Typical street scene in Santa Ana, El Salvador. (Photo: iStock)

(photo : Sultan Mahmud Mukut/SOPA Image/Newscom)

Bulletin du FMI : La Tunisie obtient un prêt de 2,9 milliards de dollars du FMI pour accélérer la création d’emplois et la croissance économique

le 2 juin 2016

  • La Tunisie est confrontée à une activité économique anémique, à un emploi faible et à des déséquilibres extérieurs élevés
  • Le prêt du FMI soutiendra la vision économique du gouvernement d’une croissance dont les bienfaits sont mieux partagés
  • Le programme prévoit des réformes qui s’attaquent au chômage élevé et renforcent la gouvernance

Le FMI a approuvé un prêt de 2,9 milliards de dollars sur quatre ans en faveur de la Tunisie à l’appui du programme économique des autorités qui a pour objectif de promouvoir une croissance solidaire et la création d’emplois, tout en protégeant les ménages les plus vulnérables.

De jeunes Tunisiens sur les marches du théâtre dans la capitale. Le nouveau programme de la Tunisie s'attaque au chômage élevé (photo: Fethi Belaid/Gettyimages)

De jeunes Tunisiens sur les marches du théâtre dans la capitale. Le nouveau programme de la Tunisie s'attaque au chômage élevé (photo: Fethi Belaid/Gettyimages)

PROGRAMME DE LA TUNISIE

Le programme s’appuie sur l’accord précédent, dont la Tunisie a bénéficié juste après le Printemps arabe.

Dans une entrevue avec le Bulletin du FMI, Amine Mati, chef de mission du FMI pour la Tunisie, explique comment le programme économique du pays vise à s’attaquer aux problèmes qui subsistent et à soutenir le nouveau plan de réforme économique des autorités.

Bulletin du FMI : Qu’est-ce que la Tunisie a accompli dans le cadre du premier programme, et pourquoi le pays a-t-il besoin d’une aide supplémentaire du FMI?

M. Mati: Le premier programme, l’accord de confirmation, a aidé la Tunisie à préserver la stabilité macroéconomique pendant une période très difficile, caractérisée par une transition politique prolongée, une montée des tensions sociales y compris des grèves et des arrêts de travail, et des tensions sur le plan de la sécurité en raison de conflits avec les Salafistes et des attaques terroristes tragiques de 2015 qui ont dévasté le secteur du tourisme. Dans ce contexte difficile, les autorités ont pu mettre en œuvre un programme de réformes ambitieux qui cherchait à soutenir le développement du secteur privé, à s’attaquer au chômage élevé et à réduire les disparités régionales.

En dépit de progrès considérables, la Tunisie reste confrontée à de nombreux problèmes économiques : la composition des dépenses s’est détériorée, les déséquilibres extérieurs sont élevés, le dinar demeure surévalué, les banques restent fragiles et les réformes visant à renforcer le climat des affaires sont lentes. C’est pourquoi les autorités ont sollicité un nouveau programme sur quatre ans, au titre du mécanisme élargi de crédit, à l’appui de leur vision économique, dont l’objectif est de moderniser le modèle de développement du pays et de réduire les facteurs de vulnérabilité existants.

Ce programme à plus long terme cible les faiblesses structurelles fondamentales qui existent depuis longtemps dans l’économie tunisienne, et qui ont conduit à une croissance faible et à des déséquilibres extérieurs élevés. Il cherche cherche donc principalement à consolider les progrès qui ont déjà été accomplis sur le plan de la stabilisation macroéconomique et à s’attaquer aux obstacles structurels auxquels un meilleur partage des bienfaits de la croissance et la création d’emplois continuent de se heurter.

Bulletin du FMI : Pouvez-vous décrire comment le nouveau programme en faveur de la Tunisie prévoit de soutenir la vision économique sur cinq ans des autorités ?

M. Mati : La vision des autorités s’appuie sur cinq piliers, le facteur principal étant le développement du secteur privé. Pour contribuer au programme de réformes économiques des autorités, le nouveau programme appuyé par le FMI repose sur les priorités ci-après :

• Une réduction progressive du déficit budgétaire global afin de stabiliser la dette publique aux environs de 50 % du PIB

• Une amélioration de la composition des dépenses publiques : une maîtrise des salaires permettrait de doubler les investissements publics prioritaires qui soutiennent la croissance et la réduction de la pauvreté

• Un assouplissement du taux de change afin d’améliorer la compétitivité extérieure de la Tunisie et de reconstituer les réserves de change

• Une amélioration de l’intermédiation du secteur financier, notamment en poursuivant la restructuration des banques publiques

• Des réformes structurelles, y compris des institutions et des entreprises publiques, une réduction des subventions énergétiques, un système fiscal plus progressif et équitable, un renforcement de la gouvernance et une amélioration du climat des affaires

Il faudra du temps pour que toutes ces réformes portent leurs fruits, mais à terme, elles contribueront à porter la croissance à 5 %.

Bulletin du FMI : Le taux de chômage global est de 15 % en Tunisie et le taux de chômage des jeunes de 35 % : que recommande le FMI pour que le pays crée davantage d’emplois?

M. Mati : Il convient de mettre en œuvre vigoureusement les mesures macroéconomiques et les réformes structurelles que j’ai mentionnées plus haut pour que le secteur privé investisse et crée des emplois. À l’heure actuelle en Tunisie, il est essentiel de rétablir la confiance des investisseurs, qui a souffert de l’incertitude politique. Cependant, il est tout aussi important de modifier le modèle de développement qui existe de longue date : ce modèle repose sur une omniprésence de l’État qui a conduit à une économie tributaire d’exportation à faible valeur ajoutée, à une réglementation excessive et à une concurrence limitée. Il s’agit d’adopter rapidement le nouveau code de l’investissement et de mettre en œuvre la nouvelle loi sur la concurrence

Le pays peut aussi mettre en œuvre des partenariats public-privé qui attirent des capitaux privés pour des projets d’infrastructure. Toutes ces améliorations du climat des affaires, facilitées par une nouvelle rationalisation de la réglementation existante, encourageront le développement du secteur privé et signaleront l’ouverture de l’économie tunisienne aux investisseurs locaux et internationaux. Il sera nécessaire aussi de réformer le marché du travail, même s’il faudra probablement du temps pour dégager un plus grand consensus. Entre-temps, les autorités ont engagé des politiques actives du marché du travail (par exemple, travaux publics, microfinance) et des programmes de formation professionnelle qui peuvent contribuer à réduire le chômage parmi les diplômés universitaires.

Bulletin du FMI : Le nouveau programme de réformes cherche notamment à accroître l’emploi, en particulier dans les régions non côtières. Comment la réforme de la fonction publique peut-elle être utile à cet égard ?

M. Mati : Permettez-moi tout d’abord de souligner que la réforme de la fonction publique est la priorité absolue des principales parties prenantes à qui nous avons parlé, et il n’est guère surprenant qu’elle figure en première place dans la vision économique des autorités. Toutes les parties prenantes reconnaissent que la qualité des services publics laisse à désirer et que la trajectoire actuelle de la masse salariale, qui représente 65 % des recettes fiscales, 14 % du PIB et 45 % des dépenses totales, n’est pas viable.

La réforme, qui vise à accroître l’efficience du secteur public et la qualité des services, a plusieurs dimensions, notamment le statut des fonctionnaires de haut niveau, la révision du barème des salaires, un lien plus étroit entre la rémunération et la performance, ainsi que le redéploiement dans les régions de l’intérieur qui ne sont pas suffisamment desservies. La réforme contribuera aussi à maîtriser la masse salariale en la réduisant à 12 % du PIB d’ici 2020, ce qui permettra de créer l’espace budgétaire nécessaire pour doubler l’investissement public.

La réforme de la fonction publique constitue une étape nécessaire pour créer de la croissance, mais ne peut être un succès que si un large consensus est dégagé, ce qui nécessite des réformes dans d’autres domaines importants. Par exemple, la réforme de la fonction publique doit aller de pair avec une réforme fiscale qui améliore l’équité en élargissant la base de l’impôt et en accroissant le pouvoir d’achat des contribuables aux revenus les plus bas (par exemple, en relevant le seuil de l’impôt sur le revenu). Comme les autorités le reconnaissent, la mise en œuvre de cette réforme est essentielle car seul le secteur privé, et non le secteur public, peut créer des emplois viables.

Bulletin du FMI : Est-ce que les mesures prises pour s’attaquer à la corruption et renforcer la gouvernance sont suffisantes ?

M. Mati : L’amélioration de la gouvernance constitue une priorité pour le gouvernement. Le renforcement de la lutte contre la corruption et de la gouvernance est prévu par la constitution tunisienne qui a été adoptée l’an dernier. Il s’agit maintenant de passer à l’action. Les autorités sont en train d’établir une loi portant création d’un organe constitutionnel indépendant de haut niveau qui sera chargé de lutter contre la corruption.

De nouvelles lois qui seront adoptées d’ici la fin de l’année protégeront les lanceurs d’alerte, s’attaqueront aux conflits d’intérêts dans le secteur public et exigeront des hauts fonctionnaires qu’ils divulguent leur patrimoine financier net. L’amélioration de la gestion des finances publiques et la publication de davantage de documents officiels contribueront à promouvoir la transparence et à renforcer la gouvernance. Le nouveau Ministère de la fonction publique, de la gouvernance et de la lutte contre la corruption, qui a été mis en place il y a trois mois, contribuera aussi à la mise en œuvre de cette réforme. Le programme appuyé par le FMI aidera les autorités dans ce domaine, notamment en ce qui concerne le renforcement du dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

Bulletin du FMI : Qu’est-ce que le FMI a fait pour encourager les parties prenantes en dehors du gouvernement à souscrire au nouveau programme et à l’appuyer ?

M. Mati : Nous dialoguons avec diverses parties prenantes pour obtenir des perspectives différentes que nous pouvons incorporer dans nos entretiens avec les autorités. Nous rencontrons beaucoup d’organisations non gouvernementales qui s’intéressent à diverses questions sociales. En outre, nous rencontrons régulièrement des groupes de réflexion, ainsi que des syndicats et des chefs d’entreprise. Ces consultations nous permettent d’être à l’écoute des préoccupations de toutes les parties prenantes, de mieux comprendre les grands enjeux du pays et d’améliorer nos entretiens sur les politiques publiques.

Le dialogue avec toutes les parties prenantes se déroule lors de nos visites périodiques dans le pays, ainsi que par l’intermédiaire du représentant résident du FMI à Tunis.