformément au PESF, des limites prudentes d’octroi de prêts ont soutenu des pratiques avisées et doivent continuer à être mises à jour pour refléter les risques émergents. Les autorités devraient également continuer à améliorer les orientations concernant le niveau de la réserve de protection du crédit actuel et à ajuster proactivement les taux si nécessaire. Les institutions financières devraient continuer d’intégrer de manière proactive les risques cybernétiques et climatiques dans leurs processus de gouvernance et de gestion des risques.

Les liens entre le système bancaire, les compagnies d’assurances, et les marchés de financement nationaux justifient une surveillance continue et étroite. Le test de résistance du PESF indique que les fonds d’investissement possèdent suffisamment de liquidités pour résister à de grands chocs de remboursement, et que les coussins de liquidité des banques françaises peuvent absorber des chocs potentiels de marché dus aux ventes massives d'obligations. De plus, des outils de gestion de la liquidité pour contenir les risques de rachat ont été largement adoptés. Cependant, dans un contexte d'incertitude mondiale et d'épisodes de forte volatilité des marchés, il est possible de renforcer davantage la surveillance en améliorant le suivi et le partage des données sur les structures du passif des fonds, ainsi qu’en renforçant la collaboration entre les superviseurs des institutions financières non bancaires en France et au niveau de l’UE.

L’équipe de la mission remercie les autorités françaises et ses autres interlocuteurs en France pour cette collaboration productive et ces échanges constructifs.

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